Lovation : An electric smoke with fire and flames

Anthony Nw

Lovation : An electric smoke with fire and flames

 

Aie, ça fait mal. Ça faisait huit ans. Elle est passée, j'ai dis "Salut !". Je me suis retourné, elle a dit "Salut !" Ça m’arrache le bide comme un avant-partiel non-révisé. J'aurais préféré marcher dans la merde, au moins j'aurais pu crier "Putain !" Mais là j'ai la gorge engourdie, je me suis fais sécher. Salut, ça aura été mon dernier mot. Que dire de plus ? Maintenant elle est de dos.               
Ça faisait huit ans que j'étais pas tombé amoureux et à cette époque aussi ça avait foiré. Tu penses bien que j'étais pas resté puceau, j'avais toujours trouvé deux ou trois connes de passage histoire de tirer un coup, juste tirer un coup. Mais celle-là je la voulais ni conne ni de passage. Pour autant j’ai pas eu ce que je désirais.             
Alors voilà c'est ainsi, c'est inéluctable, c’est comme ça que tout s’arrête ? On passe dans le couloir en se disant salut et puis on remballe ? Tu ralentis pas ta course douze secondes pour me faire la bise et me demander comment je vais ? Putain mais qu'est-ce que c'est douze secondes dans ta vie de merde ? Parce que je te signale que douze secondes de ta vie dans la mienne, c'est beaucoup pour moi. Plus long que tu l'imagines et même assez pour gamberger jusqu'à demain. Je déconne pas, en vivant ta vie dans la mienne tu pourrais gagner une jeunesse éternelle. C'est pourtant pas ce qu'elles veulent les meufs, s'éviter les liftings et les pots de crème ? 
Cherche pas l'ami, elle est partie. Elle est en classe maintenant. Elle écoute un vieux connard incompétent se branler sur sa dissert. Alors je fais quoi ? Je rentre chez moi en mode loser magnifique ? Je pourrais autant péter sa putain de porte d'un coup de pied, ou au moins essayer. Je pourrais faire mon Roméo et lui crier que je l’aime, que je suis pas l'un de ces enculés qui cherchent qu'à la baiser et qu'il faudrait pas qu'elle passe à côté.               
Le problème c'est que les nanas pensent pas qu'on puisse être à la fois un baiseur et un mec amoureux. Paradoxalement elles n’aiment que les baiseurs dont elles prétendent être écœurés et conchient les romantiques et leurs bouquets de fleurs nauséeux. Les sentiments ça les fait flipper. Si j'entre là dedans, c'est sûr, je suis terminé. Pareil pour les textos, faudrait que je me calme un peu. Deux fois par semaines, je pensais pas la harceler, mais c'est pas son rythme. Faut pas qu'elle se sente oppressée la miss. L'espace ça se conquiert petit à petit et pour l'instant on en est qu'à la lune. Merde... C'est pas ce que je voulais dire.             
Ça c'était pourtant bien passé au départ. Son odeur était parfaite, sans parfum ni shampooing. Je la sentais tendre et ça ressemblait à des prémices. En clair, j'étais content et amoureux. C’est devenu quoi tout ce bordel ? T’as vu ma gueule ? On dirait un dépressif shooté à la Red Bull. Être amoureux c'est pas mon truc à l'origine. J’étais prévenu, je sais pas comment on fait. Ok, c'est peut-être la deuxième fois que ça m'arrive mais c'est pas comme le vélo. Je remonte en selle aussi pitoyable qu'une femme qui accouche de son premier gamin, les cris en moins, je sais me tenir, mais la face aussi tordue.               
Faut que je réagisse mais je suis coincé. Je peux pas l'appeler, encore moins tout lui balancer. Je suis pas Georges Clooney, je dois de respecter les règles du jeu si je veux que cette histoire prenne pas l’eau. C’est tranquille pour Georges, il a un chalumeau le mec. Mais moi quand elle me regarde, je crois qu’elle voit le briquet mais pas l’étincelle. C’est quoi ce putain de jeu de merde ? J'ai l'air de m'amuser. Bla bla bla, les règles de la séduction. Nique sa mère le règlement !      
Quand j'y pense, c'est triste qu'elle s'en tape ou qu'elle ait pas capté ce que je ressentais pour elle. Et pas que pour moi d’ailleurs. Elle va louper un type qui veut plus personne d’autre qu'elle pour continuer à se faire baiser par d’autres types croisés ça et là dans des bars quelconques. Vraiment, j’aurais voulu lui proposer de construire une autre histoire que ça. Si ça continue moi je vais finir chez les putes et j'aurais jamais de gosses, ça c'est à peu près sûr. Et elle, elle finira avec un mec qui aura su la séduire et qui sera finalement resté avec elle par peur de finir seul. Elle accouchera de trois chiards, si elle n’a pas avorté du premier, et se fera chier dans sa petite vie de merde en forme de cure de désintox d’alcool et de plaisir. 
