Les Zombays de Beverly Hills

Lev Hamels

Des zombies hipsters fraîchement débarqués des Etats Unis, voilà l'histoire ridicule qui a surgi sans prévenir dans ma tête. On verra où ça nous mène.

Avec un soupir excédé, je demande pour la 4e fois à mon client ce qu'il veut. Son accent américain snob commence à me taper sur le système, en plus d'être incompréhensible.

  "Vous avez des Zombays ici ?

  - Gumbo ?

  - Non.

  - Gambas ?

  - Non. Des Zombays."

Ce hipster arrogant tire une latte de sa cigarette électronique. Je m'apprête à lui dire qu'il ne peut pas fumer dans ce café lorsque l'odeur de sa fumée me surprend. Je grimace.

  "Poivron.

  - Quoi poivron ?

  - Goût poivron.

  - Bon, c'est quoi ces Zombays que vous cherchez ?

  - Pour se faire des amis, s'amuser.

  - Soirée Zumba ?"

Les trois hipsters se consultent de leurs regards blindés de khôl.

  "On va prendre ça.

  - Mercredi 12 juin à 20h. Tenue décontractée. Je vous inscrit ?

  - Yep.

  - A quel nom ?

  - Nope."

Un silence gênant. La fille prend la parole.

  "Elisha Goldenberg, Lorenzo Calves et Tony Leeda, puis à son ami, t'es pas cool bro."

Tony éclate de rire. Je commence à en avoir ras le cul. Le latino qui me dévisageait depuis le début fronce les sourcils.

  "Est-ce que vous auriez des biscottes ?

  - Hum... Oui, vous les voulez comment ?

  - Aussi craquantes que toi."

Silence. 

  "Lorenzo, on t'a déjà dit que c'était nul, souffle Elisha"

Finalement, les trois hipsters commandent un gaspacho fenouil gingembre et du pain de seigle. Ces clients sont toujours épuisants, à se considérer comme au dessus de tout. 


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J'aime pas mal les soirées au café. Disons que l'ambiance est plus cool étrangement, et que malgré la surpopulation entre ces murs, les serveurs peuvent aussi s'amuser. Et puis, le tablier vert pomme réglementaire n'est pas obligatoire donc c'est pas mal l'éclate d'un point de vue vestimentaire. Pour ma part, je suis allée à cette soirée Zumba avec un débardeur blanc, une jupe plissée noire et des bottes. Quand j'ai aperçu les trois clients qui m'avaient fait perdre pas mal de temps, je me suis d'abord sentie agacée, mais finalement, à les voir s'amuser et danser, je me suis dit que finalement, ils n'étaient peut être pas si chiants que ça. Je me suis donc chargée de leur apporter leur mojito à la framboise quand ils ont eu soif. Ils étaient marrant, tous les trois, avec leur lunettes de soleil rondes à montures dorées assorties. Lorsque je suis arrivée, Lorenzo m'a adressé un grand sourire.

   "Hey ! T'es tellement éblouissante que j'ai mis mes lunettes de soleil !"

Ses amis ont pouffé, et au final j'ai fait de même. L'avantage des soirées, c'est qu'avec la bonne ambiance et les pourboires, on est souvent plus patients et de meilleure humeur. L'alcool, aussi, peut être un peu. plus la soirée avançait et plus, au final, ils me semblaient sympathiques. Je les découvrais derrière leurs bonnets trop longs, leur lunettes rondes et leur mitaine grise à rayures qu'ils avaient tous les trois. Ils débarquaient de Beverly Hills, poussés par une envie de voir le monde. Des gosses de riches, qui s'amusaient à contester leur naissance sans prendre trop de risques, un peu comme des adolescents en quête du regard de leur parents. Ce regard, ils ne l'avaient jamais eu. Ces trois jeunes adultes de 20 ans avaient été adoptés par un homme d'affaire qui avait eu la fantaisie de vouloir trois enfants ayant la même date de naissance. C'est ainsi qu'à deux ans et demis, les trois enfants du 2 octobre s'étaient rencontrés dans une immense résidence luxueuse, prison dorée d'ennui et de caprices. Ils étaient élevés par plusieurs gouvernantes, qui se relayaient pour s'occuper de ces petites têtes étonnées. Leur père adoptif n'était présent que le temps du repas du soir, et semblait toujours trop préoccupé pour vraiment entendre ses enfants. Au final, ils n'avaient ni repères, ni véritable éducation. Ils s'étaient construits en autonomie, avec pour seule présence constante celle de ces frères et sœurs donnés par le hasard. Le résultat de cette union hasardeuse ? Trois jeunes différents et fusionnels. Elisha, jeune fille discrète, intelligente, souvent en retrait. Lorenzo, dragueur assez nul mais pas méchant. Tony, très chiant mais on s'y fait. Genre attachiant. Je conclus de les revoir à la plage le samedi soir. Au final, ils avaient juste besoin d'exister aux yeux de quelqu'un.

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  • Les clients qui se considèrent comme le dessus du panier n’ont pas de sous pour payer leur suffisance. :o))

    · Il y a presque 6 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • XD eux c'est des gosses de riches chiants mais au fond ils sont genre... Attachiants X)

      · Il y a presque 6 ans ·
      Sticker mural papillon bleu noir

      Lev Hamels

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