Lettre à mon père

sauzki

Il y a longtemps que je ne t’ai pas écrit. Tu es mort maintenant, c’est plus compliqué.

Tu es là pourtant, dans une phase, une ligne, un mot. Tu es là souvent. Tu me manques souvent.

Quelle étrange expérience que de vivre la mort de son père. Ça arrive à tout le monde mais personne n’explique ce que l’on va ressentir, ce vide soudain et définitif.

Je me suis retrouvé seul avec ce que je ressentais. Un mélange déroutant de souvenirs et de manque.

C’est finalement dans les moments de bonheurs intenses que tu es le plus absent. Quand je pense que tu n’as jamais vu Mia, mon immensité d’amour. Quand je vois, Noé, bonhomme formidable de presque cinq ans, si exigent, si intense, tellement intelligent, qui n’accepte jamais rien s’il ne le comprend pas, s’il n’est pas convaincu.

Tu l’aimais déjà tant mais tu l’aimerais tellement aujourd’hui.

Alors souvent j’imagine ce que tu dirais, penserais, je ressens ce qui t’énerverait, te rendrait triste et je tente d’entendre tes mots. Tu es parfois plus présent près de moi aujourd’hui. Triste paradoxe de ta mort.

Je réalise aussi beaucoup mieux ce que tu m’as apporté, comment je me suis construit près de toi. Je me bats aussi parfois contre ta tendance à la colère, qui m’a imprégnée plus que je ne le voudrais.

Parfois je t’oublie un peu. Parfois je cherche des souvenirs de toi, je tente de retrouver des images anciennes, des moments, des instants vécus avec toi. Je construits une bibliothèque de souvenirs, je l’archive et la garde pour l’avenir, pour résister aux années, pour que l’on nous restions ensemble dans le temps.

Papa tu es mort. Je te l’écris car parfois cela me semble toujours irréel, comme si rien n’était arrivé. Ce 1er mai s’est bien terminé et ce médecin grand est froid dans ce couloir d’hôpital n’est jamais venu nous dire que tu es mort. Nous n’avons pas pleuré, nous n’avons pas organisé tes obsèques, nous n’avons pas jeté tes cendres dans la mer, nous n’avons pas pleuré.

Mais ici tout va bien. Je suis heureux sans toi car il le faut. Je ne pense pas que tu me vois, j’aimerais mais je n’y crois pas. Mais je t’écris.

Je t’aime.

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