Putain mais je suis qui pour dire ça ? Je suis qui merde ? Je l’aime et je pense tellement qu’à ma gueule que je me pose en seule alternative. C’est clair que moi je vais dépérir sans elle, au moins un temps, mais ça n’empêche pas que de son côté elle puisse situer son bonheur ailleurs qu’entre mes bras ou qu’au bout de ma bite. Si ça se trouve tout est bon pour elle, pas de soucis, happy life, end of me. End of quoi ? Tu parles, y’a même pas eu de début.            
N’empêche qu’elle a pas de respect pour moi. Elle voit bien que je m’intéresse, c’est pas Ray Charles et elle est pas débile. Elle pourrait au moins avoir les couilles de me dire en face de dégager. Tout ce qu’elle fait là c’est m’esquiver. Elle croit quoi, qu’elle a du tact ? Un animal blessé tu lui fous un coup de pelle. Tu t’en vas pas, ce serait lâche et dégueulasse.   
En même temps faut pas se leurrer, je me suis blessé tout seul. Un qui mec qui se mutile devant toi je comprends que t’ai pas envie de rester dans les parages. Je crois pas en cette connerie qui consiste à dire que l’on tombe amoureux de quelqu’un. L’amour c’est un machin que t’as en toi, comme un monstre qui gonfle, et quand il va péter tu le balances à la gueule de quelqu’un. Au lieu de saturer tout seul et de devenir complètement taré, ton cerveau choisit de déverser le trop-plein dans un autre corps que le tien. L’amour c’est une putain d’agression. C’est qui déjà qui disait que c’était offrir quelque chose que l’on a pas à quelqu’un qui n’en veut pas ? C’est pas tout à fait ça mais il était pas loin le mec.     
Pourquoi je parle tout seul ? Même si c’est dans ma tête ça craint. Je suis ridicule là, c’est qu’une meuf. Je prétends ressentir un truc, je prétends avoir un feeling. C’est quoi ces conneries, un truc mystique ? Ca me fait délirer. Pourquoi ce serait elle et pas une autre ? Pourquoi ce serait elle et pas toutes les autres ? N’empêche que quand mon ventre s’est mit a dérailler tout à l’heure, c’était pas n’importe quoi, c’était bien réel. Mais allez ta gueule, t’as somatisé c’est tout. Qu’est-ce que je fous dans ce couloir. Je devrais dégager, mon cours est fini depuis dix minutes, j’ai plus rien à foutre là. Je dis ça mais je marche depuis un bout de temps. Je tourne en rond comme un poisson rouge à la con. En plus je suis en rouge et j’ai la tête rouge, c’est raccord. Putain…          
De toute façon qu’est-ce que t’attends ? Tu veux quoi ? Te marier, avoir des gosses ? Sérieux j’en ai jamais rien eu à foutre. Je peux déjà pas blairer mes petits frères et mes parents comme exemple de mariage y’a pas plus merdique. Finir devant la télé à quarante piges et plus jamais baiser, très peu pour moi.  Et s’il s’agit que de cul, j’ai pas besoin de faire ça avec une meuf qui me donne envie de gerber dès que j’y pense un peu trop longtemps. D’ailleurs je suis pas sûr que ça serait très réussi. Alors tu veux quoi au juste ? J’en sais rien putain, j’en sais rien. Juste qu’on soit bien. On se pose, on vit le truc, on est heureux et basta. C’est simple tu vois. Juste ça et après on verra.          
Pourquoi ils sortent ? Y’a une alerte incendie ou quoi. Qu’est ce qu’elle fout là ? Putain elle avance vers moi. C’est chaud, j’ai pas envie de lui parler là. Vas-y fais genre t’en à rien à foutre. Ouais c’est ça je vais tenir le mur comme si j’attendais quelqu’un. Huit mètres, six mètres, quatre mètres... Elle me sourit, je crois que t’as sa bouche qui va s’entrouvrir là.               
« T’es encore là ? Désolé pour tout à l’heure, j’étais speed, j’aime pas être en retard. Le prof est pas là, ça te dit qu’on aille prendre un verre ? »          
« Euh ouais. Bah ouais… »         

  • J'aime bien ce texte aussi. Cette écriture illustrée par ton côté désabusé me plaît. C'est fluide, énergique. On se laisse facilement embarquer par le récit. Une suite peut-être ? On l'espère en tout cas.

    · Il y a presque 14 ans ·
    Extraterrestre noir et blanc orig

    bibine-poivron

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