Letosa

Le hameau dépeuplé gît au creux d’un vallon ;

Les champs déshérités où paissaient les moutons

Reposent engourdis ; les rires se sont tus ;

Les chansons de jadis ne retentissent plus.

Où sont-ils les enfants qui jouaient à la fontaine ?

Les filles qui rêvaient sous leur béguin de laine ?

Vers quels pays lointains se sont-ils exilés ?

A quel destin obscur sont-ils abandonnés ?

Les pierres accablées, qui meurent en silence,

Témoins éparpillés d’une obsédante absence,

Exhalent quelquefois un charme mystérieux

Qui fait songer les hommes et s’attendrir les dieux.

Les souffles de la nuit qui courbent les grands bois

Semblent nous murmurer des contes d’autrefois

Et sur les toits moussus qu’effleure ce zéphyr,

Leurs plaintes étouffées font d’étranges soupirs.

Ainsi, tout doucement, le Temps a bâillonné

Mes désirs, mes amours et mes rêves secrets,

Mais dans mon cœur muet résonne un bruit ténu

Comme l’écho feutré d’un bonheur révolu.