L'hermaphrodite
onizu-k
Elle se tenait près de l'arbre
Cachée sous sa coquille
Ou dans le noir macabre
Elle était plus tranquille
Elle rêvait à ses voyages
Lorsqu'un bruit fracassant
La sortit de ses mirages
Pour ce monde harassant
L'albatros venait de choir
Faisant trembler la pierre
Du sang sur ses ailes noires
Il ferma ses paupières
Elle sortit ses antennes
D'abord une puis les quatre
Ressentit de la peine
Pour ce drôle de pirate
Sur son doux tapis de bave
Elle avança d'un millimètre
Sortit donc de sa cave
Tel un ermite ou un prêtre
Attirée à le soigner
Vers lui elle se précipite
Et à la fin de la journée
Elle est là, l'hermaphrodite
Les yeux de l'oiseau s'ouvrir
Grandioses comme son vol souverain
Quand on a peur de mourir
Beau est le plafond du chagrin
Il n'avait pas les ailes d'Hermès
Une chouette avait scié sa branche
Ne croyant guère à la messe
Il cherchait juste une âme franche
Elle glissa sur ses blessures
Les cautérisant de son mucus
Alors qu'elle était presque sure
Qu'allait sonner l'angélus
Elle, incarnation d'Aphrodite
Sous les traits d'un gastéropode
D'une manière inédite
A trop dégusté l'opprobre
Elle, la reine des chouettes
Toute transformée en limace
Apprend que toutes les conquêtes
Ont dans la patience leur grâce
Il voyait bien que son âme
A l'image de son colimaçon
Tournait vers le centre du drame
Qu'une coque n'est pas une maison
Que l'amour a des pieds d'argile
Que c'est bien beau de s'envoler
Que les vents sont souvent fragiles
Qu'il faut apprendre à se poser
Le géant tapis dans la foret
Lui jura qu'il serait patient
Qu'il ne veut plus faire le goret
Qu'il en a l'instinct et le temps
Elle s'en retourna vers sa pierre
Attendant que son sortilège
Sans incantations ni prières
Un jour la délivre du piège
Elle fila tout droit devant
Laissant sa marque d'escargot
En voyant cette route d'argent
Fidèle trainée d'un cargo
L'albatros, suiveur de chalutiers
Reconnut d'Hermès le luthier
Et sa musique messagère
Bercé par la muse Aphrodite
Ainsi que par l'hermaphrodite
Etrangère autant que bergère