Les petits vieux se ramassent à la pelle ( 13)

C'était un trampolino. Il faut avouer que ce cocktail porte bien son nom : des milliers de petits gymnastes sautent et rebondissent dans son crâne, heurtant parfois les globes oculaires déjà douloureux, la tempe droite, puis la gauche, s'immisçant dans les artères en ricanant, bousculant les divers centres de l'équilibre par leurs sauts périlleux acrobatiques. Non, Kevin ne prendra plus de Trampoline à la Part des Anges, c'est une certitude inexorable. Même pour fêter l'achat de son pantalon. Pour la chemise, c'était trop tard, mais il a trouvé un tee-shirt Mickey trop fun. Et dans l'enthousiasme, il s'est un peu laissé aller. Même avec Ludo, d'ailleurs. Tant pis. Il lui parlera une autre fois. Pour l'instant, il faut qu'il arrive à se lever et à prendre une douche. Allonge sur le dos, il fait mentalement le chemin jusqu'à la salle de bain. A peu près trois mètres à parcourir. C'est l'avantage d'un studio. Mais quelle que soit la distance, l'exercice suppose d'arriver d'abord à se lever. Lentement, bien sûr. En s'asseyant, par exemple, dans un premier temps. Puis il faudra poser un pied sur le sol, puis un autre. Se tenir au chambranle de la porte. Entrer dans la douche et tourner le robinet. Le reste devrait suivre tout seul, la douche permettant d'arriver jusqu'au coin cuisine et l'aspirine-café d'envisager de se présenter au travail dans les délais. Mais il faut d'abord se lever. Et d'imaginer tous les efforts à accomplir avant d'atteindre le but final de la porte d'entrée a épuisé Kevin qui se tourne sur le côté et envisage un instant de se rendormir.

Ce qui est de toute façon impossible, à causes des gymnastes. Alors, lentement, très lentement, il se laisse glisser sur le bord du lit et tente de s'asseoir au milieu des vagues déchaînées des draps. Cela s'appelle un mal de mer, tente t-il de plaisanter au milieu des brumes alcoolisées. Mais après quelques minutes de répit, il décide courageusement de poser le premier pied sur le carrelage. La sensation de frais lui fait du bien et il tente la jambe gauche. Pas mal. Encore deux pas et l'eau glacée sera à sa portée. Il l'aura bien méritée, cette douche. Elle ouvrira en grand une nouvelle journée qui devrait être la meilleure de la semaine, puisqu'il ne travaille que ce matin et qu'il a prévu de passer l'après-midi à Marinella avec Steph et Toine. Cette pensée lui donne encore un peu plus de courage et il atteint sans encombres la cabine de douche. Le jet glacé ressemble à une décharge électrique, salvatrice dans son cas. Il attrape le gel douche à tâtons et se savonne vigoureusement.

C'est pour cela qu'il n'a pas entendu le léger frottement près de la porte d'entrée. Ce n'est qu'une fois son café bu, son aspirine avalée avec un reste de cake aux fruits confits qu'il apercevra l'enveloppe blanche glissée sous la porte. Non, ce ne sera pas la meilleure journée de la semaine.

Avertissement : je dois interrompre les publications de ce roman car je suis actuellement en discussion avec un éditeur pour envisager la réédition du roman. Cependant, si certaines personnes veulent connaître la suite rapidement, elle peuvent me contacter car il me reste quelques exemplaires.