Lettre à l’autorité

Numérique Grenoblois Fleurissant

un plaidoyer de circonstances

Cher représentant de l'ordre,


Loin de moi l'idée de manquer de respect au Président ou à mes compatriotes, en sortant de la sorte de mon logement confiné.

Toutefois je deviens fou, des jours, des heures durant, à penser à ma liberté bafouée, au nom d'une solidarité sanitaire qui, je l'espère, prendra fin d'ici peu.

Cela ne fait que douze jours que l'annonce est tombée, mais je vois encore, depuis ma fenêtre, des gens se balader gaiement, main dans la main avec leurs enfants, ou prétextant un peu de sport, pendant que je compte les impuretés et poussières tombées sur ma vitre.

Les Français n'ont jamais eu autant d'enfants, autant de chiens, et autant de désir de garder un semblant de leur condition physique.

Mais moi, sans enfant, sans animal, sans passion sportive, me retrouve à me promener tardivement un mardi soir, où était-ce un mercredi soir, essayant d'échapper à la monotonie de mes jours, de mes nuits, tentant de trouver un apaisement dans ma solitude, cherchant un regard inconnu, un sourire bienveillant, et ne trouvant qu'un policier prêt à me mettre une amende salée.

Non je n'achetais pas de papier toilette, non je n'assistais pas une personne âgée, j'essayais simplement de donner du sens à ma soirée qui, creuse, ne faisait que raisonner entre mes quatre murs.

Je ne choisirais pas le pathos en vous disant que j'ai perdu mon travail, même si c'est le cas, en vous disant que mon propriétaire souhaite me destituer de ma prison que j'apprécie tant, même si c'est le cas, en vous disant que ma petite amie a décidé de se confiner avec sa grande-tante, après deux jours passés avec moi, même si c'est le cas.

Vous devez me mettre cette amende, soit, mais cette situation de crise nationale ne devrait-elle pas réveiller en vous une empathie fraternelle, devant ce besoin républicain qu'est l'affirmation de son existence ?


Vous présentant mes respects quant à votre devoir, et quant à l'appréciation de mes mots, je vous souhaite du courage en cette période fatidique, et dans l'accomplissement de votre conscience d'Homme.


Sincères salutations,

Un frère.

  • Bientôt, la délation ! :o)

    · Il y a environ 4 ans ·
    Gaston

    daniel-m

  • Merci ! Ton texte est criant de vérité ! Il raisonne en moi, comme en beaucoup d'autres, j'imagine... Il est à la fois drôle, beau et vrai. Je t'envoie du courage pour combattre ce virus, parce que nous sommes en guerre !

    · Il y a environ 4 ans ·
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    alysterfle

  • A défaut de pouvoir te donner un sourire ou un regard, je te laisserai simplement, un commentaire bienveillant.
    J'aime beaucoup ta plume et c'est très agréable de te lire. On sent que tu y mets tous les sentiments que tu peux ressentir en ce moment. Je pense que beaucoup de personnes se reconnaîtront à travers tes mots.
    Courage à toi, combattante du corona!

    · Il y a environ 4 ans ·
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    Manusia

    • quel beau message d'espoir que tu m'offres là, je t'en remercie et te souhaite du courage dans cette aventure bien spéciale..

      · Il y a environ 4 ans ·
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      Numérique Grenoblois Fleurissant

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