Locus Horribilis

Blurp De L'espace

Réécriture d'un texte tiré de L'Utopie ou le Traité de la meilleure forme de gouvernement de Thomas More.

«  Perso, j'pense que d'nos jours le monde nickel ce serait d'éviter les catas, d'éviter les crises et toutes ces merdes qui rendent nos mères inquiètes et le ciel gris, et pour ça faudrait plus de sous, plus d'école, plus de travail, plus de partis politiques, plus de religions, plus de nations, faudrait tout faire sauter sérieux… Et après ça nous foutre tous dans une espèce  de cyberspace où la technologie dirigerait tout tout tout, où on serait tous con parc'que vaut mieux rien avoir dans le caillou et sourire comme un légume que de tout comprendre et  de s'tirer une balle. Faudrait plus du tout de recherche, plus d'organisation… Non M'dame je parle pas de « des pots Tisme » de «  Total Italisme » ou d'un truc de ouf, juste d'un monde où tous les principes, valeurs etc tomberaient à l'eau… D'un monde où les seuls gens qui en auraient que'que chose à faire de la culture seraient les paysans. En gros M'dame un monde où ma génération aurait grandi, un monde de mollusques tous pareils, un monde où tout ce que nos ancêtres ont pensé et imaginé serait en perdition.

C'est bien ça le mot, M'dame ? En « perdition » ? Admirez,  ça commence déjà ! On sait même plus communiquer le français. »

Heureux les simples d'esprits, le monde des cieux leur appartient. Rabelais

         Aux premiers abords, U.T.O.P.I.E (Union des Terriens optant pour l' « Inintelligence Extrême ») paraît être une cité novatrice et ouverte de toute part au monde qui l'entoure. Penser cela serait se méprendre. La ville n'est reliée en rien et par rien au monde réel. Aucune construction de terre, d'acier ou de bois ne la délimite et cette sensation d'ouverture ressort uniquement du fait qu'aucune frontière n'a été pensée. Il se trouve, d'ailleurs, que cette cité n'offre aucune place à la Pensée comme à tout ce que notre matière grise serait capable de produire. Ici, l' « Intelligence » est une notion bannie ayant causé la perte de l'ancienne humanité. De ce fait, découle l' « Inintelligence Extrême », base sur laquelle la ville a été programmée. Où que l'on se place, U.T.O.P.I.E  ressemble à une bulle formée d'ondes abritant la vie et dérivant au grès des flots. Les programmateurs de cette ville l'ont entourée de remparts nucléaires afin qu'en cas d'invasion des rescapés de l'ancienne humanité ou de force extra-terrestre, elle  puisse demeurer hors d'atteinte. De ce point, des filtres électroniques amènent de l'oxygène dans la Tour D'Approvisionnement d'U.T.O.P.I.E. La surface mobile de la cité est un espace dénuée de forme et d'aménagement, où des JapanAnimals exercent une mutation sur l'eau polluée afin de la transformer en mélasse verte comestible, unique met gastronomique des programmateurs.
         Une coupole d'écrans lunaires surplombe la ville apportant l'énergie nécessaire au bon fonctionnement de la cité depuis la mort du Soleil ; considéré par les jeunes programmateurs de  mythe, de légende n'ayant jamais eu raison d'exister.
         Des tapis roulant ont été programmés pour remplacer les contraintes des « rues immobiles », pour éviter le trafic et pour permettre aux programmateurs de se déplacer sans avoir recours à quelque transport, à quelconque mouvement ou à leurs pieds. Les cyberspaces présentent bien la philosophie d'U.T.O.P.I.E. Tous munis de l'enseigne FACEBOOK, de tailles identiques, de couleurs et de compositions analogues, ces aménagements opèrent dans les mêmes buts : recenser tous les programmateurs, les étiqueter, les ranger dans des boîtes.
 Ici, les saisons n'existent plus, le temps non plus. Tout est programmé par un écran géant affichant «  Time over » est dont l'objectif ultime consiste à : Faire partie du paysage.
           Les habitations sont portables et tiennent dans le creux de la main. Elles sont constituées d'un chargeur qu'il suffit de brancher à n'importe quel orifice afin d'atteindre l'apogée de la journée, le Sommeil. Pour ce qui concerne l'entretien du corps des programmateurs, des stands  gonflables et robotisés parcourent U.T.O.P.I.E de long en large. Le culte du corps a remplacé celui de l'esprit chez les programmateurs. Stand de ravalement de façade, stand de façonnement parfait de la silhouette, stand de plastification complète, stand de prélèvements ou d'ajouts d'os trop longs ou trop courts… Il y a dans cette cité un foisonnement d'activités autour de l'apparence que les programmateurs entretiennent admirablement bien. Leurs vies respectives sont ponctuées par le désir d'avoir le moins d'organe d'origine et de se ressembler le plus possible.
          Il n'y a nul part ailleurs de cité aussi bien programmée et conçue qu'U.T.O.P.I.E. Nulle humanité avant celle des programmateurs n'ayant réussi à concentrer leurs existences autour d'occupations idéales, telles que le sont : l'apparence et la technologie. L'alliage de ces deux « modes de vie » sont la preuve que le fondateur a compris l'impact négatif que l'exploitation du cerveau a sur les humains et a su les façonner de sorte à ce qu'aucun des problèmes d'antan ne refassent surface. L'  « Inintelligence Extrême » est une notion ingénieuse et nous montre que sans l' « Intelligence »  rien n'évolue.


Evoluer consiste un risque pour l'humanité, et qui dit « risque » dit « danger », qui dit « programmer » dit « assurer ». Et « assurer » c'est « rassurer ».
       

           

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