L'invincible Ordure

petite-lune

J’avançais sur le sentier, sans bruit, fixant durement le sujet que j’avais eu pour mission d’éliminer.

Il se tenait près d’un arbre dont le tronc avait été vulgairement coupé. Il ne portait pas de manteau malgré le froid rude de cette saison d’hiver. Lorsqu’il se retourna pour me faire face, son visage n’exprimait rien, aucun sentiment, aucun trouble face à la vue de mon revolver pointé sur lui. Ses yeux d’un gris argenté se rivèrent au plus profond de mon âme et il s’avança d’un pas lourd, jetant le mégot de sa cigarette sur le sol.

Je fis feu, trois fois, peut-être quatre. Il était toujours là, en face de moi, son sang rampant gracieusement le long de son corps, imbibant son pull-over marron. Il porta la main à son épaule et grimaça. Au moins, j’étais sûr d’une chose, il souffrait. Un léger gémissement quitta ses lèvres et il s’affaissa sur le sol, ses longs cheveux bruns se mêlant à la terre. Je m’approchais prudemment, mon arme toujours braquée sur lui. Mon cœur battait à un rythme élevé, excité à l’idée d’en achevé un autre. Un sourire cruel s’imprima sur mes lèvres tandis que je me penchais sur lui et le poussait sur le sol. Je posais une de mes bottes de cuir sur son torse, il grimaça. Je lui fis un dernier adieu de ma voix rauque et l’achevait d’une ultime balle dans le crâne.

Satisfait, je rangeais mon arme à l’arrière de mon jean noir et me retirait de cette forêt lugubre. J’avais tellement pris mon temps à l’observer sur son territoire que j’en avais oublié le soleil qui déclinait beaucoup trop tôt en ce mois d’hiver. J’accélérais le pas et tentait de retrouver mon chemin parmi tous ces arbres morts. Un léger vent me soufflait son air glacial sur le visage, ma barbe naissante me démangea aussitôt, j’y portais mes doigts, grattant ma peau délicate.

Autour de moi, tout semblait s’être arrêté de vivre, pas un seul bruissement de feuilles, pas un bruit d’animal cherchant à nourrir son estomac trop vide chaque hiver. Tout était calme, beaucoup trop calme pour que je sois parfaitement détendu. J’avais beau avoir exécuté ma mission à la perfection, je ne me sentais pas rassuré.

Cette forêt dense commençait à me taper sur le système. J’étais pourtant certain d’avoir laissé des marques afin de ne pas me retrouver comme un idiot, cherchant la bonne route pour rejoindre ma voiture.

Je passais une main vigoureuse dans ma tignasse sombre et fermait les yeux, me concentrant sur ma respiration. Un craquement de branche attira mon attention. J’ouvris rapidement les yeux et me retournais brusquement, attrapant mon arme.

Il était là, son pull-over en moins. Sa peau nue était légèrement halée. Je poussais un petit cri, horrifié de voir que son épaule et sa tête ne présentaient aucunes égratignures, comme si un peu plus tôt, j’avais considérablement raté ma cible.

C’était impossible ! Pas une seule fois je n’avais échoué !

J’avais pourtant clairement vu son sang recouvrir ses vêtements, j’avais observé avec ma cruauté légendaire son visage se torde dans une douleur bien présente.

Il me regardait, souriant. Il aimait ce payer ma tête, ce salaud !

Sans attendre ni cherchant à comprendre, je braquais de nouveau mon revolver sur lui et tirait, vidant mon unique chargeur sur sa peau nue. Le sang gicla, au fur et à mesure que je m’avançais vers lui, aspergeant mon visage de fine gouttelettes bordeaux. Lorsque je réalisais que mon flingue ne me servirait plus à rien, je jurais et sortit mon poignard de la poche de mon blouson noir.

Avant que je n’ai eu le temps de l’atteindre, sa peau se régénéra sous mes yeux écarquillés. N’ayant jamais observé ce genre de phénomènes, je m’y attardais un peu trop longuement, ce qui ravit ma proie, qui se jeta sur moi en un rien de temps. Je me retrouvais, le dos collé contre le sol humide, l’homme pesant de tout son poids sur mon torse. Il s’approcha de mon oreille et murmura d’une voix lourde que je n’avais plus aucun moyen de m’échapper.

Tâtonnant de mon bras libre l’herbe gelée, je réussis à récupérer mon poignard et le planta d’un coup sec dans son dos. Il se tortilla légèrement, gémissant de douleur, puis se redressa comme si mon coup lui avait procuré une violente décharge électrique dans la colonne vertébrale.

Il appuya ses mains sur ses genoux et cracha bruyamment, projetant du sang sur le chemin. Profitant de cet instant, je me jetais de nouveau sur lui et enfonça ma lame plusieurs fois dans son ventre, ainsi que sur ses bras. Il me rejeta en arrière et souffla d’un puissant râle.

Je n’en revenais pas ! De quoi était-fait cet homme ? Qui était-il pour résister ainsi à tout un chargeur de balles sans s’effondrer, raide mort ? Comment arrivait-il à tenir debout après tous les coups rageurs que mon poignard lui avait offerts ?

Dans un ultime effort, je lançais ma lame vers lui et elle s’écrasa sur sa cuisse, passant à travers l’épais tissu de son jean salit. Il arracha l’arme de sa jambe et s’approcha de moi, avec le même rictus qui m’avait habité un peu plus tôt, lorsque je lui attribuais mon dernier adieu.

Ce qu’il me renvoya sans aucune hésitation, me laissant pour mort, le visage horrifié, les yeux pleinement ouvert sur le ciel s’assombrissant. 

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