Lettre à l'absente

stonemarten

Tu es morte un soir de décembre.

Il ne neigeait même pas. C'est quand même dégueulasse ça. Il devrait y avoir une loi, un truc qui oblige ces salops délégués à la météo là-haut à faire tomber la neige pour les gens qui meurent les soirs de décembre.
C'est vachement plus sympa de mourir quand il neige.

Je me suis souvenu juste quand tu t'es éteinte de la première fois où je t'ai rencontrée.
De la première fois que je t'ai aimée.
Je me suis souvenu à quel point tu étais drôle.
Cinglante mais drôle.
Il devrait aussi y avoir une loi pour interdire aux gens drôles de mourir trop tôt parce que c'est qu'à un moment on va se retrouver comme des cons entre gens sans humour et on risque de sacrément s'emmerder.

Putain qu'est ce que j'ai pu t'aimer.

Je t'ai aimée comme plus personne ne sait le faire à notre époque.
Je t'ai aimée quand ils t'ont annoncée que tu étais atteinte d'un cancer.
Je t'ai aimée quand tu dégueulais toute ta douleur au fond de nos chiottes.
Je t'ai aimée quand tu as fini par avoir moins de cheveux que moi sur le caillou.
Je t'ai aimée quand tu m'as détesté de rester là à te regarder mourir au lieu de foutre le camp.
Je t'aime encore même morte.

J'ai pas pleuré quand tu es partie.
Parce que les mecs, ça pleure pas.
Mais putain, si tu savais. 
J'ai pleuré comme un gosse là, juste au fond de mes entrailles. Je crois que chaque particule constituant mon corps a pleuré.
Maintenant je suis en colère. D'ailleurs si je retombe sur cet enfoiré de cancer, je lui ferai la peau.
Un soir, avec les copains on ira boire des coups et on croisera ce pourri et on lui pétera la gueule dans une ruelle sombre.
Ça te fera pas revenir, je sais. Puis je t'entends déjà gueuler comme quoi la violence ça résout rien, me faire chier avec tes citations de Mandela.
Ce que t'étais belle quand t'étais chiante...

Tu es partie depuis bientôt deux mois et il neige.
Il neige tellement que je suis coincé là.
Même morte, t'es une putain d'emmerdeuse.
Même morte, tu me fais toujours plus marrer que ces cons qui se croient vivants...

Crédit photo : Angelo Merendino 
http://bridoz.com/cancer-femme/ 

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