L'imagination n'existe pas
peterpanpan
On s'imagine sans le vouloir la mort dans un nouveau corps.
Cette ridicule et méprisable connaissance de nous n'est que la conscience sur une période assez étendue pour être une vie de notre corps et de ses stimulus que l'on nomme expériences.
Quand un homme se figure l'univers il est pris d'asphyxie car il s'imagine l'univers dans son corps. Quand un homme pense la mort, il imagine une forme de coma, un sommeil anéanti de conscience, c'est-à-dire tout au plus un endormissement du corps. C'est pour cela que l'homme ne peut imaginer que l'homme, et qu'il est pris d'angoisses lorsqu'il essaie de se figurer ce qui lui est impossible à figurer tant son expérience est limité par les propres bordures de sa chair lisse dont il a si peu conscience des contours. Il suffit de regarder son bras assez longtemps. Le bras existe par ce qui est à sa surface et en son intérieur. Et le corps n'est qu'un prolongement du bras, et toute l'expérience humaine n'est que ce bras qui se tend pour arracher, donner des coups et recevoir les brûlures. En fait, on ne peut rien imaginer, on peut se souvenir, et déformer ce souvenir en le mélangeant avec d'autres. Quand un ami nous parle d'une mauvaise expérience on s'imagine sa déconvenue en se souvenant de nos propres erreurs et en mélangeant le souvenir de notre erreur avec le souvenir que l'on a du lieu ou notre ami a connu sa déconvenue. On ne doit pas forcément connaître personnellement un lieu, ou un objet pour qu'il soit un souvenir. Dans ces cas, le souvenir est l'idée que l'on a de ce lieu, grâce au souvenir d'une image, ou du souvenir d'une sensation, d'une forme. L'imagination ne serait alors qu'un effort de mémoire. La création, la régurgitation d'un bol alimentaire d'expériences mélangées, dénitrifiées de leurs origines pour s'accoupler avec d'autres régatons tout aussi déracinés. L'origine d'un souvenir peut être si insignifiante, l'est si souvent, qu'on finit par s'imaginer avoir imaginé à partir de rien, d'une ressource profonde et insoupçonnée, mystique même, et que cela tient de notre potentiel. Les génies créateurs auraient alors des sortes de muses, ou de prédispositions naturelles. Peut-être sont-ils surtout des êtres ruminants et donc plus à même de se tenir proche de leurs souvenirs.