Lettre à Nina
Emmanuel Rastouil
Si je t’écris ces mots, c’est que je ne sais plus
Où tu peux bien errer, si même es-tu en vie ?
Le temps passe et pourtant, je ne peux t’oublier.
Depuis tous ces longs mois, je vais comme un fantôme
Qui garde jour et nuit un si puissant désir
Que mon cœur ne dort plus mais brûle et me consume.
Jusqu’à quand garderai-je, Amour, ce voile écume
Qui m’éloigne de toi sans que je le voulus
Et me laisse si seul à mon grand déplaisir ?
Ta fuite aura scellé le sort de mon envie.
Désespéré parfois, comme un roi sans royaume,
Mon désert est absence impossible à palier.
Je rêve de pouvoir, au moins, réconcilier
Les bribes de nos liens, cette douce amertume
Qu’autrefois nous portions sur nos peaux comme un baume,
Et qui nous tenait fiers, effrontés, résolus
A révolutionner l’existence asservie
Qui nous frôlait les bras, cherchant à nous saisir.
Je ne puis me résoudre à te laisser choisir :
Que sera ma prison ? Qui sera mon geôlier ?
Et comment garantir mon futur, ma survie,
Sans œuvrer de nouveau dans un désir posthume
Qui me fera traîner comme un vieillard perclus
Assailli de regrets dans le creux de sa paume ?
C’est que j’use mes nuits à réciter un psaume
Qui parle de nous deux dans un vibrant désir.
Mais ces beaux sentiments sont tellement relus
Que je ne compte pas en cent mais en millier
Le flot des oraisons que je jette à la brume
Et qui meurent en vol, car nul ne les convie.
Tu restes ma chimère Ô combien poursuivie,
Noire comme un démon, traître comme un syndrome.
Chaque jour que Dieu fait, je remets le costume
Des souvenirs enfouis, puis je vais à plaisir
Y basculer mon âme et m’y tordre et piller
Ce qui reste d’image et de sons révolus.
Amour, reviens bercer ce vaporeux désir
Qui me tient comme un fil et me garde fantôme.
Que demain ta douceur à ma mort donne vie !