LOUIS-GUILLAUME ET LA BATAILLE D'ALZHEIMER

Philippe Larue

T'étais né nu, pharmacie...rappelles-toi pépé..."Aux compresses intelligentes services"! 

L'ombre d'Alzheimer flottait aux alentours de Louis-Guillaume Bresquignier. Un rire hachuré avait rempli la salle, suite à un tsunami psychologique dans la tête de pépé. Reconnaître que Jean-Maxime, le neveu de Louis-Guillaume, était peu soigneux avec l'âge avancé de pépé. Retraité depuis une dizaine d'années, son occupation favorite après les trois biscottes imbibées d'une confiture de betterave/potimarron/bourgeon de pin, étaient le classement sophistiqué des boîtes de pansements d'Aux compresses intelligentes services, récupérées lors de la vente aux enchères de sa pharmacie. 

Louis-Guillaume Besquignier, le pépé de Jean-Maxime, adorait par-dessus tout, renifler un vieux flacon d'alcool modifié à présent de 1897 avant de débuter l'inventaire de ses cartons. Les compresses non tissées stériles 10 x 10 cm en boîtes de cinquante, étaient mises dans le coin supérieur gauche de la grande table. Puis, suivaient selon une stratégie digne d'un chef militaire, les bandes adhésives velpeau strapp 8 x 2,5 cm. Comme d'autres avaient le hobby des figurines de plomb napoléoniennes de 15 à 90 mm, parfois au 1/144e, Louis-Guillaume était le médecin en chef du champ de bataille de la rue n°44 de Nüremberg, à Paris, son appartement. 

Juste avant la pause café de dix heures, agrémentée de deux toffees moins riches en protéines laitières et en matières grasses que les purs caramels mous, Louis-Guillaume Besquignier empilait vingt-quatre boîtes de bandes extensibles de fixation, taille 2,5 x 10 m, coin inférieur droit de la grande table. Félicité par son neveu Jean-Maxime quand aux capacités cérébrales encore persistantes, Louis-Guillaume lui glissait alors, un billet de cinq euros dans la poche. 

Pépé Louis-Guillaume Besquignier n'avait jamais remarqué, mais Jean-Maxime venait chez lui avec un jeans à six poches afin d'être sûr d'obtenir le fameux billet, grâce à la constatation oculaire par Louis-Guillaume, que son neveu avait bien des poches visibles à 360°. 

À 11h45 précises, la grande table devait être débarassée des élastomousses, des sparadraps, des filets tubulaires et du reste car Anne-Juliette, l'épouse de Louis-Guillaume, entrait dans la salle afin de nettoyer la grande table. Et pendant ce temps là, Louis-Guillaume Besquignier épluchait les pages nécrologiques du journal afin de bien vérifier le départ de ses anciens concurrents pharmaceutiques pour l'au-delà avant lui. 

C'était le seul moment extatique d'une journée ordinaire de Louis-Guillaume Besquignier. 

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