Love letters 18
Nathalie Bleger
Chapitre 18
Mélanie
Des kilomètres de vie en rose
Enfin le dernier chapitre, et l'épilogue… Merci à vous qui avez suivi cette histoire, j'espère que vous avez passé de bons moments en ma compagnie.
Bien sûr « Des kilomètres de vie en rose » vient de « La nuit je mens » sublime chanson de Bashung…
Je serre fort la main de Sébastien en remontant le petit morceau de rue qui va de chez moi à chez lui. Je sens que ma mère est faussement joyeuse, chantonnant un petit air léger alors que ses mains sont humides et son regard fuyant. Emmanuel semble étrangement inquiet lui aussi, je me demande s'il a des soupçons sur sa naissance – alors que Seb ni moi ne lui avons rien dit - ou s'il craint simplement une séance de règlement de comptes entre nous, toujours pénible. Je le trouve différent, moins détaché qu'avant, je crains qu'il n'ait des doutes.
Je me suis promis de ne rien lui dire –cette histoire ne me concerne pas- je me suis déjà mêlée de trop de choses qui ne me regardaient pas, et qui me sont revenues en boomerang. Une douce brise marine souffle sur nous, un beau début d'automne. Des voiles luisent au loin sur l'océan assombri, j'imagine les gens sur le ponton ou dans les restaurants, détendus. Une belle nuit pour s'aimer… Ce soir je retrouverai les bras de Sébastien, qui me fixe parfois d'un regard curieux, et j'ai peur.
Lui aussi paraît avoir changé –en si peu de temps, c'est impossible- mais ce qui a changé vraiment ce sont nos rapports, notre connivence. La confiance en a pris un coup, j'ai l'impression qu'il me voit autrement, presque comme une inconnue. Avant nous nous comprenions d'un regard, d'un geste, sans hésitation ni suspicion, et maintenant… Je devine qu'il faudra que je traverse une période probatoire avant de retrouver sa pleine confiance, avant que l'ombre de ces quelques jours ne s'efface.
Je trébuche sur le bord du trottoir et manque de tomber, Sébastien me retient au dernier moment, le sourcil perplexe. Auparavant il m'aurait lancé une boutade, genre « T'es déjà bourrée », là il se tait, quelque chose se tord dans mon estomac.
Manon nous accueille avec des cris de joie dans la cour, elle nous tourne autour avec ses copains, la maison m'apparaît immense et un peu inquiétante, au soleil couchant. Philippe, mon beau-père, est sur le pas de la porte, les mains sur les hanches, dans une posture peu amicale mais il a plaqué un sourire sur son visage – qui ne cadre pas avec ses yeux. Une fois de plus je regrette d'avoir lu ces lettres, sans elles je serais à Venise avec mon mari, je ne suis qu'une imbécile. La vie que nous aurions pu avoir – et que j'ai gâchée par ma curiosité - m'apparaît comme une sorte de paradis perdu, un beau rêve évanoui.
Au moment où Philippe se penche pour m'embrasser avec raideur je me demande quand même si c'est vraiment ça que je voulais –appartenir à cette famille-là.
Nous prenons un verre sur la terrasse, dans la tiédeur du crépuscule, discutant de choses et d'autres, l'ambiance est surréaliste. On pourrait croire qu'il ne s'est rien passé, bien cachés derrière une bonne humeur de façade et des bulles transparentes. Les verres tintent, on parle du beau temps et du beau temps, puisque ici il fait presque toujours beau, on évite d'aborder le sujet du mariage. Un repas de famille classique, bon enfant. La grand-mère de Sébastien ne nous rejoint pas et ça me soulage, ses propos incohérents et son agressivité au mariage m'avaient terriblement mise mal à l'aise –signe avant coureur de malentendus successifs, sans doute.
Philippe et ma mère évitent de se regarder et ne se répondent pas directement, j'ai l'impression d'être au bord d'un précipice, nous sommes prêts de tomber à chaque instant, au moindre faux pas. La discussion dévie sur notre voyage de noces, chacun y va de sa petite anecdote sur Rome, Venise et Florence et je découvre avec stupéfaction, au détour d'une phrase, que mes parents et les parents de Sébastien sont partis ensemble à Capri, peu après leur mariage. Sébastien et moi on échange un regard surpris puis il demande d'un ton dégagé :
- Sans blague ? Vous êtes tous partis à Capri ? Ça c'est incroyable ! C'était quand ?
- Ouh là, je ne sais plus, répond ma mère en haussant les épaules. Louise était toute petite, elle était gardée par sa grand-mère. Je crois que Mélanie n'était pas encore née…
- Et maman était partie avec vous ? insiste Sébastien.
- Bien sûr.
- C'est fou ! Mais vous vous connaissiez vraiment bien, alors.
- Je ne vois pas ce que ça a de si incroyable, réplique sèchement son père. On a été jeunes, comme tout le monde, et puis on était voisins, donc on se connaissait très bien.
- Mais pourquoi vous avez prétendu ne pas vous connaître, alors ?
Mon beau-père lève les yeux au ciel puis marmonne :
- On ne va pas y passer le nouvel An, si ? Ces vieilles histoires ont déjà fait assez de dégâts comme ça, passons à autre chose, ça vaudra mieux. Pour tout le monde.
Alors que ma mère embraye précipitamment sur un autre sujet, Sébastien, qui a déjà les joues un peu rouges, se lève et se plante devant son père, les mains sur les hanches :
- Tout le monde ? C'est qui tout le monde ?
- Sébastien, calme-toi.
- Tout le monde c'est pas maman, qui en est morte, ni Mélanie, qui s'est sentie obligée de fuir. C'est qui tout le monde, alors ? C'est toi, hein ? Toi et tes grands airs, toi et tes mensonges permanents…
- Sébastien, répète mon beau-père entre ses dents, excédé.
- On est une grande famille, pas vrai ? Regarde-nous comme on est beaux, tous ensemble sur cette terrasse. On pourrait presque croire que tout va bien, qu'il n'y a pas eu d'immondes coucheries dans le passé.
- Arrête, dis-je à mon tour, écarlate.
- Non ! Non, j'arrêterai pas. Tu nous a tous fait venir, papa, alors ne nous déçois pas. Raconte-nous l'histoire, toute l'histoire des lettres et de la mort de maman, parce que j'y comprends rien et que ça me bouffe, tu comprends ? Ça me bouffe jour après jour, et Mélanie aussi, et si notre mariage échoue ce sera de ta faute. DE TA FAUTE !
Sébastien hurle, j'essaie de le retenir par le bras, mais il se dégage d'un coup d'épaule et s'avance d'un pas de plus vers son père, qui soutient son regard.
- Je vous en prie, ne vous battez pas, murmure ma mère, livide. Par pitié…
- Tu as raison, Sébastien, dit enfin Philippe en s'accrochant à ses accoudoirs. Tu as raison, rien de pire que le silence, c'est un cancer qui vous ronge, comme il a rongé ta mère. Mais c'est tellement difficile…
Il s'interrompt, même son fils ne bouge plus, tout le monde attend la suite, souffle court. Le temps s'est arrêté, je lis de l'angoisse sur tous les visages, comme une catastrophe trop longtemps attendue et inévitable. Non loin de là les cris de Manon et ses copains sont comme un décor, un semblant de normalité, alors que nous sommes suspendus, figés.
