L'histoire de l'Amour

On se connaissait depuis l'enfance. On s'était croisé. On s'était dépassé. On s'était oublié. Puis on s'était cogné. Front à front, tête contre tête et on s'était dit : « Comment se fait-il, qu'on ne se soit pas vu avant ? »

Personne n'aurait su répondre à cette question-là. L'alchimie des sentiments, la magie des quotidiens, la magie, à elle seule, suffira. Ils s'étaient trouvés, tout simplement, ce jour, sur ce trottoir.

A cette heure, où nous rentrions éreintés chez nous, après une journée de labeur. A cette heure, où nous essayions de séduire une jolie assistante. A cette heure où la France suivait son cours et le Monde son cycle, eux, s'étaient trouvés dans ce chaos.

Je m'appelle Sophie. Je m'appelle Mathieu. Nous nous appelons Sophie-Mathieu, car nous ne sommes qu'un. Unicité, deux corps, mais un seul esprit. Je l'aime ! Je l'aime aussi ! Nous nous aimons ! On s'aime.

Puis le temps passa.

Sophie-Mathieu s'aimait trop pour se marier. Les enfants arrivèrent, l'un après l'autre, l'un suivant l'autre à la queue leu leu. Trois garnements, dont deux garnemines.

Puis le temps passa. Je sais, cela ne va pas vous plaire.

Nous nous appelions Sophie-Mathieu, Je l'aimais ! Je l'aimais aussi ! Nous nous aimions ! On s'aimait.

Sophie et Mathieu sont en procédure de divorces sans avoir jamais été mariés. Ils se déchirent jusqu'à la moindre petite cuillère sans la moindre valeur. Ils s'humilient jusqu'à la pire des bassesses sans une once de dignité. Ils se haïssent autant qu'ils se sont aimés.

Voilà ! Je sais vous allez me détester.

Vous, ce que vous vouliez entendre, c'était l'Amour qui dure, qui dure et qui dure toujours, aussi dur qu'au premier jour.

Je suis désolé de vous décevoir, mais il n'en a jamais été ainsi, la pierre retombe toujours à terre aussi haut qu'on puisse la lancer.

Vous savez, je ne suis pas plus lucide que vous, moi aussi, je ne veux entendre que le beau, moi aussi, je ne veux lire que des mensonges.

Pardon !