Lettre à Monsieur D...
isa-bleue
Monsieur,
Il pleut-neige. J'ai envie de me dire que c'est de votre faute. Parce que vous me tourmentez. Ou grâce à vous, parce que vous me fascinez. C'est selon que vous préférez me voir danser ou me savoir mouillée sous les grosses gouttes. Quel sort souhaitez-vous me lancer ? Qu'avez-vous encore oublié de faire de moi ?
Je vous ai vu ce matin. Vous buviez un café Chez Monsieur D. Vous avez soudain tourné la tête à mon passage, alors je me suis cachée contre un mur, le premier qui pouvait me dissimuler un minimum. Puis vous avez replongé votre nez aquilin dans la tasse, comme si de rien n'était. Mais j'ai cru déceler un léger sourire émacié au coin de vos fines lèvres...
Mon Dieu que je me suis sentie idiote ! Et j'en rougis encore. Je me suis sentie telle une pucelle à qui on demande l'heure, une enfant prise en flagrant délit de vol aggravé de bonbons ! Et vous, vous souriiez. Je ne sais véritablement si cela était du fait de mon acte absurde et inutile ou bien si le sourire est finalement dans votre nature. J'aurais bien aimé, vous imaginer heureux. Même moqueur et à mes dépends.
Je ne vous crois pas satisfait de votre vie ou en phase avec votre existence. Ce que vous me faites rêver (oui, c'est fou, mais je nous sais connectés) me le montre en images chaque nuit. C'est un peu comme... une... hiérarchie pyramidale au dessus de vos épaules qui vous pèse. Je porte tout ce poids avec vous et tous mes rêves (faites-vous aussi les mêmes que moi ?) convergent vers cette espèce de fatalité. Nous sommes à la fois l'alpha et l'oméga et... je m'égare...
Je me sens si cruche depuis ce matin !
« Tant va t-elle à l'eau qu'à la fin elle se brise » auriez-vous pu dire de votre air cynique. Et je vous en aurai voulu, car peut-être que notre... « relation » n'est vouée qu'à une succession de joutes muettes sans queue ni tête ? Je m'y perds de nouveau...
Vous êtes brillant. Il me paraît parfois inutile de tenter de vous convoiter. Toutes ces simagrées vous exaspèrent à mon avis et vous laisseriez sans doute volontiers cela à d'autres si cependant vous n'étiez pas aussi curieux.
Votre petit sourire, je crois, en dit long sur vos non-intentions. Mais vous m'épierez, je suppose, à votre tour pour voir si... Nous nous comprenons n'est-ce pas, Monsieur D. ?
À l'heure où je vous écris, un homme me regarde, de haut. Il me toise, me déshabille de pied en cap(e). Mon ego aurait de quoi s'emballer. Pourtant c'est votre main que je serre secrètement. Vous êtes là et absent, fidèle et négligeant, vos yeux me touchent. En dedans.
Monsieur, restez.