- Mais c'est tellement difficile, tu sais, répète Philippe.
Sa voix s'étrangle, je crois que c'est la première fois que je le vois comme ça, si démuni. Je baisse les yeux, mal à l'aise devant sa gêne, cette fragilité inconnue.
Ma mère souffle d'une voix fausse : « On va se faire manger par les moustiques, non ? On devrait rentrer… », quand Sébastien se tourne d'un bond vers elle, hargneux :
- Et vous, vous êtes complice ! Ça vous arrange bien qu'on ne sache rien, hein ? Vous protégez qui, vous ? »
- Sébastien, arrête. Calme-toi, dis-je en le tirant par le bras.
Je sais très bien qu'elle veut protéger mon frère de la découverte de sa naissance illégitime mais Sébastien semble l'avoir oublié, ou alors la colère lui fait perdre la tête.
- Tu es de leur côté, hein, Mel ? Ou alors tu en sais plus que tu ne veux en dire.
- Mais non, enfin… Tu deviens fou !
- Oui, ça doit être ça. Vous m'écœurez, tous ! fait-il en tournant les talons et en se dirigeant vers la sortie.
- J'espère qu'il ne va pas disparaître, lui non plus, souffle Emmanuel sur un ton mi-figue mi-raisin.
Je me tourne vers lui « Très drôle, Emmanuel » puis je me lance à la poursuite de Sébastien, parti vers les dunes.
oOo oOo oOo
Après une longue discussion orageuse nous finissons par rentrer dans la maison de ma grand-mère, affamés et fatigués. Tout est sombre, a priori ils sont encore au « château » ou déjà au lit, de toute façon notre décision est prise, nous repartons sur Épernay dès demain matin, et nous coupons les ponts avec eux. Définitivement.
Après avoir grignoté dans la cuisine nous montons le long de l'escalier plongé dans le noir, avec l'espoir de ne croiser personne. Ma robe de mariée trône dans un coin de la chambre comme un fantôme, la voir ainsi me met les larmes aux yeux. Je me dis que ce n'est rien, que la fatigue, mais une vague de désespoir me monte à la gorge, irrépressible et je me mets à pleurer comme un bébé, à gros sanglots, assise sur le bord du lit. Je me trouve idiote mais je ne peux rien faire, rien. Sébastien allume une petite lampe et s'assoit à côté de moi, songeur, immobile. Il sait que ce n'est pas un petit chagrin mais un désarroi profond, une faille qui ne fait que s'accroître entre nous, irrémédiable. On n'a plus envie de faire semblant, de se dire qu'on s'en fout et que tout ira bien, désormais.
C'est peut-être le destin ou alors tout était foutu d'avance, dès le début, peu importe, j'ai le sentiment d'être au milieu d'un champ de ruines sans envie de reconstruire. Sébastien n'est pas dupe, les masques sont tombés, nous nous couchons sans un mot, sans un regard. Dans la pénombre j'aperçois ma valise avec mon maillot de bain et mes robes pour Venise, ce devait être un beau rêve, dans une autre vie.
Une autre vie.
oOo oOo oOo
Le lendemain je boucle les valises dans le couloir quand Emmanuel s'approche de moi, un peu gêné :
- Je peux te voir deux minutes ?
- Écoute, on va partir, là. C'est important ?
Il hausse les épaules « Je sais pas », à sa tête je devine qu'il est trop timide pour avouer que c'est grave alors je soupire : « OK. C'est quoi ? ». « Viens » dit-il en me faisant signe de le suivre dans sa chambre. J'entends ma mère qui prépare le déjeuner en bas, en principe Sébastien est en train de lui annoncer notre départ, je ne pense pas qu'elle insiste pour qu'on reste.
- Voilà, on m'a dit de te donner ça, murmure Emmanuel en me tendant un paquet de lettres, les yeux au sol.
- C'est quoi ? je demande, horrifiée.
- Je crois que… enfin j'ai compris que c'étaient les réponses aux lettres que tu as trouvées ici. Ou une partie. Je… j'ai hésité à te les donner, parce que les premières ont déjà fait tant de mal, mais… enfin, à toi de voir si tu veux les lire, ou pas.
Je recule d'un pas, cœur battant. Je les fixe comme de potentielles bombes à retardement, prêtes à exploser :
- Qui les a écrites ?
- Je ne sais pas. Il ne me l'a pas dit.
- C'est mon beau-père qui t'a donné ça ? Mais pourquoi à toi ?
Emmanuel recul à son tour, front fuyant :
- Parce que vous étiez partis. Il avait l'intention de vous les donner et de vous expliquer, mais… vous étiez partis.
Il semble sur le point de rajouter quelque chose mais se ravise et se tait. Je n'ose toujours pas les toucher, quelque chose dans l'attitude de mon frère m'inquiète, je l'observe avec attention :
- Tu les as lues ?
- Non. Tiens, prends-les, j'en ai assez de vos histoires. Moi aussi je vais me casser, dit-il en tournant les talons brusquement. Laisse-moi, s'il te plaît.
- Manu ? Tu te sens bien ? Tu es bizarre…
Il hausse à nouveau les épaules que déjà Sébastien remonte les escaliers, je les fourre dans une poche dans ma valise, bien décidée à ne pas les lire. A aucun prix. J'ai déjà donné.
oOo oOo oOo
Les paysages défilent à toute allure, Sébastien ronflote à côté de moi, je me ronge les ongles. La valise me nargue, avec ses lettres. Les réponses à toutes les questions. Ou pas.
Je m'efforce de me concentrer sur le paysage mais elles sont là, si proches… si tentantes. On passe dans un tunnel et je n'y tiens plus, je les sors de leur cachette et je les regarde longuement, bien cachées dans leurs enveloppes. Sur certaines figurent l'adresse de Philippe et un timbre, d'autres sont vierges, sans doute données de la main à la main. Mon cœur bat la chamade, le papier me brûle les doigts, tentant et effrayant à la fois. J'ouvre doucement la première enveloppe avec l'impression de la sale gamine prise les doigts dans la confiture.
Tu me menaces de me délier de tes promesses si je ne te réponds pas mais je ne sais pas quoi te répondre. Je n'ai pas l'habitude de recevoir des lettres d'amour, elles me font peur, et elles laissent des traces. J'aimerais que tu détruises celle-ci dès que tu la recevras, les conséquences pourraient être terribles, et tu le sais.
Excuse mon cynisme, moi aussi j'ai passé l'âge des premiers émois et baisers cachés, et je n'ai pas compris ce qui se passait. Je n'ai rien compris du tout. Je ne sais plus comment et pourquoi nous avons franchi le cap, nous avions trop bu, trop ri, trop rêvé. Tu me demandes si tout ceci est une erreur, un mensonge ou une illusion, c'est les trois à la fois. Et pourtant le moment était merveilleux, et c'est pour ça que je veux l'oublier. On ne peut pas s'offrir cette escapade, tu comprends ? C'est impossible. Juste impossible.
Je me rends compte de la brutalité de cette lettre, je pourrais te promettre de t'aimer toujours, de tout quitter pour toi, je ne le ferai pas.
Tout est impossible entre nous, même l'amour. Surtout l'amour.
