Les Vilains. 3

Hervé Lénervé

Il est temps de reprendre ma saga familiale, car à ce rythme-là, on n'est pas arrivé chez les couillons. Comme disait notre grand-mère qu'on n'aimait pas.

Bon, où en étais-je ? Je n'ai pas pris de notes, déjà que j'ai tout inventé de mémoire.

Ah oui, une fois, j'étais avec mon frangin et moi, vous savez, lui, tout comme moi, mais en mauvais, au bord d'une rivière, nous étions. Des rivières chez nous, il n'y en avait qu'une, alors, on l'appelait familièrement : la Seine. 

Récapitulons : J'étais avec mon frangin et moi au bord d'une rivière qu'on appelle la Seine, chez nous, quand mon frangin me lance.

On va se baigner ?

Non, c'est trop tôt, pour moi. Puis je n'ai pas mon maillot.

Tu ne sais pas nager ?

Si je sais ! C'est lire que je ne sais pas.

Alors, on y va !

Il est un peu comme ça mon frangin, un peu directif. Donc, on y a été, tel qu'on était, à poil. J'épiais mon frangin du coin de l'oeil, car je me doutais bien qu'il eût de bonnes idées de mauvais coups à me faire, en tête. Me noyer, m'asperger d'essence pour faire une marée noire ? Pendant que je ruminais les possibilités multiples de passer de vie à trépas, je ne vis pas la péniche qui déboîtait sur ma droite, sans clignotant.

Alors, là, dans ce Suspens Extrême. Que va-t-il m'arriver ? Ai-je une chance contre une péniche lancée à tout galop-vapeur ?

On ne le saura jamais. Car, mon frère plus prompte que moi, à des situations d'urgence m'a sauvé la vie en me criant : « Fais pas le con, Vé ! Elle a la priorité. »

Finalement, c'est un bon gars, mon frangin ! Il n'est pas le monstre sanguinaire que les gens médisent.

Pour finir la petite histoire. On n'a pas retrouvé nos fringues. Donc, on était tel qu'on était, à poil et sur le chemin de la maison, on croise la vieille pie de la Germaine qui nous crie : « Alors, les gars, vous avez t'y trouvé votre bonheur ? »

voilà comment notre réputation d'homosexuels incestueux était lancée dans tout le village.

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