L'or incolore
nananndri
PREFACE
Nous l’avons connu romancier avec l’envol du cœur et la nouvelle, et voilà que nous le découvrons sous une autre aurore avec cette œuvre poétique, l’or incolore. Tant mieux, car il vaut mieux avoir plusieurs cordes à son arc qu’une seule.
Ce recueil se constitue de trois sections. La première « n’zassa ou la vie commune » annonce déjà les couleurs. L’emploi du terme « n’zassa » typique du terroir baoulé, vulgarisé par l’éminent poète et romancier ivoirien Jean Marie ADIAFFI, grand prix littéraire d’Afrique noire, dénote d’emblée le dessein fédérateur du poète. Devant le tsunami de ce schisme enduré par la terre d’Eburnie, il se veut le chantre de l’unité et le héraut de la réconciliation pour tous ses frères et sœurs. D’où l’intitulé du premier poème, « tu es mon frère », par le biais duquel le poète constate amèrement qu’en dépit du même sang qui flue dans le nid de nos veines, nous nous mettons des cloisons qui nous plongent peu à peu dans le sang de la haine, de la division. Les premiers vers sont assez expressifs à ce propos :
« Dans mon corps circule un liquide rouge
De ton corps aussi (…)
Alors, où est notre différence, frère ? »
Cette section est jalonnée de trente-cinq poèmes qui, essentiellement, plaident en faveur d’une patrie nouvelle, débarrassée de ses fers. Maxime N’DRI se rappelle avec émotion les affres de la guerre qui a revêtu les yeux de la mère patrie de larmes sanguines. Il ne se rappelle pas moins le sinistre des populations qui ont enduré mille morts dans les couloirs effroyables où elles se sont entretuées pour des futilités.
« Au feu, au feu
C’était la case de la vieille Bintou en feu
Là bas à Man, dans le mont Tompki
Et le village se réveilla »,
Crie-t-il dans « solidarité, salut du peuple ». Ce titre en dit long sur sa volonté de voir sa fratrie se serrer les coudes en vue d’effacer les relents de la haine pour un lendemain meilleur.
Ce chapitre – le plus important en termes de volume – est par ailleurs une invite à la cohésion sociale, au pardon. Un proverbe arabe dit ceci : « si tu te venges, tu t’en repentiras. Pardonne et tu t’en réjouiras. » Qu’il est profond ! De quelque manière que ce soit, le peuple d’Eburnie a respiré les cendres de la douleur. Mais, au nom d’un jour meilleur, le poète incite à la fraternité.
La seconde section « chant de la nature » est un assemblage de onze poèmes, laudateurs de la nature. Avec volupté, le poète écoute chanter « la rose » dont la fragrance lui rappelle son enfance riche de tristesse et surtout, de bonheur :
« Quand j’étais enfant, j’ai planté un arbre (…)
Je m’asseyais sur ses branches
Comme un enfant, sur le dos de sa mère.
Quand on me frappait, il me consolait cet arbre
Par son feuillage. »
Le poète voue un amour viscéral à cette nature, précieux don du ciel – ici incarnée par l’arbre – à telle enseigne qu’il l’assimile à une mère, velouteuse, protectrice, affable… Cet hommage rendu à la nature que le poète tient pour sa mère par allusion métaphorique implicite devient aussi satire lorsque Maxime Kouadio N’DRI ressasse amèrement les agissements méprisables d’un père écornifleur.
Lorsque nous nous immergeons totalement dans cette section, nous nous rendons très vite à l’évidence que la nature dans toute sa magnificence, dans toute sa sublimité est la symbolique de la mère. Ainsi rend-il par l’entremise de cette nature, un hommage claironnant à sa mère, à l’endroit de qui pleuvent ses sanglots. Il lui crie son mal de vivre :
« Je souffre mère, je souffre de vie (…)
Des personnes sans foi ni scrupule
Me transforment en arme (…)
Et je tue et pollue
O mère, je me meurs, je souffre, je suis mort »
Cette gradation ascendante qui lève un coin de voile sur ses souffrances nous fait penser à un célébrissime vers du dramaturge français Molière dans sa pièce l’avare : « je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré ».
En somme, le symbole constitue le fil d’Ariane de cette section.
« Rue de noce » : ainsi s’intitule la troisième et dernière section de L’or incolore. Elle est un hymne rose qui célèbre l’amour et dévoile les abysses du cœur du jeune poète, lui qui susurre ces vers :
« Offre-moi ton cœur
Tout près je m’assiérai. »
Lorsque nous longeons la rive du poème « cette chrétienne amoureuse », nous découvrons avec fascination que son amour pour cette femme se fait parole d’évangile et chant de foi :
« Des versets tu prononces ô doux cœur (…)
N’oublie ta foi (…)
Et enseigne au monde entier
Ton envie de femme épanouie. »
Le dernier vers achevant le poème « Beauté d’ébène » est un message fort donné par Maxime. Le géant James BROWN disait « I’m proud I’m Black » qu’on peut traduire par « je suis fier d’être Noir » ; Bernard DADIE, le père de la littérature ivoirienne, écrivait à son tour « Je vous remercie mon Dieu de m’avoir créé Noir » (in La ronde des jours, recueil poétique) et le jeune poète d’écrire à son tour, dans « Beauté d’ébène », poème constituant une satire acerbe contre la dépigmentation de la peau « je te dirais pourquoi je suis Noir. »
Du coup, deux histoires se juxtaposent admirablement dans cette troisième et dernière section de L’or incolore : son amour pour la sublime créature qu’est la femme et celui qu’il éprouve pour son peuple, le peuple Noir.
19/11/12
Cédric Marshall KISSY « le poète de l’Espoir »
usmarshallone@yahoo.fr