L'idéal des hommes
cascar72
On voit toujours cet idéal qui nous échappe, comme des pirates rattrapant un navire marchand là-bas à l'horizon, ou cette fille que jamais on ne peut voir dans de bonnes conditions... On a tous cet idéal. Aujourd'hui, il s’apprête à le toucher, à l’atteindre. Dans un sentiment mêlant excitation et inquiétude il avance, avance pour s'en rapprocher, avance comme un idéaliste fou. Dans quelques minutes l'idéal sera atteint, il faudra alors trouver un nouvel idéal pour ne pas se lasser. Trouver quelque chose pour ne pas décrocher. Il n'en est pas là pour le moment notre homme.
Cet homme, qui pourrait d'ailleurs être votre voisin. Vous savez, ce voisin dont vous ne connaissez pas grand chose, poli, juste ce qu'il faut. Toujours habillé en « costard-cravatte » comme vous le dites si bien, et possédant toujours des voitures noires, vitres fumées... Des allemandes de préférence. Alors oui, vous pensez qu'il s'agit d'un homme d'affaire, car il ne s'occupe que des siennes justement, des affaires, comme s'il en avait trop pour se préoccuper de vous ou d'aller plus loin qu'un vague « bonjour » sur le palier. Ça vous agace un peu, disons le, vous qui avez comme idéal votre famille, votre Scénic achetée à crédit, et l'accession à la propriété comme ultime ambition. Vos enfants que vous avez fait à une femme que vous trompez dès que possible vous ennuient un peu « mais bon... ». Enfin ce sont vous ambitions, car ce n'est pas votre calvitie déjà très marquée à la trentaine et vos muscles enfouis très profondément qui vous permettent de sortir de votre situation... Les muscles saillant de l'homme du palier vous emmerdent assez gravement, surtout que cet homme que vous voyez aussi grand flic ou espion, - comme James Bond -, peut, d'après vous, « se payer toutes les femmes de la Terre », alors que vous, vous les payez aussi, « mais bon... ».
Mais l'homme du palier n'a pas le même idéal que vous. Et il en a plusieurs.
Il s'en rapproche d'ailleurs de plus en plus de son idéal notre homme, il a franchi toutes barrières qui l'empêchaient d'y parvenir. Malgré sa multitude d'idéaux, cet homme passera d'un idéal à un autre sans les toucher, c'est mal, il se le reprocherait.
Il l'a bien observé, à 6:35 c'est l'heure où elle prend sa douche. S'il ne la connaissait pas, il aurait attendu, mais il n'a pas fait tout le travail de ces dernières semaines pour en arriver là... Alors il continu notre homme. Il passe d'ailleurs par la fenêtre de derrière qui reste ouverte en été, il connaît bien cet endroit notre homme, il peut se le permettre !
Vitres embuées, sa silhouette, nuages de sens, courbes noires et écran blanc. Sa testostérone le travaille... Derrière la vitre la silhouette s'agite : des pieds à le tête, rien n'est oublié par la danse de la serviette. Le sentiment vient après l'hormone, guerre dans le cœur, il est attendri... C'est là la seule faute professionnelle qu'il a fait aujourd'hui, personne ne le saura, mais ça l’ennuie, alors il pense à la retraite, puis se ravise, car il a tout de même réussi à atteindre son idéal, ici un corps qui gît miraculeusement recouvert de sa serviette, le sang qui coule, et coule encore, comme une allergie au coup de feu tiré quelques secondes plus tôt, fantastique réaction du corps humain, fantastique aussi cette couleur rouge sang, c'est la même que cette du Scénic du voisin.
Fantastique, le salaire pour ce meurtre ! Sous les tropiques, on y voit même notre homme entraperçu quelques semaines plus tôt. Bien payé pour se faire des femmes, bien payé aussi pour se faire des hommes, ce n'est pas un espion c'est un tueur.