L’image innée

absolu

Je veux un endroit inconnu de tous, inconnu des lois, je veux un endroit connu de lui seul, de lui seul et de moi. Un lieu sans gravité, où les mots tombent, sans hécatombe, censure, sûrs et certains d’être entendus, en temps et en seconde, faits pour s’étendre, sans s’éteindre, faits pour surprendre, peut-être étreindre.. mots pour peindre, se prendre, sans aucun mais, sans se méprendre, apprendre à voir, à sentir, à toucher, avec détachement, mentir, sans tâcher l’histoire, mourir, ému. Aimer dans le noir, dans l’espoir d’y voir clair, dans l’espace, sans y croire. À chaque jour suffit sa gêne, à chaque homme suffit sa haine.

Je veux un endroit inconnu de tous, interdit à la tristesse, à tout ce qui blesse. Aucun objet contondant, aucun malentendu, aucun con malentendant.

Entre vous et moi, en toute confidence, je pense que c’est un coup de la providence. Soyons fous, oublions ce qui nous entoure, ce qui nous attache, ce qui nous angoisse. Perdons-nous quelques instants, le temps d’une éclipse, le long d’une ellipse. Faisons le tour de la Terre, sans la toucher, le système solaire est à nous, les planètes font place nette et nous permettent un écart de conduite, loin de leur orbite. Régler l’objectif sur la Lune, oublier d’atteindre les siens, se faire du bien.

La passion s’éveille, l’apparition sourit, la parité renaît ; elle réécrit la fiction, réinvente la partition, l’appât ne s’en va plus. Vu ainsi, ça ressemble au paradis, mise à part l’addiction ; il faut dire qu’effarée, elle craignit l’effraction ; divisée, elle douta une fraction de seconde. Sortie de ses gonds, la porte fracturée, elle oublia ses factures et laissa libre cours à ses actions.

A peine s’étaient-ils embrassés, que le brasier s’est enflammé. Affamés de chair, caresses abrasives, comment a-t-il fait pour savoir où la toucher, où l’attouchement devait être corrosif sur sa peau qu’elle pensait rouillée : comment pouvait-il savoir.

À peine sorti de son lange, sans se gêner l’ingénu fit preuve d’ingéniosité animale avant, bien avant de s’épanouir dans un ultime râle. Libérant des instincts méconnus, il s’installa en elle, doucement, puis se dévoua, dévoilant une fougue si longtemps déviée de la chair.

Devenu disciple, elle lui livra l’indicible, elle lui donna quelques indices pour atteindre la cible. Ce fut pour elle une renaissance quand il dénonça les zones sensibles, quand il pointa du doigt les endroits oubliés... Le désir regagna ses faveurs, la dénoua de ses tensions avec ferveur. Elle s’était censurée, il la rassura. Elle avait oublié de sentir, il la respira.

Elle avait perdu toute saveur, il la dégusta..

Au loin elle entendait la lyre, au loin l’ire s’en allait ; l’irascible existence qu’elle menait fut irradiée de rayons irisés.

Irritée, elle fut lavée, la vérité lui apparut : depuis longtemps l’absolu s’était éloigné. Elle vit enfin ce qu’elle avait soupçonné, elle lut ce qu’elle avait griffonné. Jusqu’alors enfermé dans les griffes de l’ennui elle marmonnait sa vie ; quand elle en sortit elle rendit la monnaie à sa liberté.

Le cœur à peine refermé, le plaisir scellé, elle se demande si elle n’a pas affabulé, si son âme a vraiment basculé dans un bonheur immaculé, si ça n’était pas un souvenir des temps reculés, miracle de la mémoire acculée au désespoir.

Le froid fait trembler sa peau nue, non, elle l’a vraiment vécu…

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