L’idylle de la FIFA et de la Corée du Nord
Le Bruit Et La Harpie
La Corée du Nord à la Coupe du monde ? On parle bien de l’un des pays, voire le pays, le plus fermé au reste de la planète et le plus secret sur ses agissements, qu’il s’agisse d’un sujet brûlant comme le nucléaire ou sur le prix d’un bol de nouilles dans un boui-boui à Pyongyang ?
Oui, me glisse-t-on dans l’oreillette, c’est bien d’eux dont il s’agit, et croyez-le ou non, ils ont passé les qualifications et se regroupent dans un groupe coriace : Brésil, Portugal, et Côte d’Ivoire. Ouch, tous les statisticiens même amateurs sauraient prévoir une défaite écrasante du Minipouce asiatique face aux géants du ballon rond.
Quoique : le match l’opposant au Brésil n’a pas récolté les critiques faciles et prévisibles. Perdu, certes, mais un peu perdu, face à un Brésil certainement trop sur de lui. Je m’arrête là pour les commentaires footballistiques, avant de me succomber aux attaques et passements de jambes – justifiés – des passionné(e)s.
Nombreuses sont les nations participant à la Coupe du monde qui ne sont pas toutes roses et croulent sous le poids de dirigeants corrompus et dictatoriaux. A priori, peu ou prou auraient des leçons auraient des leçons à donner à Kim Jong-il. Mais quand même. La Birmanie et Cuba sont les rares États pouvant encore prétendre à la triste médaille du « pays le plus isolé du monde ».
La dernière conférence de presse qui s’est tenu le 14 juin a anéanti tous les espoirs, certes minimes, de croire à une possible démocratisation du pays via le sport. Questions triées sur le volet, mises au panier aléatoirement par le sélectionneur de l’équipe d’un geste de la main, références perpétuelles à la Grande Nation qu’est la Corée du Nord :
« Cette question interfère avec la politique…Question suivante »
Sur les conseils prodigués par les joueurs qui avaient atteint les quarts de finale en 1966 :
« Ils donnent des conseils et des encouragements, pour qu’on puisse rendre fier notre Grand Leader »
Sur l’éventuelle victoire face au Brésil :
« Ça apportera beaucoup de joie à notre Grand Leader, ça montrera que les Nord-Coréens ont un mental très fort ».
Ces dernières répliques sonnent comme une « permission » que Kim Jong-il aurait généreusement accordée à l’équipe pour participer à la Coupe du monde. Et à bien y réfléchir, on est en droit de se demander si on n’a pas mis le doigt pile sur le sujet qui agace. N’est-ce finalement pas le seul but que recherche le dirigeant nord-coréen, comme tout dictateur qui se respecte : faire rayonner le modèle de pensée de son peuple, imposé par lui-même, aux yeux du monde.
Choisir un événement sportif est d’autant plus malin : peu d’implication, à priori pas de conséquences politiques internationales, il suffit de repartir comme on est venu, après avoir répandu la bonne parole. Honnir la trêve politique en refusant de répondre aux questions politiques. Cercle vicieux : à jouer à la Coupe du monde en mettant des barrières, la Corée du Nord ne joue pas le jeu.
La FIFA n’est pas en reste de critiques, acceptant de se soumettre aux conditions imposées par le sélectionneur. Ça rappelle dangereusement Laurence Ferrari qui se voile pour interviewer Ahmadinejad.
Bien sur, les joueurs n’y sont pour rien. Je me plaisais d’ailleurs à imaginer leurs yeux hallucinés en découvrant le monde, eux qui n’ont certainement pas dû beaucoup voyager. Fouler le sol africain. Côtoyer des joueurs internationaux. Peut-être boire une bière dans un bar à côté de l’hôtel.
Pas d’Invictus prévu pour la Corée du Nord, même pas de petite réconciliation superficielle avec le monde entier. Les joueurs rentreront vraisemblablement chez eux la queue entre les jambes, penauds ou fiers de leur parcours. Simple supposition puisque, de leur joie ou de leur déconvenue, aucun bruit ne nous parviendra.
Crédit photo : yeowatzup @ Flickr