L'homme dans l'ombre
ladyquiet14
Une tache sombre apparaissait sur le mur. Suivie d'une autre, puis une autre. Toutes ces gouttes d'un rouge sombre, presque noir par endroit, et écarlate quand elles tombent sur le carrelage blanc. Ҫa a giclé sur le mur, une trainée de sang y était apparue. Puis vint le bruit sourd, celui du corps. Le silence tombe enfin, après le résonnement des cris, tout juste interrompu par le bruit des gouttes glissant le long de la lame et s'éclatant au sol. Lentement, l'homme se tenant au-dessus de sa victime, sort un morceau de tissu de sa poche et entreprend d'essuyer la lame, de la débarrasser du crime qu'elle a commis. Il retire ses gants qu'il fourre avec le tissu au fond de sa poche. Il regarde une dernière fois dans cette pièce sombre et froide, le corps sans vie de la grande blonde rencontrée une semaine auparavant. Il part, calmement, laissant dans cette pièce la fureur, la colère et la violence. Il retourne à sa voiture, étant passé par l'escalier de secours du grand immeuble, il n'a croisé personne. Dans la ruelle sombre où seul un réverbère sur deux est allumé, il démarre. Les phares d'abord éteints sur les deux premières rues traversées, puis il les allume. Ce scénario, il l'a répété un nombre incalculable de fois. La première fois remonte à deux ans. Il s'en souvient comme si c'était hier. Une blonde aux cheveux bouclés, comme celle de ce soir. Elle quittait son travail tard le soir et il lui avait proposé de la raccompagner. Il faisait noir et fort froid, le vent faisait claquer le manteau de la jolie blonde qui avait accepté. Quand elle s'assit dans la voiture, il vit son sourire s'étendre jusqu'à ses yeux verts. Dès lors il n'avait pas pu résister. Il l'avait suivie jusque dans son immeuble dans le petit appartement. Elle ne l'avait pas entendu entrer, il s'était montré très discret : d'abord, il avait continué à rouler sur quelques mètres après l'avoir déposée. Il l'avait ensuite suivie sans bruit. Une fois à l'appartement, tandis qu'elle s'affairait dans la cuisine, il s'était placé derrière elle, la musique qu'elle avait mise couvrantle son de ses pas. Puis d'un seul coup, il l'avait cognée. Un coup à l'arrière du crâne. Il l'a retenue avant qu'elle ne s'effondre, la tenant par la tête et la tournant face à lui. Quand elle eut repris ses esprits et ouvert ses grands yeux verts, elle n'eut pas le temps de crier. La lame s'était enfoncée tendrement dans la gorge, jusqu'à la traverser. En ressortant la lame promptement, une goutte parti s'écraser sur le plan de travail, créant une tache. Encore une maudite tache. Il en était là de ses réflexions quand il ouvrit la porte de son logement, ne se souvenant même pas d'être arrivé jusque-là. Il s'allonge encore habillé, après avoir fermé la porte à clef, sur le lit défait. Il y en avait eu onze. Onze blondes aux yeux verts. Parfois il se faisait horreur. Prenant sa tête dans ses mains, il se relève et se dirige vers sa petite salle de bain. Face au lavabo, face à son reflet, il repense à ce qu'il a traversé. Il s'attarde à la contemplation du miroir. Des yeux verts qu'il déteste car ils lui rappellent ceux de ces femmes. La barbe naissante qui lui ronge le visage. Elle cache ses joues d'enfant. Son enfance… Il fait une grimace que le miroir lui renvoie. Soudain son poing file, brisant la glace, entaillant les jointures de ses doigts. Quelques gouttes tombent dans le lavabo. Quelques gouttes… Non, ce n'est pas sa faute. Il se le répète, encore et encore. Non, ce n'est pas sa faute. Cela fait quelques semaines, il se le répète comme un mantra. Non, ce n'est pas sa faute. C'est ce qu'il fallait faire, ce qu'il a toujours vu et su. Il ne peut s'en empêcher. Il montre les dents, grogne comme un animal enragé, regarde son poing ensanglanté. Il relève la tête, le miroir brisé lui renvoi son reflet un grand nombre de fois. Pour se calmer, il sort son rasoir et entreprend de se raser lentement, de manière à ne pas se couper. Mais ça ne manque pas, comme toujours. Une goutte perle sur sa joue droite, il la voit dans le miroir, elle lui fait de l'œil, elle lui dit : « Souviens-toi ». Et oui, il se souvient, en permanence. Il ferme les yeux et revit la scène. Deux grands yeux verts sous une crinière blonde, un sourire empreint de tendresse. Un homme entre, le pousse. Il n'est alors qu'un enfant. Il voit l'homme lever la main, serrer le poing. Le visage de la femme se crispe, changé par la peur. Puis le poing s'abat sur elle, encore et encore. Les cris sont perçants, il les entend même en mettant ses mains sur ses oreilles. Il voit l'homme sortir un couteau pendant qu'elle le supplie. D'un coup d'un seul, il lui ôte la vie, faisant gicler le sang de sa mère. Son père se tourne alors vers lui, agite son couteau plein de sang en lui criant dessus, mais il n'écoute pas. Son père part. Il n'a pas compris un mot de ce qu'il lui a dit. Il est hypnotisé par cette sensation qui persiste, celle de la goutte de sang sur sa joue rose d'enfant.
Traumatisme de l'enfance répété tant de fois beaucoup plus tard ! Superbe texte ... Mais je suis contente d'être brune !!
· Il y a presque 9 ans ·Louve
ahah ! Pareil pour moi (brune également). Merci pour ce commentaire =)
· Il y a presque 9 ans ·ladyquiet14