Lettre à ma famille et amis

Emmanuelle Squarzoni

38 ans et parkinson

Lettre à ma famille, amis

 

La maladie de Parkinson , j'en parle parce que je la connais bien ,
neurodégénérative et évolutive personne ne se doute de ce qu'elle nous fait , chaque malade a ses propres symptômes , les miens les voici ;

au début c'étaient des tremblements à la main droite mais ce n'est pas simplement trembler ce qui est le premier stade de l'évolution qui en comporte cinq , c'est tout un réseau de choses qui changent dans le quotidien, les tremblements plus ou moins forts qui surviennent n'importe quand et si c ‘est en public, il faut pouvoir assumer la situation , les regards sur moi, interrogateurs, compatissants ou de rejet ceux la sont les plus durs à accepter. Vivre avec, c'est vivre dans les recoins les plus obscurs de l'enfer. Là où jamais n'arrive la lumière du jour, là où se mélangent la souffrance à l'absurde pour que naisse l'incompréhension de l'autre.

Il est comme un parasite, mais un parasite intelligent.      

Il gère ma vie à sa guise. Il se complaît dans la douleur, avec une préférence pour la douleur morale…

Il se vautre dans la raideur de mes muscles, c'est le roi de la lenteur et du déséquilibre quand c'est lui qui commande mes pas.

Il habite avec moi et pourtant je ne le connais pas. Je dors avec lui, je me douche avec lui, je mange avec lui et j'essaie même de vivre avec lui. Je ne l'ai jamais vu tellement il est sournois.  

Pour tout dire, c'est un lâche, impossible de s'en faire un ami. Il est la représentation des deux souffrances.

Il essaie de m'isoler des autres pour mieux me posséder. lentement j'ai sombré dans une dépression profonde, j'étais au fond du trou et j'y étais bien , plus de sortie , plus de contact avec personne.

 

Il ricane de plaisir lorsque le matin, il m'empêche de bien me lever. Sa plus grande jouissance est de faire croire qu'il n'est pas méchant. Que finalement il se contente de quelques tremblements !…

Parkinson ! C'est une bête immonde, un monstre qui ne t'enlève aucune de tes capacités intellectuelles afin que tu puisses mieux voir la déchéance physique vers laquelle il t'entraîne jour après jour….

Il s'arrange avec une facilité déconcertante pour que tes proches ne voient pas la souffrance dans laquelle il te plonge et cela te fais encore plus souffrir car tu n'oses plus dire ce qu'il te fait vivre…pour t isolé doucement dans la souffrance mentale et physique. Les mots n'existent plus…la souffrance de mon mari d être impuissant devant ce démon mais si seulement tu savais mon amour rien que le fait d être à mes côtés tous les jours cela me donne la force de combattre… mes enfants qui ne comprennent pas les crises…

Alors j'ai poussé un grand coup au fond du trou pour remonter avec l aide de mon mari et de mes proches qui font tout pour me secouer et me remonter malgré mon isolement… et je ne vous remercierai jamais assé...

Carpe  Diem… Ma sœur


Et j'ai appris à croiser ces regards sans la honte du début, la honte d'être devenue « différente » !
J'ai accepté, comme pour les alcooliques ou les fumeurs de dire tout haut mon handicap ; j'ai la maladie de Parkinson , une fois qu'on peut dire ça , on vit autrement les symptômes;

les tremblements , ne plus pouvoir tenir et garder un objet en main, devoir penser à toute action que l'on veut faire car le cerveau ne reçoit plus et ne répond plus automatiquement, là il faut penser et se concentrer sur cette pensée pour obtenir le geste voulu avec retardement, forcer aussi les sentiments car parki endort, l'envie et les envies, le visage se fige, le sourire s'éteint , il faut penser pour continuer d'aimer car le monde nous devient indifférent et si on ne vient pas nous chercher, on reste là, personne ne nous manque , on ne sait plus aimer !
Avec les stades deux et trois , les symptômes se précisent et deviennent visibles,

les pertes d'équilibre brutales et le risque de chute associé
toute l'attitude qui devient rigide , les manques soudains d'énergie (les phases OFF) , plus un mouvement n'est possible , on devient un légume pendant des minutes qui nous semblent des heures , on est débranché , inerte .

La marche qui se ralentit ainsi que la diction , la marche devient compliquée , presque impossible parfois avec des difficultés au démarrage ,

les douleurs musculaires et articulaires, les idées qui se perdent , la concentration qui s'amenuise ; l'écriture qui devient microscopique et illisible , les difficultés de déglutition , la perte d'appétit,

le traitement qui démolit l'estomac , les nausées , la tristesse et la fatigue permanentes et tout ça qui évolue au fil des mois,

les contractures musculaires d'une intensité et d'une violence qu'aucun docteur n'avait jamais vues , la douleur dans ces moments est horrible.

Et les tremblements qui de la main  passent à la jambe, toute action avec cette main, me devient impossible ,
ma plume devient mon psy et tant bien que mal, on trouve un traitement qui m'aide à supporter tout ça , mais quand survient une contrariété cela réduit tout à néant , le stress vécu génère des crises très fortes de tremblements, les douleurs subies font que le traitement est devenu inefficace et tout est a recommencer.

j'ai l'impression de ne plus exister.

Alors ne m'en voulez pas je vous aimes toujours autant mais il essaie de me retenir mais je suis plus forte que ce démon et je reviendrai vers vous ou bien ma porte vous sera toujours ouverte…Ma famille, mes amis ….

 

Emmanuelle SQUARZONI

  • Un enfer décrit avec tant de justesse, cela relativise tous les petits bobos, vous êtes très courageuse et votre texte me touche. Bien à vous.

    · Il y a plus d'un an ·
    Lwlavatar

    Christophe Hulé

    • Votre commentaire me touche merci dans mes écrits j essaie de faire ressentir ce que je vis. J ai publié cet extrait de ma biographie pour savoir ce que les lecteurs en pense pour voir si ma biographie pourrait intéresser les lecteurs. Merci à vous

      · Il y a plus d'un an ·
      20190719 181819

      Emmanuelle Squarzoni

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