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petisaintleu
Par Morphée, comme c'est divinement bon la première fois ! Les plus hallucinés textes de Burroughs, les plus extatiques écrits d'Huxley, les plus stupéfiants poèmes de Baudelaire sur le haschich ne sauraient décrire cette impression originelle. L'Himalaya n'est qu'une pâle colline ; la fosse des Mariannes ? Une mare croupie ; Les steppes infinies du désert de Gobi : un minable bac à sable ; Alpha du Centaure : une proche banlieue hantée de Vénusiens. Le paroxysme de l'orgasme.
Ce paradis artificiel réclame vite son dû. Il en demande toujours plus et plus souvent. C'est ça le deal. Et, n'imaginez pas que vous pourriez y échapper, aussi malin que vous pensez l'être. On a vu des gamines à peine majeures se prostituer pour un trip ; des hommes blancs de la classe moyenne, à des antipodes des images que l'on peut se faire de l'addict, tomber dans le panneau ; des mères au foyer qui vendent leur âme au diable pour le prix d'une éphémère et factice gloire. Qu'importent le lieu et l'heure.
Il faut toujours consommer plus pour combler le manque. Au début, on joue le jeu sans réaliser que l'étau se resserre. On finit vite par se prendre pour je ne sais qui par le biaisement des encouragements des autres shootés. Vas-y mon gars. Viens t'illusionner avec nous. Partage-nous tes expériences qui se font petit à petit de plus en plus mensongères. Car, rapidement, le piège se referme. On s'invente des histoires et des mondes parallèles dont personne n'est dupe. Des tartarinades qui laisseraient à supposer que l'illustre Tarasconnais n'est qu'un piètre mythomane. Au royaume des crédules, les dupes sont rois.
On se regarde dans la glace sans réaliser sa déchéance. On est face à un miroir déformant. La tromperie organisée est en ordre de bataille. On n'a plus d'autre choix que de prendre ses rêves pour des réalités. Et, n'essayez pas de ne pas fabuler. Dans un mimétisme de chimères, par solidarité, vous seriez rapidement mis au rebut.
Parfois, on lance pourtant des bouteilles à la mer pour recouvrir un semblant de vérité et de sincérité. Mais, il y a belle lurette que plus personne ne soit en mesure de croire en votre rédemption. Plus rarement encore, quelques héros, dans un ultime acte de lucidité, optent pour le sabordage. Dans un dernier geste de grâce envers leurs congénères en perdition, ils prennent le maquis, retrouvant les joies simples de la contemplation d'un paysage.
C'est une épidémie. Les trafiquants sauront toujours trouver les bons arguments pour vous maintenir en-dessous des flots. Que vous soyez étudiant, agriculteur ou ingénieur, de Tombouctou, de Guéret ou de Sydney, vous pouvez compter sur leur maîtrise de l'artificialité pour vous fournir en dope. Il y va de leur survie, pas de la vôtre. Vous pourrez toujours faire confiance en leur créativité sans limite et dépourvue de toute éthique. Ils sauront toujours vous proposer de nouvelles substances pour vous tenir sous leur coupe. Que fait la police ?
Un matin, vous vous réveillerez, seul et sans soutien. Les amitiés que vous pensiez avoir tissées ? De la coke en stock qui aura pris le large pour se vendre à de plus offrants. Que croyez-vous ? Vous n'êtes qu'un numéro pris dans la nasse. Un moins que rien dont tout le monde se fout. Personne ne viendra vous repêcher. La Terre continuera de tourner avec son lot d'exclus, que vous pourriez rejoindre un jour, de guerres et de catastrophes. La société de consommation en fera tout autant pour se gaver de vos utopies.
Je dois vous le confesser. Je suis accro depuis une dizaine d'années. Tout ce qui faisait de moi un être sensé a disparu. J'ai tout abandonné : l'amour, la culture et l'humilité. Je ne dors plus ; je ne vis plus qu'au travers du prisme de cette carotte qui n'alimente que mes désenchantements.
Linkedin, une drogue dure. Un voyage sans retour et sans remède.