Les pierres de cerf [En construction]
masque
Note : ça m'énerve parce que WLW a encore fait sauter des pan entiers de mon texte, ce qui fait que certains passages ne veulent strictement rien dire. J'en suis désolé, j'essayerais d'arranger ça plus tard, et en attendant, j'espère que ça ne génera pas trop la lecture :( Autrement donc comme l'indique le titre, ce texte est encore loin d'être achevé je le compléterai au fil de l'inspiration.
« Une pierre de cerf ou pierre à cerf est un mégalithe ancien de Mongolie datant de la fin du IIe et du début du Ier millénaires avant Jésus-Christ. Leur appellation provient de leurs gravures de cerfs représentés en train de voler.
On trouve des pierres de cerf dans le Nord de la Mongolie et en Sibérie, au nombre d'environ cinq cents. Leur signification est encore mal connue. » Wikipédia.
Le soir.
Dans la pénombre sereine, plus un bruit ne guette. Au moment de basculer dans le sommeil, alors que j'observe mes pensées voguer et s'étioler vers de brumeux et lointains horizons, j'entraperçois parfois au travers de mes paupière à demi-closes, une lumière. Elle est douce et chaude, et maigre et aveuglante. C'est une lumière bleue.
C'est ce rayon de soleil qui surgit soudainement d'entre les nuages lorsqu'il pleut. C'est la cigarette qui se consume lentement entre les doigts du rêveur, au crépuscule. Ou bien encore les braises rougeoyantes du feu mourant dans la cheminée, semblable à ceux qu'autrefois les naufrageurs allumaient sur les falaises escarpées.
C'est la présence de l'ami, la couche de poussière qui recouvre les vieux livres et le craquement de leurs pages entre nos doigts, le sourire fugace d'une inconnue dans le bus. C'est la douceur des nuits d'été, celles qui suivent l'orage, où l'on erre.
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Je rêve parfois d'un sentier oublié, usé par les siècles et les saisons, où ne cheminent plus que des guêpes et quelques scarabées. Il serpente à travers la lande et les forêts. Aussi loin que porte ma vue, je ne lui vois pas de fin. Il serpente avec cette sorte d'élégance naturelle, harmonieuse, ancestrale qui sied seulement aux ruisseaux et à certains laies.
Il fait nuit. Une nuit claire, une nuit d'aout boréal. Au loin, j'aperçois les montagnes. Les neiges éternelles resplendissent au travers de mes paupières, comme des étoiles.
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D'autres fois, je chemine doucement dans les feuilles mortes jusqu'au petit matin. L'aurore est douce et éclatante.
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J'affectionne plus l'aube que le coucher du soleil. La palette de couleurs y est, me semble-t-il, bien plus riche. L'aurore est promesse de renouveau, du cycle éternel de la vie dont nous ne sommes qu'une part infime. C'est l'éternel retour du printemps. On s'éveille alors, les yeux encore embués de sommeil, pareil au nouveau-né fraichement expulsé de l'utérus et qui proteste au contact de l'air frais sur sa peau.
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J'ai appris l'essentiel dans une petite ville de l'est de la France : l'amitié, la musique, les livres.
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22 aout 2011. Au bord d'un lac, quelque part dans les Pyrénées, le k-way rouge d'un enfant s'échappe de ses mains. Il effectue dans les airs quelque danse incongrue avant de venir se poser en douceur sur la surface de l'eau. Je ne sais pourquoi, ce morceau de toile rouge voguant quelques minutes sur les flots déchaînés avant de disparaître, m'émeut.
La scène se grave dans ma mémoire, s'érige en souvenir. Je l'écris.
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Alors que je rêve, le contraste du rouge sur le bleu du lac me revient en tête. J'ouvre les yeux. Ma chambre à coucher est le sanctuaire orné – inviolable – d'une grotte préhistorique.
Le bleu l'envahit, comme une eau de jouvence.
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Aristote disait des présocratiques qu'ils étaient comme des hommes ivres.
Empédocle se suicida en se jetant dans un volcan ; Hölderlin en fit une tragédie.
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Le bleu me pénètre, m'inonde, m'habite. Je suis bleu, je deviens le bleu. C'est un bleu plus bleu que le bleu du ciel. Bleu comme la terre, bleu comme le monde, bleu comme l'un, l'être et l'étant.
Je m'élève doucement par-dessus moi. Je m'élève dans le bleu du monde.
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Je hais la chaleur. Depuis que je suis petit, mon existence n'est qu'une longue fuite vers le froid. Il arrive que la mélancolie porte mon esprit vers les rivages de la Méditerranée. Mais je doute les arpenter autrement qu'en rêve. Je resterai éternellement ce garçon aux joues pâles et au corps frêle, qui fuit le soleil.
