L’homme, la femme et le foot
David Claude
L'homme, la femme et le foot
Dans un coin reculé de la Moselle, une femme avait trouvé un petit stratagème pour calmer les prévenances conjugales de son époux qui la harcelait de ses bonnes attentions tous les jours, et plusieurs fois par jour : il faut dire que le bougre, malgré son âge avancé, était encore fort vigoureux et ce n'était pas ses dix heures de travail et les cinq kilomètres de route matin et soir, qu'il faisait à pied depuis plus trente ans, qui allaient le décourager. Comme il le répétait souvent, c'était son espace détente : les mains expertes, et le reste, de sa femme le relaxaient… et il était long à trouver le soulagement !
Deux ans auparavant, Madame attrapa une petite inconvenance qui entrava la relaxation et les ardeurs de Monsieur. Madame, en femme intelligente – elles le sont toutes quand il s'agit de la chose –, fit prolonger son inconvénient féminin. Après deux mois d'abstinence pour Monsieur et de repos pour Madame, l'époux commença à avoir des chaleurs intérieures qui le firent rager de plus en plus. L'épouse, par trop de questions répétées, craignit que son astuce ne fût bientôt découverte et, par là même, de s'attirer la vengeance (sexuelle) de son mari qui aurait été pire que les assauts qu'elle avait subis ces dernières années.
« Heureusement, qu'il y a encore le foot ! » pesta-t-il.
Comme tout homme le sait, la gent féminine a tendance à retenir (longtemps) tout ce qu'il ne faut pas. L'oreille bien tendue à cette remarque, le cerveau de Madame se mit en action à la vitesse d'un supercalculateur. « Mon petinou ? tu sais mes difficultés, lui dit-elle d'une voix mielleuse, et je sais que tu as été très patient, alors, si tu es d'accords, je peux te proposer une solution qui te rendra ta gaieté : à chaque fois qu'il y aura un match, je m'occuperai de toi à la mi-temps ; tu disposeras de moi à ta convenance. Je me doute, continua-t-elle de ce ton que seule la femme sait prendre pour amadouer son homme, que ce n'est pas ce que tu espérais, mais il faut que tu voies l'effort que je fais pour ton amour bien que cela me soit déconseillé. »
C'est comme faire renifler à un gamin l'emballage d'une tablette de chocolat tout en lui interdisant de croquer celle-ci quand il en a envie ! pensa-t-il. « C'est toujours bon à prendre, » se résigna-t-il à lui dire.
Madame partit vaquer à ses occupations, ravie de sa ruse. Quant à Monsieur, il bouillonnait dans l'attente de la diffusion d'un match de football.
Quelques mois plus tard, alors que Monsieur n'avait pas eu l'idée de se renseigner auprès des femmes qu'il connaissait sur le problème intime de son épouse (sans doute un manque de curiosité des précédentes générations), il entendit parler, par hasard, d'une invention merveilleuse (après la bière) : la télévision par satellite…
…et des nombreuses rencontres de foot qui y étaient retransmises.
Rusant à son tour, Monsieur prit un après-midi de congé pour s'informer davantage sur cette attractive réjouissance. Quelle ne fut pas la surprise de Madame en apercevant son mari rentrer plus tôt du travail et en voiture : l'un de ses collègues l'avait conduit dans une ville, bien trop éloignée pour qu'il puisse faire le trajet à pied, qui disposait du magasin approprié pour ce qui l'intéressait. Le mari sortit deux cartons du véhicule, dont un qu'il laissa dehors et l'autre qu'il alla poser dans son salon. À peine eût-il marmonné un bonjour à sa femme qu'il se mit à l'ouvrage.
Monsieur installa la parabole, tira le câble jusqu'au meuble TV qu'il fixa le long des murs puis le brancha au terminal. Toujours sans parler à sa femme, il alla se prendre une bière et s'installa au salon sous le regard incrédule de celle-ci.
Trois jours plus tard (il avait calculé, le sournois !), Monsieur régla la parabole aux degrés indiqués sur la notice puis alla vérifier l'écran de son téléviseur : la réception était parfaite. Madame fut ravie de cet achat car elle pensait mettre à profit les heures de libertés extorquées à son insatiable époux pour se délecter des nombreuses nouvelles chaînes que celui-ci avait mises à sa disposition. Cependant, la joie de Madame fut de courte durée, son mari venant de lui apprendre que le samedi (et c'était un samedi), du début d'après-midi jusqu'en première partie de soirée, étaient diffusés les rencontres de son sport préféré et que, de plus, il s'était abonné à toutes les chaînes sportives qu'il y avait en option. Mais ce n'était pas tout ! Il y en avait aussi le dimanche. Monsieur l'acheva lorsqu'il lui annonça que les Anglais jouaient aussi le lundi, sans compter les mardis, les mercredis et les jeudis des coupes d'Europe, sans omettre la coupe de France, d'Allemagne, d'Angleterre, de la ligue et autre coupe du Monde et l'Euro !
Madame fut bien embarrassée, sa manœuvre s'était retournée contre elle. Mais après tout, c'était toujours à son avantage contrairement à ce que pensait son petinou, cela ferait toujours (selon son calcul) moins de galipettes et de gâteries que les années précédentes…
…Alors, c'était toujours bon prendre, puisque, si Monsieur avait découvert qu'elle avait été « saine », il l'aurait retroussée avec plus de vigueur et d'acharnement, aurait voulu rattraper le temps perdu et aurait demandé des intérêts (sans doute sous forme de faveurs exceptionnelles) pour le préjudice subi, l'aurait besogné sans répit, du moins jusqu'au moment où la sournoiserie féminine pourrait reprendre le dessus en lui redonnant une période de quiétude par une nouvelle roublardise.
Il est un adage dans le foot, que tout bon amateur de sport connaît, qui devrait être adapté au couple, celui-ci dit : Et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne. Ainsi, que tout mari, tout compagnon, tout petit ami sache qu'à la fin, c'est toujours la femme qui gagne, qui a le dernier mot…