Lettre à..._ Texte 2
freyja1
A ma lumière. Comme j’aimerais que tu sois là, avec moi. Quel dommage que tu as fait cette chute seulement quelques jours avant notre départ. Tu as voulu que je parte malgré tout. Comme dans mon autre lettre je te fais part de mon ressentis. Ce circuit est vraiment extraordinaire. Cette lettre est un message venu à la fois d’aujourd’hui et d’hier. Je n’ai pas beaucoup de temps devant moi. Nous devons toujours courir. Pourtant, ici j’ai envie de prendre mon temps et t’écrire ce petit mot. Ici nous sommes dans un lieu que je ressens « particulier ». Je ne m’attendais pas à ressentir une telle émotion lorsque j’ai passé le pont-levis. J’ai laissé passer le groupe et me suis isolée. Nous venons de terminer la visite de l’un des châteaux Croisé sur la route qui mène à Jérusalem. La forteresse de Kérak n’est plus. La grande, la fière, la belle, est devenue un lieu de silence. Pourtant, ce lieu est magique il ne reste presque rien. Le château et de son église ne sont plus que des ruines. Il n’y a plus de trace non plus de la vie qui s’y trouvait. Mais ce qui m’a ébloui c’est les souterrains, intacts, sombres, à peine éclairés par les meurtrières. On ne serait presque pas surpris de voir un soldat, un chevalier ou simplement un serviteur passer. La pénombre donne envie de se laisser aller à l’imaginaire. Je suis certaine que tu aurais adoré cet endroit ! La pièce principale semble immense, majestueux. La lumière qui parvient à entrer donne un air surnaturel à ce lieu dont je suis immédiatement tombée amoureuse… Nous avons également vu la cuisine et ses installations dans la pierre. Là aussi on peut presque « voir » l’animation qui devait y régner. Malheureusement, dans les circuits il n’y a pas le temps pour le rêve. Au pas de charge nous sommes ressortis. Il y a un tracé bien précis. Nous ne pouvons pas nous éloigner. Les groupes se succèdent. Il est difficile de prendre des photographies. J’espère que celles que j’ai prises seront bien et te donnera envie de venir. Je me suis promenée, un peu à l’écart des autres mais…pas trop longtemps. De la percée de cette muraille encore intacte qui est sur la montagne. On peut voir la ville à ses pieds, comme autrefois. Je me suis mise à imaginer la présence de ces hommes et femmes. Imaginer la Foi qui devait les animer pour vivre dans cet endroit aussi reculé. J’ai eu du mal à sortir. Je n’avais pas envie de partir, pas aussi rapidement. C’est très rare que je ne sois pas dans les premières à le faire. Pour le moment ils sont tous partis devant pour le restaurant. Moi je suis là, en cet instant, assise sur une des pierres. Le vent souffle fort. La vue sur la vallée est éblouissante. Mon cœur bat fort. Je suis sous le charme. J’ai la sensation d’être à la porte d’un songe. Je n’ai pas envie de m’éveiller et de suivre la masse qui s’en va déjà vers le restaurant. Le passé et le présent ne font qu’un, pour toujours, depuis toujours. Je regarde autour de moi. Sur certaines pierres se trouvent les symboles de la chrétienté. Quel dommage qu’il ne reste plus grand-chose. Je suis sous le charme, comme « envoûtée » mais d’un charme sublime. Je ne parviens pas à sortir de ce dernier. Je sens autour de moi une sorte d’aura. J’ai la sensation que quelqu’un nous suit, invisible, terriblement présent. Je te rassure mon ange. Je ne perds pas la raison. Mon stylo plume glisse entre mes mains. Mon regard s’attarde sur les croix. Je dois bouger. Irrésistiblement, ma main est attirée vers elle et ces pierres millénaires. A peine je la pose et… je ressens quelque chose de vraiment puissant, intérieur. Cela est incroyable, indescriptible. Dieu est-il toujours ici ? Y a-t-il des âmes qui se promènent dans les souterrains, les murs ? Cela ne m’étonnerait pas ! La forteresse de Kérak est vraiment magique par sa présence et sa prestance. Vraiment, quel dommage que ce lieu n’a pas été préservé comme il aurait sied à sa grandeur. L’on m’appelle. Je dois terminer ma lettre et les rejoindre cette fois. Je t’avoue qu’en cet instant je n’ai pas faim. J’échangerai bien mon repas contre un peu plus de temps, ici. Mes mains glissent sur les pierres. Elles semblent ne pas vouloir me laisser partir. A mon retour je te conterai de vive voix ce que j’ai ressenti aujourd’hui, à ce moment précis.
Il faudra revenir. Seule. Car ce qu'un lieu a à nous dire de nous-mêmes ne regarde personne.
· Il y a environ 13 ans ·Frédéric Clément