l'horloge

jone-kenzo

Devant moi un panier. Remplis de papiers rouges. Des motifs de bouddha. Et dedans il y a des noix, que je casse, que je tords, qui explosent. Pendant que je m’exécute, le mécanisme se met en route. Je pense. Me rappel. Des cliquetis s’enclenchent et l’horloge tourne. On m’apprend à briser ces coques dans la paume de ma main. Comme je n’en ai pas la force je les met deux par deux, pour qu’elles fassent pression l’une sur l’autre. Je me dis: les êtres humains sont-ils semblables ?

C’est le 31 décembre, j’ai 17 ans, en découvrant que je mange des pastèques ayant absorbé de l’alcool de litchi. Ma gorge brûle, je ne bois jamais d’alcool. Mais cette façon d’en consommer me met en liesse. Je ne sais pas si je suis saoule. En réalité j’en suis bien loin, mais je n’en serais sure que quelques années plus tard. Des fruits secs sont alignés sur le comptoir. Respiration. Je me jette la tête en avant sur un paris. Mon front est douloureux, j’ai les larmes aux yeux. Je suis idiote, c’est amusant.

J’ai neuf ans il me semble. Dans cette cuisine, chez ma tante de Canne, Détie, qui a enlevé ses gants blancs, ses habits élégants des années Kennedy, pour venir à table.

Du côté de mon grand père toute les femmes sont chic‘, ont les doigts qui brûlent au casino. Peut être parce que les meilleurs partent les premiers, ce sont toutes des carnes résistantes, qui ont approché la centaine d’années. Leur caractère ne saurait être moins aimable. Elles ont l’art de ne pas vous louper et de la couper aux hommes, qu’elles détroussent à coup sur.

Cette femme aimait les noix, et ce jour nous sert même un vin de ces mendiants à l’orange. Je le crache immédiatement dans l’évier de porcelaine coquille d‘oeuf. On me crie dessus du salon. Je suis en colère: je n’ai rien demandé, il ne fallait pas insister. Je préfère le cacao en poudre.

Ma tante, qui n’avait aucune pitié ni pour la laideur ni pour la bêtise, prenait un soin particulier à me rappeler combien il était important d’être belle et riche. Elle m’encourageait donc à deux choses essentielles: éviter de me trouver un homme qui me fatiguerait et ternirait la classe naturelle émanant d’une lady. Puis surtout de préférer le luxe et de ne se contenter de rien d’autre. Enfin, elle ajoutait que je manquais d’exercice car ma peau était trop pâle. Ses ongles crochues et sa maigreur, ses habits blancs m’ont toujours fait penser que c’était une sorcière. Plus tard j’ai appris que son vrai métier était infirmière…

Devant moi un panier. Il n'y a plus rien dedans, je sourie, j'ai tout mangé.

  • J'aime beaucoup ton écriture, c'est plein de vie, d'instinct de mort et de survie, de cynisme et d'espoir dissimulé entre les lignes,, il y a beaucoup de sentiments et une distanciation qui crée un contraste intéressant et agréable à lire, souvent cela me fait exploser de rire... ton personnage me fait penser à Daria... c'est cool !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Le cosmoschtroumpf

    lorenlorant

  • Belle narration.

    · Il y a environ 13 ans ·
    Photo chat marcel

    Marcel Alalof

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