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Je m'élève et je contemple. Les chamans étaient autrefois entre l'intermédiaire entre les hommes et les dieux, entre le monde matériel et le monde bleu des esprits. Ils étaient aussi médecins, savants, instructeurs. A la faveur d'une transe, ils communiquaient à leurs semblables les messages de l'invisible. On raconte que la nuit tombée, leur esprit se glissait au-dehors et vagabondait dans l'obscurité.
Pourvus d'un corps infiniment trop étroit et gauche, ils trouvaient dans l'immobilité de celui-ci, une liberté et un bonheur sans fin.
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Les lecteurs sont les chamans modernes. Leur chair inerte est celle des voyageurs de la nuit.
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Tous les été, rituel immuable. Je fuis vers le Nord pour échapper à la canicule. Il y a eu l'Irlande, puis la Suède, la Norvège, l'Islande. Remonter toute la Suède en train depuis Stockholm fût une des expériences les plus fortes que j'ai jamais vécu. Le train rustique filait à travers les espaces sauvages. Vers le Nord.
Porté par ce but mystique, je me sentais comme un héros de Raspail, un des représentants de cette vieille aristocratie européenne, fidèle à elle-même et à ses vieux rêves. Je cherchais, moi aussi, le petit homme d'écorce.
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Je m'élève et je contemple la terre de France, celle de mes ancêtres. J'aime ce pays, ses routes, ses forêts, ses montagnes, ses vieilles pierres. Ses gens aussi, quoi qu'on puisse en dire. J'aime en arpenter la campagne millénaire, gangrénée par l'urbanisation. J'en aime les usines désaffectées, les croix de pierre, les églises, les gares.
J'aime, au cœur des Pyrénées, ces poteaux électriques incongrus posés sur le flanc des montagnes. D'aucun y lisent la victoire de l'homme calculateur qui façonne la nature à son gré pour mieux la rationaliser, la rentabiliser. Mais c'est une harmonie étrange que je perçois et, en creux, une beauté apaisante et consolatrice.
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Je rêve d'une gare au bout du monde, entre de hautes montagnes. La chaleur n'y est jamais étouffante. On peut rester assis des heures près des rails, à fumer en regardant passer les trains.
Au plus près du bonheur.
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La vie oscille sans arrêt, non seulement entre la souffrance et l'ennui, mais entre le mouvement et le repos, l'action et la contemplation. Ce deuxième « état » est bousculé, piétiné, mis à mal par notre société moderne. Il est le lot des paresseux, des assistés et des sangsues de toute sorte.
Comme chacun des hommes, je recherche en moi un ermitage secret qu'on a tenté d'extirper sans y parvenir. Je crois aux lointains intérieurs, à la grâce, à l'état contemplatif originel qui précède le langage et la pensée. Cet état là, si il est à jamais perdu, il nous est parfois permis de renouer brièvement avec lui, lors de ces instants sublimes et saisissants où nous croyons – enfin – faire corps avec l'absolu.
Le bleu. Fin du préambule.
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Brièvement, le monde sensible reprend ses droits.
Un homme est assis seul au bord d'un lac, les genoux repliés contre son ventre, il écoute le ruissellement de l'eau sur la rive et les cris glacés des oiseaux. Il y a beaucoup de vent.
Le soleil hésite, rougit, tarde à s'abimer derrière les montagnes qui le réprimandent avec superbe. Je compte un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept sommets, tous plus pentus et pointus, et sublimes, comme les dents d'un loup.
Par delà cette rangée acérée, je crois qu'on trouve une vaste plaine et de jolis villages. Les maisons sont serrées les unes contre les autres, pour se protéger du froid mordant. Les vitrines sont ternis, les lampadaires clignotent. Les voitures poussiéreuses attendent là depuis des siècles, de même que cette grande et triste remorque pleine de bois pourri par les saisons.
Jadis, l'hiver assécha les forêts, dénuda les troncs. Le cortège d'Odin parcourut les campagnes, tonitruant, effrayant les orages. Les tempêtes bavardèrent à nos fenêtres, chuchotèrent à nos volets fragiles des histoires d'autrefois qui les brisèrent.
Puis, lorsque tout est mort et froid, la renaissance.
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Derrière les nuages, les étoiles fondent, fanent et tombent sur la terre engourdie ; elles meurent doucement par centaines dans le ciel nocturne, s'effilochent et s'évaporent, invisibles. La buée, la poussière, la fumée encrassent mes poumons et mes vitres, un mirage cotonneux de brouillard et d'air frais et d'étoiles qui agonisent.
La Lune s'embrase soudain dans la rue déserte, à la faveur d'une trouée. Ballet sensuel et saisissant des papillons de nuit ; je croque dans une orange. Le jus trempe mes lèvres, dégouline le long de mon menton, de mes yeux.
Les lumières des cuisines s'éteignent peu à peu, elles désertent les maisons vides. Nox enfiévrée reprend ses droits sur toute chose, écartant ses mâchoires démesurées, aspirant le monde dans son gosier brûlant de néant.
Pour moi, j'attends l'aube. Patiemment.