J'espère ne pas être sous le saule à minuit, j'espère te poser un lapin, ou c'est que j'aurai complètement perdu la raison. Mais la raison…
L'écriture m'est vaguement familière, un peu penchée avec des boucles. Le style est froid, presque cynique, je me demande qui se cache derrière ce détachement apparent, quelle est la femme assez sûre d'elle pour tenir ce discours. La maturité de ce courrier tranche avec les lettres du destinataire, du moins pour ce que je me souviens.
Je replie rapidement le papier un peu jauni, Sébastien dort toujours, je n'ai pas envie qu'il me voie ainsi. Je jette un petit coup d'œil alentour, un peu mal à l'aise. La plupart des voyageurs lisent ou écoutent de la musique, il n'y a que moi pour savoir que j'enfreins la loi.
Je suis surprise que mon beau-père m'ait fait ce cadeau – empoisonné ?- ce n'est pas son genre. Jusqu'à présent il a toujours nié, pourquoi ce revirement ? Je me rappelle de son visage disant que le silence bouffe les gens, puis son douloureux murmure « C'est trop difficile ». Cette action est incompréhensible, de sa part. Mais je le connais bien mal sans doute, je l'ai toujours vu bien dissimulé derrière le masque du médecin froid et sans émotion. Peut-être veut-il que je me fasse une idée par moi-même, sans être influencée par son récit. Je sais d'expérience qu'on réinvente les souvenirs, au fur et à mesure, même involontairement. Ou alors il n'y a rien dans ces lettres, rien d'important, et il se moque de moi.
J'en parcours une autre rapidement, du même acabit, un peu déçue. Là non plus pas de signataire, que des mots, des mots, parfois beaux, parfois kitsch… « Des kilomètres de vie en rose » chantait Bashung, le refrain me court dans la tête, malgré moi.
Moi non plus je n'oublie pas cette nuit, nos corps emmêlés et nos souffles courts. Je n'ai jamais vécu de moments plus forts. Je te déteste et je t'aime, tu me tues à chaque fois, à chaque geste, chaque étreinte.
Tu m'as appris l'amour et le frisson, le bonheur de la souffrance et du manque, quand chaque seconde loin de toi est un enfer – et le plaisir de ta présence et de ta force, je n'ai jamais aimé comme ça, aussi fort, aussi passionnément, j'en frissonne rien qu'à y penser…
J'ai encore envie de toi, besoin de toi, chaque minute, chaque seconde, je t'en supplie reviens cette nuit sur la plage, je veux encore te sentir contre moi, en moi, j'en tremble de désir, j'ai tellement besoin de toi, envie de toi…
Viens cette nuit je t'en supplie, et toutes les autres nuits…
Je sens une douce chaleur me monter aux joues, comment rester indifférente ? Plusieurs fois j'ai replié le papier convulsivement, je l'ai même fourré dans ma poche quelques minutes, le temps de laisser la pression redescendre doucement. Mais les poteaux qui passent obstinément devant mon nez et les prairies vert foncé ne me distraient pas, je ne pense qu'à ces courriers. Comme une drogue dure j'essaie de m'en passer mais le manque et l'envie sont trop brutaux, j'y replonge avec délices et honte.
Je te veux, je te veux, je ne peux plus ma passer de toi, de ça, j'y pense continuellement, ton corps, ta bouche, ta chair m'obsèdent. Ton simple prénom fait vibrer chaque parcelle de ma peau, je me caresse tout le temps en pensant à toi, mais ça ne me soulage pas. Jamais. Le feu à peine éteint se rallume déjà, rien ne te remplace. Jamais.
Je passe parfois des paragraphes entiers de mots trop intimes, je sais que je suis déjà rouge, je serre mes jambes l'une contre l'autre et je meurs de chaud. Heureusement Sébastien dort toujours, s'il me voit dans cet état je suis foutue, il ne me le pardonnera pas.
Je sais que tu vas m'en vouloir, parce que je ne t'ai rien dit en face, cette nuit. Je n'en ai pas trouvé le courage. Je ne voulais pas gâcher une précieuse nuit par une mauvaise nouvelle, mais nous avons pris notre décision : nous partons à Paris, pour nous y installer. Nous ne pouvons pas faire carrière dans cette région, c'est impossible quand on est prof d'avoir une nomination si tôt, avec si peu de points. C'est à pleurer de rage mais il n'y a rien à faire, rien. Nous partons dans une semaine, je comprendrai que tu ne veuilles plus me revoir, d'ici là…
Il n'y a pas le choix, pas d'alternative sauf le divorce, et ça non plus je n'en ai pas le courage. Je sais, je suis lâche, c'est vrai. Mais il y a tant de raisons qui font que…
La lettre est particulièrement froissée et l'écriture vacille par endroit, elle a sans doute été lue et relue, ma gorge se serre bêtement, je suis une imbécile. Ca me fait mal pour eux, ces amants inconnus, personne ne mérite de vivre ça, mais je connais suffisamment la littérature pour savoir que les plus belles amours sont les amours impossibles.
Je t'ai menti mon amour, pour te protéger, pour me protéger, parce que la vie est con et qu'elle ne fait pas de cadeau, mais je serai toujours à toi comme tu seras toujours à moi. Je t'aime à crever crois-moi, je ne t'oublierai jamais. Tu m'accompagneras toujours, partout. Je suis à toi à jamais, je sais que tu es à moi. Tu peux me détester, j'aimerais même que tu m'oublies, je te souhaite beaucoup de bonheur, mon amour…
Bientôt nous arriverons à Paris, le train va ralentir puis s'arrêter, Sébastien se réveillera. Une angoisse sourde me vrille l'estomac, je crois que je n'ai presque plus d'ongles. Une voix me souffle que je devrais jeter le paquet dans une poubelle et tout oublier, mais le visage d'Emmanuel quand il me les a tendues était sérieux et tendre à la fois. Comment jeter un cadeau à la poubelle ?
Je feuillette nerveusement les courriers suivants, jusqu'à tomber sur une lettre en morceaux, fourrée en vrac dans une enveloppe. Un petit coup d'œil à Sébastien et je la reconstitue, tous les morceaux sont là, heureusement.
Ma jambe tressaille, je n'arrive pas à la stabiliser, ni à calmer les coups sourds de mon cœur. Je sens que j'approche de la vérité, du dénouement, j'ai de plus en plus peur. Je m'attends confusément à une claque, le genre de claque que j'ai reçue au matin de mon mariage, à cause d'une lettre. Comment quelques grammes de papier peuvent-ils recéler tant de force, engendrer tant de conséquences ? Il suffirait de la replier, la jeter et tout oublier, comme on passe une éponge sur un mur sale. Plus de traces. Mais non. Chaque mot lu est indélébile dans certaines lettres, il vous poursuit longtemps après.
J'espère que tu vas bien, j'espère ne pas t'avoir détruit, je prie chaque jour pour toi, tu sais. Tu as raison, je t'ai menti, du moins je ne t'ai pas tout dit, tu comprendras pourquoi. Je préfère te le dire moi-même plutôt que ne l'apprennes par la famille, ou les amis. Tu sais, on ne peut pas stopper certains trains quand ils vont trop vite, c'est matériellement impossible, et moi j'ai embarqué dans ce genre de train, cet été. Je sais que tu vas m'en vouloir à mort, parce que cet été, nous l'avons passé ensemble, toi et moi, et pourtant…
Voilà la nouvelle : nous allons avoir un bébé pour le prochain printemps, voilà pourquoi je ne peux pas divorcer, ce serait le pire moment. Cet enfant ne doit pas naître au sein d'une famille éclatée, il ne le mérite pas. Il ne mérite pas de payer pour mes fautes, je pense que tu le comprends, toi qui as déjà une fille. Le poids de notre péché ne doit pas peser sur lui, ou elle, et je l'aime déjà de tout mon cœur.
