L'homme de velours
Lev Hamels
J'ai rencontré l'homme de velours dans un Paris de carte postale. La tour Eiffel pointait au dessus des toits et la Sein clapotait à mes pieds. La lumière était douce, et la brise légère. Tout, en cet instant, semblait parfait. Je déambulais dans la rue pavée, les yeux plongés dans le vague du ciel. Mes pensées vagabondaient au fil de mes pas. Et puis, le retour à la réalité. Le choc, au point d'en tomber. Je ferme les yeux, et serre mon livre sur ma poitrine. J'attends le choc du sol sur mes os. Je pense que c'est le contraste entre la violence que j'attendais et la douceur de l'étreinte qui se présente qui m'en fait apprécier la douceur. Un bras glisse dans mon dos et me soustrait à la gravité. Je sens à travers ma chemise fine les manches en velours de sa veste. J'ouvre lentement les yeux. Je vois d'abord le grain sombre sous son œil. Puis ses yeux en amande, et ses sourcils froncés, et ses lèvres entrouvertes. Sa mine inquiète. Puis sa voix, qui coïncide avec le reste, sa voix de velours.
" Vous allez bien, mademoiselle ?"
Comment lui dire, comment lui dire qu'il est celui que j'ai toujours attendu, celui qui changerait ma vie ? Mes yeux glissent vers sa main, sur sa poitrine. Un livre, les lettres de Keats, comme moi. Je souris.
"Plus de peur que de mal."
Nous nous sommes dévisagés. J'ai inspiré.
"L'amour est ma religion, et vous êtes ma seule doctrine, citai-je
- Quoiqu'il arrive, je veux que vous sachiez que mon plus grand bonheur est devous aimer, dit-ilen souriant"
Nous nous contemplâmes. Une seconde, une minute, qui sait ?
"Je m'appelle Léna.
- Jean. Jean Yallag"
Le silence tomba, et nos yeux se dirent tout ce que les mots ne permettent d'exprimer. Lentement, je m'approche de lui et passe le bout de mes doigts sur sa tempe. Il lève timidement la main pour passer son pouce sur mes lèvres. Je remonte ma main, et retire sa gavroche pour dévoiler une chevelure de nuit. Il glisse ses doigts dans mes cheveux, les emmèle dans mes mèches rousses, dans mon ruban blanc. Nos fronts se collent, nos nez se croisent, et nos lèvres s'étreignent tendrement. Ses baisers sont doux, passionnés. Ils ont la profondeur du velours. J'ai embrassé l'homme de velours dans un Paris de carte postale.