L'Homme

onizu-k

Attablé dans un bar à bousculer des broutilles

Lors de débats avares, agacé par des gars futiles

Je rejoignis le comptoir et sa fine psychologie

Pour qu'il me compte ses histoires et que je retrouve la magie


Les coudes écartés comme les cuisses des machos dans le métro

Les doigts éclatés prenant machinalement ses nachos

Enfoncé sur son siège en chêne dont il était les racines

L'homme me conta ses chaînes et les pièges, mais jamais ses origines


Il m'a dit des décennies de mardi, de lundi, de dimanche

Décimé des lendemains et des jours d'avant qui flanchent

A confondre le fiel, les nuages et l'ire du réel

Il m'a dit qu'il craignait de respirer son air à elle


Il récita un poème, c'était pas celui d'un autre

Je sais reconnaître celui qui sait puiser de ses fautes

Pour lui le problème ne venait pas de ceux qui se vautrent

Mais de ceux qui se luxent, et ne prêtent pas leur épaule


Son silence à cet homme c'était tout un langage

L'inverse du présent où le vide compte les décibels

Les mots se cachent, aujourd'hui les images

Défilent comme naguère les mirages militaires dans le ciel


Quand il prenait son verre, sa gorgée faisait rivière

Il devait forger sa verve sur des rêves en civière

Et si vite et si vide qu'hormis des restes de mousse

On y cernait un tonnerre de ceux qui donnent la frousse


Pour apaiser le peintre des pintes, héritier de Zeus

Je lui payais une nymphe à nicher dans son alcove

Sa bourse semblant plus mince qu'un papier de 5 keus

Les courbes de la blonde firent luire ses yeux de beaux éclairs d'alcool


Et c'est là qu'il m'a dit bien plus qu'un poème

Là quand la musique se pose sur une langue sincère

Où le regard filtré par d'obscurs théorèmes

Trouve des oasis de clarté chez les âmes désertes


Alors sa peine profonde a hurlé en coulant

Les nœuds se tendant sous les yeux de sa potence

L'homme était condamné à ne pas faire semblant

Car le poète est une lame devant tuer le silence


Je soufflais sur les brumes oui ma coupe était pleine

Et j'inspirais son air léger de sagesse et de peines

Non je ne sentais pas qu'il me poussait des ailes

La gravité de l'homme m'avait tant éloigné du ciel


Depuis ce jour, dans les bars d'ici et d'ailleurs

Je m'ancre à la terre autant que j'encre sur l'homme

Et l'engrais des cancres comme l'amour le meilleur

Enchantent mon sang comme le plus pur des opiums


Et le sens me pénètre je peux dire qu'il me guide

Sans que nul prophète ne vienne filtrer ce fluide

On ne nait pas poète, on le souffre de sa vie

Nous, les volcans lestant le monde de sa furie










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