C'était un beau rêve notre amour, mon amour, et je ne t'oublierai jamais.
Je déglutis, ça y est, nous voilà au moment crucial du bébé, presque la fin de l'aventure. Leur aventure. Je lis en diagonale les paragraphes suivants, le cœur au maximum.
Tu dis que tu me souhaites tout le bonheur du monde alors que j'ai détruit ta vie, je sais que tu mens, je sais que c'est par amour. Un joli mensonge, délicat comme toi. Pourtant, je crois que je comprendrais ta déception, ta haine, je comprendrais tout, je pardonnerais tout, même ta haine. Mais ne dis pas que tu n'es rien, ne dis pas que tu vas crever, je t'en supplie. Dis moi que tu vas vivre, que tu vas m'oublier. Jure-le-moi. Philippe (je sais, nous avions promis de ne jamais faire apparaître nos prénoms ni laissé aucun indice, pardon), je t'en prie, ne fais pas de connerie, ta femme et ta fille ont besoin de toi. Même moi, j'ai besoin de toi, à distance.
Mais tu as raison, nous devons cesser de nous écrire, la pensée portera nos paroles et nos sentiments, mieux que le papier.
Redevenons amis, il ne s'est rien passé.
Le train commence à ralentir, on aperçoit les premiers pavillons, il ne reste plus qu'une lettre. Une seule. J'envisage de la lire plus tard mais la curiosité est la plus forte. Sébastien dort encore et elle semble courte, juste quelques lignes…
Le papier est tout à fait différent, je regarde le cachet de la Poste, il est daté de 1992 alors que les précédentes étaient de l'été 1989, et le ton est différent aussi.
Philippe, tu ne réponds plus au téléphone, vous avez changé de numéro et vous êtes sur liste rouge mais j'ai quelque chose d'important à te dire, il faut que tu le saches : ta femme m'a appelé, elle m'a révélé qu'elle savait tout. Elle nous a surpris cet été, elle m'a dit qu'elle nous avait entendus dans la tourelle, alors que nous la croyions en ville avec les enfants, au feu d'artifice. Si tu savais comme je m'en veux : nous avions tenu bon depuis la naissance de Mélanie, pas un faux pas et puis cette folie, un soir. J'ai dû tout lui avouer, je n'avais pas le choix. Elle prétend avoir essayé de passer l'éponge mais elle trouve notre acte tellement horrible qu'elle y pense tout le temps, et ne dort plus.
Elle va mal, Philippe, très mal. Elle parle de suicide, de se faire du mal ou de faire du mal aux enfants, il faut que tu t'occupes d'elle, il faut que tu empêches le pire d'arriver.
Le train freine et stoppe, Sébastien s'étire, je lis les dernières lignes à la va-vite.
Sébastien me fixe, étonné : « Pourquoi tu fais cette tête-là ? », je secoue la tête, muette. Je viens de tout comprendre, un abîme s'ouvre sous mes pieds.
oOo oOo oOo
EMMANUEL
J'observe le « château » depuis la fenêtre du grenier dans lequel je me suis réfugié, ne percevant que de loin le bruit de l'aspirateur que ma mère passe avec rage dans toutes les pièces, et le battement répétitif des gouttes de pluie sur le carreau. Le départ précipité de Mélanie et Sébastien la rend furieuse, même si elle n'en dira rien. « Ils font ce qu'ils veulent, je m'en fiche » répète-elle à l'envi, un peu trop souvent pour que ce soit vrai.
Mon pote Antoine m'envoie des SMS à toute allure, réclamant mon retour –on a déjà une semaine de retard sur nos projets, Gaël est fou de rage, je ne sais plus quoi faire. Étrangement ce périple en Auvergne ne me dit plus rien, je ne sais même pas pourquoi. Je fixe le château comme si la réponse se trouvait là, sur les murs ou dans le jardin détrempé. La soirée d'avant-hier a détruit toutes mes certitudes, je suis K.O. debout.
J'aperçois le facteur par la fenêtre, sous la pluie battante, qui passe de maison en maison. Ça doit faire une heure ou plus que je suis immobile à la fenêtre, me repassant en boucle les révélations de la veille. Je gratte machinalement le rebord de la vitre, le crissement est pénible mais je dois passer mes nerfs, d'une manière ou d'une autre.
Le facteur vient de s'arrêter, il glisse une enveloppe dans la boîte, j'entends le clapet qui se referme. C'est sans doute un courrier pour Mélanie –la propriétaire légale de la maison- mais elle est déjà partie, tant pis. Je commence à m'ankyloser à rester debout comme ça, autant aller voir ce que c'est, ça me changera mes idées, d'ailleurs il ne pleut plus. Je descends les escaliers 4 à 4, ma mère frotte les meubles comme si sa vie en dépendait, je n'ai même pas envie de lui dire que je sais, maintenant. Tout. Tout ce qu'un enfant ne devrait pas savoir sur ses parents. Elle me jette un coup d'œil sévère, oui je traîne ma flemme, et alors ?
Une lettre dépasse un peu de la vieille boîte rouillée, je l'attrape sans difficultés, elle m'est adressée, étrangement. Je la retourne, pas d'expéditeur. Elle a été postée hier, dans une ville qui m'est inconnue. Qui sait que je suis ici ? Est-ce une blague de mes copains ? Non, ça ne leur ressemble pas.
Je me cache dans un coin de la terrasse pour la décacheter, l'enveloppe est belle, épaisse, d'une belle couleur crème. A l'intérieur se trouve une autre enveloppe, beaucoup plus petite.
Emmanuel,
Nous nous connaissons à peine mais je ne sais pas à qui m'adresser à part vous, alors je tente ma chance. J'ai beaucoup hésité à écrire cette lettre, je crois que je me laisse emporter par des illusions, mais j'ai un grand service à vous demander, même si ça vous paraît étrange.
J'ai rencontré votre sœur Mélanie il y a peu, et elle est partie sans que j'aie eu le temps de lui dire au revoir, du moins pas comme je le souhaitais. Pour ne pas la gêner face à son mari je préfère passer par vous, je pense que vous aurez la possibilité de la voir discrètement et de lui remettre ce courrier. Je vous fais confiance, j'espère que vous me comprendrez, sans me juger.
Je réalise que ma demande est originale, voire choquante, mais je ne veux pas vivre avec des regrets sur le cœur. Dites-lui que je n'espère pas de réponse, juste un espoir. Ou pas.
J'espère la vérité.
Je vous en remercie très sincèrement,
Sur le moment la tête me tourne, je dois m'appuyer sur la rambarde de la terrasse. Décidément la période est bizarre, je crois rêver depuis quelques jours. Des années de tranquillité et de quotidien et tout à coup toutes ces choses étranges, ces aventures incroyables, ces lettres d'amour.
Pour qui me prend-on, pour le facteur ? La dernière fois que j'ai donné une lettre à quelqu'un ça a déclenché un typhon dans ma vie, je devrais me méfier. Je me souviens à peine de lui, en plus. Est-ce que c'était le brun, ou le roux ? Le brun, il me semble. Un mec grand, souriant. Banal. Plutôt classe.
