Les piqûres
dread
Je me sens un peu abattu en ce moment, et comme ma santé est fragile, je dois (selon mon docteur, merci beaucoup) aller faire une prise de sang.
J'aime pas les piqûres. Ca fait mal et ca laisse des traces, des petits grains de beauté blancs et cicatrisés qui grumellent sur la peau. Déjà petit j'aimais pas ça, et ma maman m'avait acheté un Bioman jaune parce que j'avais pas pleuré alors que l'infirmière avait raté la veine et s'y était repris à trois fois pour remplir le vilain tube qui tourne avec les étiquettes. J'aurai préféré un Bioman rouge, mais ma maman pouvait pas le savoir, peut être qu'elle voulait pas me rappeler la couleur de mon sang et c'est tout.
En fait j'ai peur de tout ce qui pénètre sous ma peau. Les seringues, les échardes et les abeilles. A huit ans j'ai fait caca dans mon bermuda à carreaux en sautillant partout dans le jardin de ma mamie à cause d'une abeille qui s'était kamikazée sur mon crâne d'enfant; pile dans la raie de ma coupe au bol d'époque. Il me semble en comparant les photos de tous les gens que je connais qu'à huit ans la coupe au bol est obligatoire. Un truc de maman certainement.
Après cette histoire j'ai gardé une rancoeur envers les abeilles, et une fin d'après-midi, avec mon petit voisin polonais, lui aussi remonté contre les insectes volants, on a lancé une guérilla contre une colonie. On tapait avec nos épées en plastique du parc Astérix sur un nid caché dans un massif de buissons. Sauf que cette fois là c'était des guêpes. On s'est tous les deux fait piquer quatre ou cinq fois et son papa (polonais lui aussi) chauffeur de taxi nous a emmenés, hurlants et geignards, à la pharmacie du village ou nous avons été rapidement aspivenés - ou veninaspirés, je sais pas. Ma maman m'a dit que c'était bien fait pour moi, et j'ai pas eu de Bioman.
Après ça j'ai arrêté d'embêter les insectes volants, et avec mon copain polonais, on s'est mis à se battre avec des araignées. Elles au moins on les voit venir. Puis quand on leur arrache les pattes elles font moins les malines. Salopes. Avec le recul je me dis qu'elles ont payé pour les abeillles, mais les insectes étaient l'Ennemi, pas de quartier ni de distinction. Puis les araignées ça pique aussi. Du moins on le croyait, parce que pour nous morsure ou piqûre c'était pareil, ça fait mal et puis c'est tout.
Pour en revenir aux seringues, il est temps que je parte pour ma saignée. J'angoisse déjà. Je mange des pâtes de fruits que ma copine assistante maternelle me ramène du boulot, et bois du réveil fruité pour être sûr de ne pas tomber en hypoglycémie, on n'est jamais trop prudent. En pensant à toutes ces histoire d'abeilles et de Bioman, je me sens nostalgique, seul, et apeuré. Et ma maman n'est plus là pour m'accompagner.