L'histoire d'une fin

nawel

C’est mon dernier jour à l’université. On a tous décidé de fêter ça après les cours, boire un verre, discuter… Je n’ai jamais aimé voir s’approcher la fin. Fini le train-train quotidien, les fous rires dès sept heures, le matin, la course dans les couloirs pour trouver la bonne salle. Plus besoin de me cacher, plus besoin de mentir aussi, ça c’est le bon côté…  Alors je ne vais pas y aller, je vais partir avant, comme une petite souris. Un dernier regard pour ces amis qui n’en sont pas vraiment et je serai dehors. Une seule envie, rentrer en courant chez moi, cheveux au vent et le retrouver. Alors j’empoigne mon sac à deux mains et, après avoir respirer un grand coup, je me mets  à trottiner le long du chemin.

Arrivée devant la porte, j’appuie sur la poignée. Porte fermée. Etrange… il devrait être là, pourtant. Je sors mes clés, les mains tremblant un peu. J’ai peur qu’il lui soit arrivé quelque chose. Enfin j’ai toujours peur de toute façon. Peur qu’il se lasse de moi, peur de lui faire du mal sans le vouloir. J’entends du bruit dans la chambre, il est peut être malade, où il ne s’est pas levé. Je vais lui faire une surprise et aller le retrouver. Posant doucement mes chaussures dans l’entrée, je fais trois pas dans le couloir, silencieuse. Crak. Fichue latte ! Le bruit s’est arrêté. J’attends quelques instants, voir si je suis repérée. Non, j’entends une voix, à présent. Deux voix. Adieu la surprise alors, il doit avoir invité un de ses amis à jouer au dernier jeu de PS qu’il a acheté… Je pose mon manteau et mon écharpe puis me dirige vers la chambre. La porte est entrouverte, je la pousse doucement du pied et entre  en lançant un grand « bonjour » comme j’en ai l’habitude. Sauf que personne ne répond. Ne trouvant aucun individu devant la télévision, mon regard se porte sur le lit. Il est là, bien réveillé, me regardant déambuler dans la pièce. Mais il n’est pas seul. A ses côtés, une femme, très belle,  me regardant avec de grands yeux étonnés. Ah mais oui bien sur… j’aurais du m’en douter. Monsieur sachant que j’allais rentrer tard à cause de la fête a décidé d’inviter une amie à venir coucher. Une rage folle s’empare de moi, je ne contrôle plus rien. Un cri, un seul, sort de mes lèvres, comme celui d’un animal blessé. Il aurait du deviner ce qui allait arriver, lui qui m’avait consolé et calmé tous ces soirs que j’avaient passés à pleurer et regretter. Sans savoir ce qui m’arrive, je cours jusqu’à la cuisine. Mes yeux, aveuglés par les larmes de rage qui ne cessent de couler, cherchent vainement l’objet convoité. A tâtons, après quelques secondes de recherches, je trouve enfin ce dont j’ai besoin. Le retour vers la chambre est plus contrôlé ; mes yeux sont secs et fixes. Même mon cœur est gelé, comme s’il savait que ce qui allait arriver était inévitable. Car je ne peux survivre tant que lui vit. Couteau en main, j’entre, déesse meurtrière, porteuse de mort. Avec une folle envie qui remplie tout le vide en moi. Je veux voir la peur dans ses yeux. Je vais le torturer, le faire souffrir. Mais avant, je vais lui montrer ce qui l’attend. D’abord, il me faut charcuter sa petite amie. Elle est témoin, ce serait gênant de l’avoir dans mes pattes. Je me surprends moi-même de penser ainsi, petite pointe de surprise au milieu de cet océan de rage qui m’engloutit petit à petit. Je lève alors le couteau dans sa direction et, dans un mouvement plein de haine le lance vers son cœur. Elle n’avait pas bougé, en me voyant arrivé. Comme si elle voulait nous laisser régler ça entre nous, comme si elle pensait que j’allais renoncer à mes projets de meurtres. Enfin... avait-elle vraiment compris mes intentions ? Une femme censée se serait sauvée de la maison avant l’accident. Elle n’en était pas une, elle est morte. Elle n’a pas eu de chance, je vise très bien. Mieux que la plupart des gens en tous cas. Car le couteau à atteint sa cible, pénétrant la chair puis déchirant l’organe vital. Vital veut dire indispensable à la vie, la sienne s’est terminée à ce moment là. Six heures et demie, le vendredi trois juin. Terminée.

A présent, il me regarde dans les yeux, il sait que je n’hésiterais pas à utiliser le second couteau. Alors il me parle, lentement au début, puis de plus en plus vite, comme il voit que je me rapproche. Il parle sans s’arrêter, sans même respirer, il voit bien que ses mots d’amour ne me font plus aucun effet, que ses mensonges ne fonctionnement plus. Et puis même si tout ceci était vrai et que ses paroles m’avaient touchées, je n’aurais pas pu m’arrêter. Cette satisfaction, ce plaisir muet lorsque le couteau était allé se planter dans la chair tendre, nulle autre chose de me l’avait fait ressentir. Entre temps, il a ouvert la fenêtre du fond et s’y est glissé. Un regard derrière lui et il fuit en descendant par l’échelle incendie. Quel idiot. Je m’avance vers la fenêtre ouverte, tends le bras. Et lâche le couteau. Sans la moindre hésitation. Un cri, un seul, et c’est fini. Le sang sur les draps et les yeux sans vie me fixant sont les seuls témoins. Je me penche alors à mon tour par la fenêtre et observe les alentours. Personne. Alors, prenant mon élan, je saute dans le vide ; une dernière chute pour en finir pour de bon…

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