Est-ce qu'elle aurait couché avec lui, quand elle était dans la propriété des Delmas ? Je n'en reviens pas. Serait-elle perverse ? Les chiens ne font pas des chats, mais quand même… et puis Sébastien est sympa, je l'aime bien. Je ne peux pas lui faire cette crasse-là. Impossible.
« Quelle merde, quelle merde », je me répète en regardant la petite enveloppe portant juste une inscription « Mélanie ». Pourquoi fallait-il que ça tombe sur moi ? Pourquoi suis-je soudain mêlé aux affaires de cœur des autres, moi qui ai toujours tout fait pour vivre sans ennuis, et surtout sans m'engager ? Ma mère prétend que l'amour me fait peur mais quand je vois des trucs comme ça, oui, ça me fait peur. Je suis bien seul, tranquille. Foutez-moi la paix.
J'ai la tentation de la mettre à la poubelle, affaire réglée, mais un vieux remords me taraude. Inutile d'en parler à maman, elle va en faire tout un fromage. Moi seul peux décider, je dois tout garder pour moi, coûte que coûte.
Par honnêteté envers ma sœur je me dis que je la lui donnerai, cette lettre, peu importe ce qu'elle contient, mais j'ai peur d'être l'instigateur d'une nouvelle catastrophe. J'essaie de me rassurer en me disant que la lettre ne contient rien de grave, peut-être juste une demande d'amitié ou un truc comme ça, mais je sais bien que je mens.
Une sensation sourde vient me serrer les entrailles, il fait chaud, déjà trop chaud. Il me semble entendre les cris de Manon et de ses copains, dans le jardin de leur maison, je me demande ce que Philippe ferait à ma place. Il s'agit de sa belle-fille et de son fils, je ne peux raisonnablement pas lui faire ça. Pas à quelques jours du mariage.
Mais depuis quand y a-t-il quelque chose de raisonnable entre nos familles ?
Un chien aboie dans la rue, je ne peux que repenser à la soirée d'avant-hier, une soirée étrange, pour le moins. La sortie inattendue de Sébastien face à son père nous a tous laissés perplexes, affreusement gênés. Manon nous tournait autour en riant, nous étions muets comme des acteurs ayant oublié leurs répliques, pris de court par le changement brutal de scénario.
- Ils sont partis où ? a demandé ma mère au bout de plusieurs minutes.
- Aucune idée. Mais ne compte pas sur moi pour leur courir après. Ils sont majeurs et vaccinés, et ils sont ensemble, a répondu Philippe, l'air sombre. Mon fils est tout le temps en colère contre moi, j'en ai assez.
Il n'a pas ajouté « Qu'ils aillent au diable » mais il l'a pensé si fort que je l'ai entendu, et je crois que je me suis tortillé sur ma chaise. Manon a disparu à l'intérieur avec ses copains, le jardin est redevenu calme, d'un coup.
- Tu te souviens quand on s'amusait dans le jardin, quand on était petits ? a lancé ma mère d'un ton presque désinvolte, en regardant autour d'elle. C'est fou comme rien n'a changé, dans ce jardin. Même l'odeur du tilleul, du soir. Même le saule. On en a fait des conneries sous ce saule, hein ? On s'imaginait être dans une jungle, il me paraissait si grand, si touffu… Tu te rappelles ?
Il a acquiescé avec un demi-sourire, un peu rêveur.
- Ton père n'aimait pas quand je venais, tu te souviens ? a-t-elle repris. J'étais obligée de me cacher, je passais derrière la barrière, avec l'aide de Dominique. J'étais un peu folle, je crois. Ça faisait scandale chez moi, et dans le village, une fille parmi tous ces garçons. Mais je me sentais tellement seule, chez moi. Et tes frères m'aimaient bien, hein ?
Il à nouveau hoché la tête avec un air indéfinissable, pas vraiment heureux. Elle a continué à égrener ses souvenirs d'un ton songeur, comme si je n'étais pas là. Mais la douceur que je lisais sur son visage était contredite par les lèvres pincées de notre hôte, qui a terminé son verre brusquement. Elle ne s'en pas aperçu, et a continué :
- Et puis après… Tout a changé, quand Dominique et moi on est sortis ensemble. On n'était plus une bande de quatre, c'était un peu le début de la fin, tu te rappelles ? C'était au moment du lycée, quand on allait à la plage après les cours.
Le monologue de ma mère a continué, je percevais l'agacement croissant de Philippe, derrière le masque poli. Elle s'est resservi un verre de vin blanc et a lancé, amère :
- Mais toi tu ne m'as jamais vraiment appréciée, n'est-ce pas ?
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Je le voyais bien. Tu restais toujours à l'écart, tu n'aimais pas discuter avec moi. Je te dérangeais ?
Philippe a secoué la tête, puis a répondu d'un mi-figue mi–raisin : « Vous étiez toujours l'un avec l'autre, je ne voulais pas m'interposer. Et puis Dominique était tellement fou de toi… depuis toujours je crois. Je n'aurais eu aucune chance, de toute façon. La Miss et ses chevaliers servants. Tu as choisi le plus drôle à l'époque, je peux le comprendre. »
- Choisi ? a répété ma mère, sourcils froncés. Tu veux dire quoi ?
- Rien, n'en parlons plus. C'est du passé.
Elle est restée muette quelques minutes, j'avais la certitude qu'elle se repassait le film de sa vie dans sa tête, cherchant vainement une explication. Mon portable vibrait dans ma poche, je n'ai pas bougé.
- Mais avec ce qui est arrivé ensuite, Philippe, comment tu peux me faire croire que…
- N'en parlons plus, Marie. S'il te plaît, a-t-il coupé sèchement.
Le silence nous a enveloppés, plein de rancœurs et de souvenirs, j'ai frissonné alors qu'il faisait encore lourd, sur le gazon. Des nuées d'insectes nous entouraient, je me suis dit qu'ils devaient être à la fête, eux.
- Combien de temps encore ? On va payer pendant combien de temps encore ? a-t-elle finalement murmuré, larmes aux yeux, alors qu'il restait droit et muet, sur son siège.
Je me souviens qu'une chape de plomb pesait sur nos épaules, et ce n'était pas que la moiteur du soir. Nous regardions nos verres avec gêne, ma mère reniflait et s'essuyait le visage d'un revers de main, j'aurais voulu être ailleurs, n'importe où. Leur discours me restait hermétique, je savais qu'ils le faisaient exprès. Peut-être qu'avec quelques verres de plus elle aurait fini par tout lâcher, et j'aurais enfin compris, s'il y avait quelque chose à comprendre, ce dont je commençais à douter. Payer pour quoi ? Je croyais que c'était avec Dominique qu'elle était sortie ? De quoi parlaient-ils ?
- Mais tu n'as rien à te reprocher, Marie. C'est à cause de moi que tout a commencé, tu le sais. Toi tu n'as agi qu'en réaction, a-t-il répondu à voix basse.
- C'est quand même bizarre, hein, qu'elle se soit enfuie juste là où moi aussi j'avais fui, il y a vingt ans, a poursuivi ma mère à mi-voix. Tu crois que c'est le hasard ?
Soudain elle s'est tournée vers moi d'un air désolé : « C'est le passé mon chéri, tu ne peux pas comprendre… »
- C'était au moment de ton divorce avec papa, j'imagine, ai-je répliqué avec agacement – elle me prenait pour un idiot, ou quoi ?
