L'esquisse

Je m’applique. Les traits ne sont pas sûrs.
J’hésite encore trop sur les formes.
Je les imagine et j’ai parfois du mal à visualiser correctement les postures.
Le corps se dérobe encore, même ici je ne peux pas le toucher.
Je gomme.
Je croque des moments épars de cette vie étrange.
Je mets tout méticuleusement en case. Mes désirs et mes fantasmes.
Emmurés de feutre noir. Ils paraissen...t plus sages. Posés sur le papier.
L’art thérapeute est derrière moi.
Il est doué, il sait attraper les formes.
Je suis ses conseils, je lâche la gomme.

Et mes hésitations deviennent traits, apprivoisent doucement une réalité.

Elle est là, à côté de moi. Elle peint, mélange des couleurs et teste des effets.

Elle s’invite sous mes crayons.
Je trace une silhouette.
J’insiste sur les seins, elle sourit.
Je descends, la taille se resserre, presque malgré moi…
Je retouche le cou.
J’effleure sa nuque, je presse un sein.
Je défais son chignon et ses cheveux coulent sur ses épaules.
J’esquisse deux longues jambes, toutes fines, frêles ; elles frissonnent sous la caresse. Elle se cambre.
Je glisse une mèche de cheveux derrière son oreille.
Elle ne respire plus. Je pose un doigt sur ses lèvres pour sentir son souffle.
Je lui mets du rose aux joues et du rouge aux lèvres.
Je m’approche. Elle me tend sa bouche. Ses yeux se ferment.
Elle se livre, impudique. Me laisse faire.
Je l’habille de ses bracelets.
Je termine par les pieds.

C’est difficile, les pieds.

Elle est là. Nue. Sous mes yeux. Elle est à moi.