L'immoralité des réalistes

manou-croze

Alors tout s'embrase ; il s'agit de l'instant ultime. Nos vies se consument en un instant, et nos souvenirs ne sont plus que fumée noire et opaque, s'engouffrant dans nous poumons et pourrissant nos corps usés par un temps inutile. Nous ne sommes plus ici, nous suffoquons silencieusement en observant une dernière fois la pluie couvrir de gloire et de plénitude ces tas de molécules pourrissantes qui constituent nos êtres.


Les nuages nous guettent, rapaces affamés en quête de proies affaiblies, pour nous faire disparaître dans leur vaste empire aérien. Un esprit en colère nous réclame, et nous ne saurons lui faire face. Au loin, perdus dans les collines venteuses de contrées délaissées, nous cédons à cet appel. Les étoiles qui brillent dans nos yeux s'élèvent, et l'apesanteur nous sépare désormais de ce que vous appellerez la Vie.


Que les furies de ce désert sentimental se délectent de notre chaire, putréfiée, et que nos pensées voguent à jamais sur le fleuve de l'Oubli. Nous désirons qu'aucun monument ne soit dressé en notre mémoire, car pour ne rien vous dissimuler, lecteur(s), nous ne le méritons nullement. Nous jouissions de puiser notre or de vos sources, nous jouissions de vous aveugler par des paroles aux tournures prétentieuses, et nous jouissions de vous observer boire nos mots et guérir nos maux avec un tel acharnement en nous croyant bénis des dieux. Alors non, cher(s) lecteur(s), ne nous regrettez point, car nous ne regrettons rien.

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