- Non, pas précisément. Avant.
Philippe ne nous regardait pas, je le voyais se tordre les mains avec angoisse en buvant son verre machinalement. La question de ma mère est restée sans réponse, je me demande même s'il l'avait entendue. Je me demande même si on existait encore, pour lui.
J'avais envie de lui dire : « Je sais que maman a couché avec votre frère, ne vous gênez pas pour moi. Racontez-moi juste le reste, que je rigole un peu ». Mais je suis resté muet, bien sûr. Je craignais un peu les réactions de ma mère, une hystérie ou une crise de sentimentalisme inattendue, avec elle tout était possible, quand elle tremblait comme ça.
- Tu crois qu'ils vont revenir ? a-t-elle demandé en se retournant du côté du portail clos.
- J'aimerais bien, j'ai quelque chose pour eux. Un truc dont je veux me débarrasser depuis longtemps, mais je ne voulais leur donner qu'à leur départ. Ils sont partis un peu vite, dommage.
- C'est quoi ?
- La vérité. Mais je ne veux pas la commenter, ni m'expliquer.
- Qu'est-ce que tu appelles la vérité ?
J'ai senti de l'effroi dans sa question, il n'a pas même frémi :
- Ne t'inquiète pas. De toute façon ils sont partis, maintenant.
J'ai envisagé de me lever pour les laisser discuter librement, mais quelque chose me retenait là, sans raison.
- Tu crois qu'on les a perdus ? a-t-elle repris dans un souffle, en le fixant à nouveau.
- On les a perdus depuis longtemps, Marie, et tu le sais.
- Comment tu peux dire ça ? Comment tu peux dire et rester froidement assis là ? a-t-elle glapi en se levant et je l'ai trouvée pathétique.
- Tu crois que ça changerait quelque chose de pleurer, gémir ou crier ? Ils sont grands maintenant, et ils sont mariés. Qu'ils vivent leur vie, qu'ils nous oublient, c'est ce qui peut leur arriver de mieux.
- Mais tout à l'heure tu disais que le silence était un cancer, rappelle-toi !
- Oui, je l'ai dit. Mais comment raconter notre histoire ? Par où commencer ? Comment avouer cela de vive voix, Marie ? a-t-il demandé en lui lançant un regard hagard, qui m'a fait baisser les yeux. Vas-y, raconte, toi. Raconte à ton fils le secret de sa naissance, si tu en as le courage…
Elle a poussé un cri d'effroi : « Moi ? Pourquoi moi ? Tout ça c'est de ta faute, Philippe, tu le sais. T'es un salaud, tu l'as toujours été. Un pervers. Quand je pense que tu te fais passer pour un honnête médecin, après ce que tu as fait ! Tu devrais avoir honte… »
Elle a tourné les talons précipitamment, j'avais honte pour elle, honte de son attitude de folle, honte de ses accusations. Je suis resté coi sur ma chaise, les mains entre les jambes, épaules basses. J'aurais voulu dire à Philippe que j'étais désolé mais je n'osais pas bouger, je le sentais mortifié à côté de moi, blême. La nuit commençait à nous envelopper d'une brume opaque, un souffle tiède me frôlait le cou, me faisant frissonner.
- Emmanuel, viens ! a-t-elle crié depuis le portail.
J'ai sursauté et j'ai regardé dans sa direction, perplexe. Elle m'attendait devant le portail, drapée dans sa dignité froissée, je n'ai pas bougé. Elle a crié à nouveau mon nom à deux reprises, j'ai prié pour qu'elle parte.
- Tu devrais t'en aller, Emmanuel, a soufflé Philippe. Tiens, prends ça et donne-le à ta sœur, quand tu la verras.
- C'est quoi ?
- L'explication de cette affaire. Toutes les lettres que j'aie en ma possession. Je veux bien les lui donner, pour qu'elle sache, mais je ne veux plus entendre parler de ça, ni me justifier. Plus jamais. Pars, maintenant.
- Pourquoi ? Je vous gêne ? ai-je répondu crânement, en le fixant dans les yeux.
- … non, a-t-il répondu après un instant. Mais ta mère semble croire que tu es en danger. Alors pars…
C'est là que j'ai repensé à ses mots étranges « Raconte à ton fils le secret de sa naissance », et mon cœur a accéléré.
- Quel danger ? Pourquoi vous seriez un danger pour moi ? ai-je murmuré alors que ma mère partait en claquant bruyamment le portail.
Il n'a pas répondu, juste baissé les yeux.
- Tu devrais rentrer chez toi, Emmanuel, a-t-il repris doucement, d'une douceur un peu douloureuse. Tout de suite.
Sans vraiment réfléchir je me suis levé et approché de lui avec une certitude absolue en moi : cet homme n'était pas le père de Mélanie mais le mien, c'était sans doute le secret des lettres, et c'était pour ça que mon cœur battait la chamade. C'était pour ça que je me sentais attiré par sa présence, comme si un lien particulier nous reliait. J'ai posé ma main sur son épaule, il tremblait.
- De quoi vous avez peur, vous ? Qu'est-ce qui est caché dans ces lettres ? Regardez-moi, s'il vous plaît. Vous avez couché avec ma mère, c'est ça ?
- Non.
- Pourquoi mentez-vous ? ai-je insisté, sûr de moi.
Il a levé les yeux vers moi, je n'oublierai jamais son soupir, ni sa réponse :
- Je ne mens pas. Je n'ai jamais couché avec ta mère, Emmanuel.
- C'est faux !
- C'est vrai. C'est avec… ton père que j'ai eu une aventure, je ne sais même pas comment ni pourquoi, a-t-il répondu en baissant les paupières, repoussant doucement ma main. Et c'est pour ça que tu dois t'en aller…
Je ne me rappelle plus exactement ce qui s'est passé après, je crois que j'ai reculé et couru jusqu'à la maison sans reprendre mon souffle, le laissant seul dans le jardin obscur, puis je me suis jeté sur mon lit, en secouant la tête comme un fou. C'est là que j'ai compris Mélanie, sa détresse, son coup de folie, son mariage impossible, et j'ai fixé les lettres comme si elles étaient ensorcelées, maudites.
Mon père et le père de Sébastien.
Un coup de massue sur la tête.
Ces fichues lettres je m'en suis débarrassé rapidement, dès le lendemain –sans les lire. Et me revoilà avec une autre lettre, toujours pour Mélanie. Une autre bombe à retardement potentielle, le sort qui s'acharne sur nos familles, à l'infini.
Je suis maudit. Ou bien c'est elle.
oOo oOo oOo
Épilogue
EMMANUEL
Le vent porte les cris des enfants, je ne quitte pas le château des yeux. J'ai préparé mon sac, j'ai l'horaire des trains mais je suis là, comme tétanisé, la lettre pour Mélanie à la main, sans savoir qu'en faire.
Je suis un imbécile.
Je me repasse en boucle la conversation d'avant-hier soir, elle m'obsède, m'empêche de penser au reste. Apprendre l'infidélité de ma mère m'avait déjà fichu un coup mais là, c'est le bouquet. Découvrir que Philippe a couché avec mon père est d'une violence incroyable, c'est un coup de poing au plexus. J'ai beau me répéter que je m'en fiche, que je n'ai jamais été attaché à mon père, c'est un bouleversement total, un ouragan intime.
