Livyana

Le brouhaha envahissait l'espace.

Les remous des bains à bulles, les voix fortes qui tentaient de les couvrir, la musique en fond... Pourtant, dès que William fermait les yeux, il n'y avait plus personne. Plus personne à part elles. Plus personne à part Aurore et son ventre arrondi, dans lequel leur fille grandissait patiemment depuis bientôt cinq mois.

Elle était assise contre lui, dans la partie la plus chaude des bains. Elle profitait, elle aussi, de ces moments hors du temps. De ces moments où leur monde se résumait à la présence de l'autre. Elle sentait les mains protectrices de William sur son ventre, à l'affut du moindre mouvement de leur fille...

- "Chérie ? Je suis passé faire les courses en rentrant, j'ai prévu un petit truc léger pour ce soir. J'ai trouvé du butternut surgelé au magasin, et ils avaient de belles courgettes. Ca te dit?"

William déposait les sacs sur la table du salon, avant de se diriger vers la chambre. Il trouva sa compagne allongée dans le lit, endormie, une main sur son ventre. Il l'observa quelques instants, un sourire amoureux aux lèvres, avant de s'éclipser sans bruit vers la cuisine.

Alors qu'il sortait tout juste les courgettes rôties du four, il entendit des bruits de pas derrière lui.

- "Ca sent drôlement bon dis donc..! Qu'est ce que tu nous as préparé de bon pour ce soir?" Aurore se glissa derrière William, lui glissant un bras dans le dos et déposant un baiser dans son cou. "Oh ça rend trop bien ! on dirait des roses !" Elle s'extasiait devant la forme des courgettes. William les avait découpé en fines lamelles dans le sens de la longueur, et les avait enroulées sur elles-mêmes, de sorte à leur faire prendre une forme de fleur.

- "Haha, merci ! Tu peux aller t'asseoir, le velouté est prêt, j'ai plus qu'à dresser." Répondit-il en lui déposant un baiser sur le front. Il s'empressa de verser le velouté de butternut qu'il avait préparé en amont dans des assiettes creuses, avant d'y déposer les "fleurs" de courgettes, et de parsemer le tout de morceaux de noisettes, d'un tour de moulin à poivre et d'un léger filet d'huile d'olive.

"Bon appétit !" Souhaita-t-il en déposant l'assiette devant Aurore, qui faisait des yeux ronds et plein d'envie devant son plat.

- "Merci Will..!" Elle l'observa quelques instants, fixant ses yeux pétillants. Elle sentait son cœur cogner dans sa poitrine. "Je t'aime tu sais..." lui dit-elle tout à coup.

Il lui fit à nouveau ce sourire qui la faisait craquer à chaque fois.

- "Moi aussi je t'aime... Allez, mange tant que c'est chaud ! Sinon Liv va encore te mettre des coups de pied!" Rétorqua-t-il.

-"Monsieur Cetterno? Ca y est, vous êtes habillé? Venez, le travail a déjà commencé !" Une aide-soignante était venue le chercher pour l'amener jusqu'à la salle de naissance où Aurore se préparait à mettre leur fille au monde. Il avait l'impression d'être dans du coton, d'avoir l'ouïe perturbée, la vision floue. C'était comme si son cœur ratait un battement sur deux.

William suivit l'aide-soignante jusqu'à une pièce blanche, où il retrouva la femme de sa vie allongée sur un lit légèrement penché, les pieds ancrés dans des étriers. Une sage-femme se tenait devant elle, les yeux rivés entre ses jambes, lui donnant des instructions aussi claires qu'elle le pouvait. Il se rapprocha d'Aurore, qui avait déjà les cheveux trempés de sueur à cause de la douleur et des efforts qu'elle faisait pour respirer entre ses contractions, et lui pris la main. Main qui se retrouva instantanément broyée par la poigne de sa compagne alors qu'une nouvelle contraction lui cisaillait le ventre. Il encaissa sans broncher, rapprochant sa tête de celle d'Aurore, tâchant de la rassurer du mieux qu'il le put en lui clamant des encouragements.

Au bout de près de trois heures de travail, après un ultime hurlement, Aurore mis au monde une merveilleuse petite fille. Leur merveilleuse petite fille. Un petit cri se fit rapidement entendre. La sage-femme porta une petite forme rose, emmitouflée dans un linge, jusqu'aux bras d'Aurore. Elle paraissait minuscule.

- "Félicitation. Vous êtes avez une magnifique petite fille. Quel prénom allez-vous lui donner?" Questionna la sage-femme, qui souriait aux nouveaux parents.

William et Aurore répondirent en même temps, sans quitter leur fille des yeux.

"Livyana. Elle s'appelle Livyana..."

Liv avait déjà un peu plus de quatre mois. Elle faisait ses nuits à présent, mais il avait toujours du mal à s'y habituer. Il continuait de se réveiller pratiquement toutes les heures, pour s'assurer qu'elle allait bien... Ils avaient installé son lit à barreaux à côté du leur. Elle y dormait paisiblement. Il la regardait respirer doucement, agitant ses minuscules doigts, gigotant ses minuscules pieds. Il en venait presque, parfois, à regretter ses pleurs, qui lui permettaient de justifier qu'il la prenne contre lui dans leur lit.

Il peinait à mesurer la chance qu'il avait, dans ces moments là. Quand il lui arrivait de penser au fait qu'il avait près de lui les deux êtres les plus importants à ses yeux. Les deux êtres pour qui il serait prêt à tout. Les deux êtres qu'il aimait le plus au monde.

Il quitta enfin sa fille des yeux, et entreprit de retourner au lit. Aurore était réveillée. Elle l'observait en silence, le sourire aux lèvres. Alors que William la rejoignait, elle se blotti contre lui. Il lui caressa les cheveux, et lui chuchota doucement :

- "C'est vraiment nous qui avons fait ça... J'ai encore du mal à y croire..." Il l'embrassa dans les cheveux. "On a vraiment une formidable petite fille..."

- "C'est parce que son père est formidable..." Répondit-elle d'une voix engourdie par le sommeil.

- "C'est parce qu'il vit un véritable rêve... grâce à toi... Je t'aime tellement, mon amour. Je vous aime tellement."

Il lui déposa un nouveau baiser, avant de fermer les yeux, bercé par la respiration de sa fille.

TTR.