L'innocence des Liddell

Caïn Bates

         À l'age de 8 ans, j'ai connu une jeune brune de quelques mois ma cadette. Elle était toujours souriante et d'un naturel pacifique, pas une seule bagarre ne se déclenchait sans qu'elle ne vienne s'interposer entre les membres du conflit. Son sourire semblait éternel tant elle était imperturbable, un exemple de calme et de patience. Pourtant, je l'ai souvent trouvé adossée dans un coin de la cour, seule et en larmes. Quand elle pleurait, c'est le ciel qui pleurait avec elle et dans cet état, elle demeurait inconsolable. Personne ne prêtait plus attention à elle, comme si elle n'existait plus à leurs yeux.
       Un jour de pluie, j'ai trouvé le courage de m'asseoir près d'elle et de lui parler, tout simplement. Elle a alors tourné son regard vers moi et ses yeux rougis par les larmes étaient méconnaissables. C'est comme si elle me jugeait, ses yeux hurlaient sa rage et, à cet instant, j'aurai juré que son regard était capable à lui seul de me tuer en quelques secondes. J'étais à la fois terrifié et envieux de ce nouveau visage qu'elle avait pris soin de nous cacher. Elle se leva subitement, cherchant à trouver une nouvelle cachette et même après avoir agrippé son poignet, elle me repoussa et s'éloigna en sanglotant. Je ne la revis plus pendant plusieurs mois après cet instant. Personne ne remarqua son absence.
       
     Quelques semaines après que j'ai essuyé pour la première fois le sang sur mes mains, cette fille est réapparue. Mais, cette fois, elle était réelle.

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