Je revois mon enfance d'un autre œil, chaque évènement, chaque parole, et tout fait sens. Tout ce que j'avais pris pour argent comptant – le sacrifice de ma mère parfaite, les conquêtes féminines de mon père- s'écroule comme un mauvais décor de théâtre, tout est sans dessus dessous. C'est idiot, j'ai l'impression de m'être fait avoir, et ça me fait mal. On a joué et mis en scène cette comédie pour mes yeux d'enfants, j'ai tout gobé, sans questions.
Pour un peu je comprendrais la fuite de Mélanie, tout cela me dégoûte, ces mensonges, ces coucheries infernales. Malgré moi je reconstitue l'enchaînement des faits, la relation de ma mère avec Dominique puis son mariage avec mon père, la naissance de Mélanie puis sans doute la liaison entre lui et Philippe. Ecœurant. Je chasse les images qui me viennent, horribles. L'explication des lettres, sans doute.
Puis, si j'ai bien compris, la fuite de ma mère pour retrouver son premier amour, le fameux Dominique, et le divorce de mes parents. Une drôle d'histoire, et j'ai sans doute sauté des étapes, des rancœurs et des malentendus. Un vrai roman, qui pourrait me faire rire si ma vie n'était pas une mascarade.
En me grattant l'oreille je me demande pourquoi la liaison de mon père me choque plus que celle de ma mère, j'ai du mal à admettre que c'est par conformisme. Pourtant certains de mes amis sont gays et ça ne m'a jamais gêné, jusqu'à présent. Mais c'est autre chose quand ça vous touche intimement, je me sens sali, même si je sais que ça n'a pas de sens. En un éclair je comprends la honte dont parlait Philippe, et sans doute la cause du suicide de sa femme. Un beau gâchis, pour une affaire de cul.
…
Bon, c'est décidé je me barre, ciao la compagnie, je vais retrouver mes copains. Reprendre ma vie, oublier tout ça. Pourtant je me sens comme au bord d'un précipice, prêt à y tomber. Sans défense, fragile. Les mots, les silences et les visages d'hier soir me poursuivront longtemps, pas seulement dans mes rêves.
…
Je jette la lettre pour Mélanie à la poubelle, après avoir hésité à la déchirer. Au moins une qui ne fera de mal à personne. J'attrape mon sac et je pose la main sur la poignée mais je ne sors pas, les yeux fixés sur la poubelle. Merde.
Quelle conne, celle-là aussi.
Sur une inspiration subite je la récupère, après tout je vais m'en débarrasser, une enveloppe dans une autre enveloppe au nom de ma sœur, et hop, le tour est joué. Facile.
Sauf que je n'ai même pas leur adresse, flûte. Je savais que ce ne serait pas aussi simple. Je descends voir ma mère qui épluche rageusement des pommes de terre :
- C'est quoi l'adresse de Mel à Épernay ?
- Pourquoi, tu veux y aller ?
- Non, pour savoir, juste.
- Je ne sais plus. Je l'ai à Paris, pas ici. De toute façon ils m'énervent, tous les deux. J'en ai assez, de leurs histoires, grommelle-t-elle. Qu'ils se débrouillent tous seuls.
Je décide de battre prudemment en retraite, la lettre bien cachée dans ma poche. Comment faire ?
La solution est là, un peu plus bas dans la rue, mais je ne veux pas le revoir. Jamais. C'est impossible. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est impossible. De toute façon, j'ai mieux à faire, mes potes m'attendent, je me casse.
Après avoir tourné en rond comme un fauve en cage je me dirige pourtant vers le château, la tête vide, le cœur battant. Pourquoi j'y vais quand même ? Aucune idée. Avec un peu de chance, il ne sera pas là.
Le vent souffle fort, je pense aux personnes qui font de la voile, j'observe les mouettes, elles ont de la chance. Les touristes affluent de jour en jour, pas une seconde à perdre avant de sa baigner, eux aussi je les envie.
Je sonne, pas de bruit. Après avoir perçu un bruit de cavalcade dans les escaliers je me trouve nez à nez avec Manon :
- Ah c'est toi ? Tu veux quoi ? demande-t-elle en mâchouillant un chewing-gum et me dévisageant de la tête aux pieds.
- Sébastien n'est pas revenu par hasard ? Ou Mélanie ?
- Nan.
- Et ton père, il est là ?
- Mon père ? fait-elle en ouvrant de grands yeux. Tu rigoles ?
- Pourquoi ?
- Je l'ai pas vu depuis les vacances de Pâques, au moins. Et là il est à New York.
- Philippe ? Le médecin ?
- Ah mais ça c'est mon grand-père… T'es bête, toi. T'es comme ta sœur, affirme-t-elle d'un ton définitif.
- Oui, ça doit être ça. Je peux le voir ?
- Nan, il est en consultation. Mais c'est bientôt fini. Tu veux l'attendre ?
- Ma foi, oui, pourquoi pas ?
- Si tu veux, tu peux attendre dans la véranda, dit-elle avec un clin d'œil complice. Toi, t'as le droit.
- Merci Manon, tu es bien bonne.
La véranda est agréablement tempérée, remplie de fleurs et de plantes d'un vert éclatant, je m'assois et je me détends peu à peu, en écoutant les petits oiseaux. Je ne vois pas de cage mais il doit y en avoir une, pas loin. Au bout de plusieurs minutes le père de Sébastien vient me rejoindre, l'air fermé. Il porte toujours sa blouse, il est encore plus intimidant que d'ordinaire.
- Oui ?
- Je… je suis désolé de vous déranger, je voudrais juste l'adresse de Sébastien et Mélanie, à Épernay.
Il lève un sourcil surpris « Suivez-moi, j'ai l'adresse en haut, dans ma chambre ». Je le suis dans les escaliers, tout est calme, seul le plancher craque parfois sous nos pas. Derrière une porte entrebâillée j'aperçois une vieille dame dans un fauteuil, endormie, sans doute la grand-mère de Sébastien. Ça me fait bizarre de le suivre ainsi dans le couloir, sans que je sache vraiment pourquoi. Je le vois d'un autre œil aujourd'hui, mais lui reste impassible, comme s'il ne m'avait rien révélé. Le médecin froid et distant.
- Voilà, dit-il en me tendant un bout de papier. Je ne vous raccompagne pas, il suffit de descendre les escaliers. Bonne journée.
- Merci.
- Au revoir, dit-il en voyant que je ne bouge pas.
- Je… Et c'est tout ? dis-je presque malgré moi, sans bouger.
- Oui, c'est tout. Vous savez tout, maintenant, Emmanuel. Je suis désolé que vous ayez été mêlé à tout ça et j'espère que vous vous en remettrez, mais je ne compte pas me justifier sur le passé. Je vous souhaite une bonne journée, et de bonnes vacances avec vos amis.
Il me tend la main, que je ne lâche pas. Je ne veux pas partir, c'est idiot. Pourtant je sais déjà tout, je n'ai plus qu'à prendre mon train. Il ne bouge pas non plus, je perçois dans ses yeux comme un vacillement, une défaillance avant qu'il ne retire lentement ses doigts de ma main :
- Alors, vous allez pêcher avec vos amis ? demande-t-il plus doucement.
