L'île aux aiguilles d'ombre

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Tu vogues vers des îles aux lignes érigées, brisures épurées dans les mers aplanies, aplanies par l'absence du mistral qui, pudique, semble se retirer au gré de tes projets. Projets qui évoluent comme ombre projetée oscillant sous la flamme de bougies en sursis. Tu vogues vers des îles ; seulement  elles ne sont  que balises sans nom et appels sans le son. Posant ton pied tanguant sur de fixes rivages, tu redeviens un homme travaillé par les âges : dressé dans les courbures de l'ondulée Nature. Explorant, encombrées, les terres virginales, les pupilles des hommes s'encombrent du passé. Le sable aussi ne vit que dans l'incertitude, fruit de sa désunion des hautes altitudes, veuf des rocs majestueux aux règnes abolis dont les seules couronnes sont l'or blanc des nuages. 

Sur les îles désertes le temps aussi s'absente.  Aiguilles ombragées de montres oubliées, poussées par le soleil les faisant pivoter : ces ombres de palmiers tournant autour de l'île dessinent de longs cycles effacés par la nuit.  En t'enfonçant à l'ouest, tu contemples un galion, à demi ensablé et sans nulle inscription. Des craquements de planches, étonnamment vivaces te relaient le message d'un monde intransmissible. Les marins y chuchotent leurs derniers mots noyés avec le désespoir d'une ancre non posée. Le ciel devient la dalle d'un cercueil organique fait de bois et saveurs clamant la vie d'antan. Quelque port accueillant peut avoir clôturé à l'abri du savoir ce voyage amorcé. Tu repars plein d'espoir car du sable et du bois t'ont guidé davantage que cartes ou compas.

Les trajets sans boussole te libèrent autant que l'île aux aiguilles d'ombre se libère du temps.

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