Liberté racinaire

Yeza Ahem

De l'art de se faufiler dans tous les interstices... [texte issu d'un exercice d'écriture avec une liste de mots à placer dans l'ordre]

Depuis ses premières heures, elle sait que son existence la dépasse. Bien sûr, elle a sa vie, comme tout le monde. Mais son destin est tout tracé.

Elle est racine, fille d'arbre et attachée à lui, irrémédiablement.

Elle sait que, grâce à elle , naîtront − ou non − les fruits de l'été, géniteurs de forêts à venir.

Elle sait aussi qu'au gré des méandres de ses avancées, elle peut être messagère auprès de ses congénères. Poussant toujours plus loin au-delà de son ancrage, elle répand les nouvelles de son univers aux autres réseaux qu'elle croise. Elle parle de prédation, de feux imminents... ou d'avis de noces à propager, quand l'arbre-monde s'allie à un autre : hier frère, aujourd'hui compère.

Elle avance toujours, jamais isolée, toujours reliée. Elle débouche dans une grotte, refuge de quelque loir, traverse la forêt, et finalement la dépasse.

Elle évolue à présent dans un territoire fermé, bouclé, grillagé. Elle lutte pour sortir... et jaillit entre deux pavés, carapaces des rues entrecroisées. Elle n'aime pas ces lieux qui l'obligent à rester hors de la lumière, dans une nuit artificielle. Elle cherche où surgir, slalomme entre tuyaux et béton, pour atterrir là où se retrouvent, au cœur des cités, les lianes de vie.

Entre pierres et abris à chats, fleurs en pots et chrysanthèmes, elle prend l'air.

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