"L'OR"

gautier

Une chronique sur une des pièces du 50 ième festival d'Avignon OFF , aujourd'hui " L'Or " de Blaize Cendrars (format audio https://soundcloud.com/alamarge-net/portrait-off-lor-de-blaize-cendrars)


Voici le duo bien singulier d'un comédien conteur et de son souffleur de bouche aux anches d'acier, ou plus exactement "le trois en scène“ d'un auteur poète, Blaize Cendrars, d'un dompteur de mots, Xavier Simonin et d'un montreur de son prenant la prose...à témoin Jean-Jacques Milteau. Ce spectacle ressemble étrangement à un voyage dans le temps qui n'aurait pour tout bagage qu'un sac de lettres et une valise de sons, mais cela est aussi une épopée grandiose où l'histoire avec un grand H, côtoie celle plus tragique d'un homme, le Général Suter, à la majuscule aujourd'hui oubliée.

Tout commence et finit avec le texte magnifique de Blaise Cendrars, sa rythmique de la phrase, sa musicalité du mot, sa consonance de la voyelle...tout semble déjà en partition. On se dit alors qu'il suffit de le lire pour que la mélodie naisse au passage de la langue puis s'évanouisse au départ des yeux. Oui et non… car il existe une dimension supérieure dans l'interprétation de l'œuvre, c'est celle du souffle. La respiration du comédien qui nous restitue l'inspiration de l'auteur, le jeu de l'acteur qui décuple la suggestion intrinsèque au style détaillé de l'écrivain.

Dans ce rôle Xavier Simonin est parfait. Il prend le texte à bras le corps, comme on chevaucherait un animal sauvage. Il crée dans cet affrontement une intensité, une tension palpable qui dresse un fil ténu entre eux et nous simples spectateurs, une corde sensible que le musicien et ses harmonicas viendront faire vibrer au moment venu et voulu par la mise en scène du comédien. Parfois il lâche la bride du fauve comme dans un rodéo, laissant s'exprimer la sauvagerie de la bête  par la colère ou l'exaspération, puis il revient à la terrible humanité de l'animal à  la vue d'un champ de ruine, devant la disparition de ses proches.

Il peut paraitre surprenant de parler de la forme avant le sujet, mais ce texte et son incarnation est un tout indissociable ! La forme est déjà signifiante sans être pour autant le pléonasme du fond.

Pour raconter la naissance de ce bout d'Amérique, la Californie et de sa désormais mégapole San Francisco, pour retrouver ce rêve américain à travers l'histoire de Suter, pionnier fermier ruiné par la fièvre destructrice des orpailleurs, deux langages ne sont pas de trop. Pendant que nous mettons nos pas dans les mots de Cendrars, nous laissant guider par la voix envoûtante de Simonin, Jean-Jacques Milteau construit le décor, y ajoute de la couleur et même de la matière à travers un répertoire de musiques américaines du 19 ième siècle. Parfois il bruite la scène par une extension sonore de son instrument. Finalement  c'est peut-être lui le metteur en son, le décorateur, le peintre et l'accessoiriste de ce conte musical. Décidément le théâtre en Avignon ne nous lassera jamais du mélange des genres et des professions.

                                                                                                           Thierry Gautier (copyright SACD Avignon 2015)

  • "(...) sa rythmique de la phrase, sa musicalité du mot, sa consonance de la voyelle...tout semble déjà en partition". Plaisante chronique, je regrette presque de ne pas y avoir été.
    P.S. Je n'ai pas trouvé le lien audio.

    · Il y a presque 9 ans ·
    Jolo

    Jolo Constant

    • Merci, il y a normalement un format média associé que je ne trouve pas non plus !! je l'ai rajouté au descriptif , à coller sur un moteur de recherche et à écouter !! Thierry

      · Il y a presque 9 ans ·
      Thierry ginger

      gautier

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