« Je ne crois pas, non » dis-je en le fixant droit dans les yeux, cœur battant. Un rayon de soleil frôle sa joue, j'y lis l'esquisse d'un sourire.
oOo oOo oOo
MELANIE
Je fixe les billets pour Venise avec une espèce de mélancolie, oui, j'ai envie de partir avec Sébastien en voyage de noces, et pourtant…
Les bulles du nectar local pétillent dans mon verre, je suis heureuse de retrouver notre petit appartement sous les toits d'Épernay, d'où j'aperçois la tour Castellane, et pourtant…
Tout est parfait, il fait beau, je suis lovée sur le canapé contre mon mari, mon père a repris des billets d'avion et des réservations dans le meilleur hôtel de Venise –frime, quand tu nous tiens- et pourtant…
- Tu rêves, Mélanie ?
- Hum, pardon ?
- Tu rêves ? Tu fantasmes à propos de notre futur voyage hein ? Je parie que tu t'imagines déjà sur une gondole, à mater les beaux italiens ?
- Quoi ? Mais je suis une femme mariée, moi, je ne regarde plus personne.
- J'espère bien, dit-il en m'embrassant sur l'épaule, dans l'échancrure de la robe.
Machinalement je remonte la bretelle et je couvre mon épaule, il fronce les sourcils :
- Ça ne va pas ?
- Si, si. Très bien. Et si on allait au cinéma ?
- Maintenant ? J'avais prévu une petite soirée en amoureux, avec cette bonne bouteille…
« Oui, mais il y a un film que je voudrais voir avant de partir, parce que sinon il ne sera plus à l'affiche quand on reviendra » j'improvise en me levant d'un bond. Je m'en veux d'être comme ça, un peu lointaine et de le faire souffrir mais je n'arrive pas à oublier cette lettre reçue ce matin, au courrier. Une lettre émanant du domaine Delmas. Je pense à ma mère qui avait fui là après avoir découvert la tromperie de mon père, et je me dis que le monde est petit. Trop petit.
- Il est à quelle heure ? demande Seb en soupirant.
- Qui ?
- Ben, ton film !
- Ah… A 20h, on a tout juste le temps d'y aller.
Je cours jusqu'à la salle de bain pour me recoiffer, il remet la bouteille de champagne au frigo, morose. Nos regards se croisent brièvement dans le miroir, je détourne les yeux. Je n'ai aucune idée du film qu'on va voir ni des séances, j'ai besoin de sortir, me changer les idées. Nous marchons main dans la main, mon alliance me gêne un peu tellement il me serre fort, les reflets des néons scintillent dan les flaques.
Il n'y a plus qu'un petit cinéma au coin de la rue, avec quatre salles, j'espère qu'un film correspondra à mes goûts. Plus ou moins. En un quart de seconde je me décide pour un film policier français au titre hermétique.
- T'aimes les policiers maintenant ? demande Seb, sceptique.
- Il paraît que c'est très particulier, un peu avant-gardiste, tu verras.
- Ça promet, marmonne-t-il en sortant son portefeuille, dépité.
Dès les bandes annonces mon cerveau s'envole, je me remémore la lettre reçue ce matin dont chaque mot est gravé dans ma mémoire. Pathétique.
Je m'y attendais d'autant moins que c'était l'écriture de mon frère, sur l'enveloppe – je ne savais même pas qu'il avait mon adresse – avec une autre enveloppe à l'intérieur, à mon nom. Emmanuel avait gribouillé au crayon de papier dessus « Je l'ai reçue pour toi, je décline toute responsabilité. »
J'ai presque eu peur, au début. Encore une de ces lettres infernales entre mon père et celui de Sébastien, une de plus – une histoire à pleurer. Mais les premières lignes m'ont détrompée, et là j'ai vraiment eu peur.
Mélanie – mon Amélie,
Je ne pense à toi que sous ce prénom-là, pour moi tu es et restes Amélie, petit chaton écorché recueilli un dimanche après-midi, déposé par un bus, sur une route poussiéreuse. Un cadeau du hasard, ou un coup du sort. J'ai tout de suite su en te voyant que tu me m'attirerais que des ennuis, tu étais trop belle pour être innocente, et trop démunie. Tes mensonges étaient inscrits sur ton visage, je n'y ai vu que du feu. Mais je crois au destin, donc je n'ai pas lutté, pas un instant. Et comme je crois au destin je t'écris en désespoir de cause, des mots insensés que tu comprendras, comme dans la chanson de Brel.
Je sais que tu es mariée à mon cousin, jeune mariée de surcroît, je sais que je n'ai aucune chance, et que je ne devrais même pas t'écrire. C'est ce que je me répète tous les jours depuis ton départ, en litanie, sauf que je n'y crois pas, sauf que je n'arrête pas d'espérer, parce que tu n'es pas heureuse.
Tu dois me trouver horriblement présomptueux de prétendre cela mais j'ai senti ton malaise, tes doutes, tes émois. Si j'étais un mauvais auteur j'écrirais que j'ai lu en toi comme dans un livre ouvert, moi qui reste parfaitement indifférent aux autres d'ordinaire. Je ne sais pas qui ou quoi j'ai reconnu en toi, mais je ne peux plus vivre sans toi. Je viens de rompre avec ma fiancée, je ne pouvais plus lui mentir. Ton image me poursuit partout, et le son de ta voix. Je repense aux instants passés ensemble, c'est une vie pour moi, une autre vie. Ma vie. Celle que je veux pour moi, pour toi, pour nous.
Je ne te dirai pas de mots définitifs, je n'ai rien à te proposer de mieux que Sébastien, je perds sans doute mon temps. Mais s'il y a la moindre chance que tu te sois trompée de cousin, la moindre chance que tu envisages une vie ici ou ailleurs avec moi, je viendrai. Je quitterai tout pour toi, je suis fou je le sais mais je ne veux pas laisser passer cette chance. Impossible, je ne me le pardonnerai jamais.
Voilà, excuse cette lettre ridicule. Mets-la sur le compte d'un coup de soleil si elle ne te convient pas, ou donne-moi un espoir, en y répondant.
Je ne vis que pour toi, pardonne-moi.
Louis
Les lumières se rallument, je n'ai rien suivi du film, je me demande s'il y aura un beau papier à lettres, dans la chambre de l'hôtel, à Venise.
FIN
Une surprise cette liaison homosexuelle, mais par contre j'espérais ce nouvel amour pour Amélie/Mélanie : Louis, et j'en suis ravie. J'ai lu ton texte à toute vitesse tellement j'avais hâte de découvrir la vérité. Superbe histoire vraiment, Bravo Nathalie !
· Il y a environ 8 ans ·Dommage pour Seb. bien sûr. Il y a souvent un perdant dans les histoires d'amour.
Louve
Merci d'avoir aimé mon histoire, ça me touche beaucoup ! C'est vrai que c'est dommage pour Seb, mais je ne voulais pas écrire un texte trop politiquement correct. merci encore pour ta gentillesse !
· Il y a environ 8 ans ·Nathalie Bleger
Il fallait que ce soit un des deux, de toute façon, et c'est comme cela aussi dans la vraie vie...et la vie n'est pas toujours tendre ! Merci pour ton talent Nathalie !
· Il y a environ 8 ans ·Louve
Absolument !! Merci à toi, et bravo pour tes textes aussi, ils sont excellents.
· Il y a environ 8 ans ·Nathalie Bleger