Love letters 9
Nathalie Bleger
SEBASTIEN
Jane B
« Jane B » est une adaptation d'un morceau de Chopin par Gainsbourg, avec un texte que j'adore pour sa simplicité et son réalisme froid, chanté par Jane B, of course…
Quand ce genre de choses vous arrive, on est toujours pris de court. Je suis resté longtemps les yeux dans le vague, à regarder la mer, avant de me décider à bouger. Elle va forcément revenir, elle fait juste une course (un dimanche ?), nous allons en rire tout à l'heure. Il ne peut pas se passer quelque chose, pas aujourd'hui, il fait trop beau, pas le lendemain de notre mariage. Ou alors c'est une blague de mes potes, bon Dieu, qu'est-ce qu'elle m'a dit, cette nuit ? De quoi elle a essayé de me parler, quand j'étais dans un état semi comateux ?
Je repasse dans mon cerveau douloureux les événements de la veille, les déclarations de ma grand-mère, est-ce que la vérité est si terrible que… ? Non, non ce n'est pas possible.
Je cours jusque chez moi, quelques rues plus loin, Manon joue dans le jardin avec ses copines, les volets de Louise sont clos, je monte en trombe chez mon père, installé à son bureau :
- Est-ce que tu sais où est Mélanie ?
- Moi ? Pourquoi est-ce que je saurais ça ? dit-il en se retournant à peine.
- Elle a disparu. Et après ce qui s'est passé hier, je pense que ça un lien avec toi.
- Moi ? Mais tu es complètement fou, dit-il en redressant le menton et en me fixant froidement.
Je le connais, cet air glacial, c'est celui avec lequel il m'a fait toujours fait taire dans mon enfance, celui avec lequel il a toujours maté les autres, mais aujourd'hui je ne me laisse pas faire. Je ne suis plus un enfant, oh non.
- Non, je ne suis pas fou. Je sais que tu me caches quelque chose, Mélanie le savait aussi, mais elle n'a pas eu le temps de me le dire.
- C'est faux. Sors de ma chambre !
- Non. C'est vrai. J'ai très bien entendu ce qu'a dit Mamie, hier.
- Elle perd la tête, tu le sais parfaitement.
- Oui, elle perd la tête pour ce qui se passe actuellement, mais elle se souvient parfaitement du passé, comme toujours dans ce type de maladie. C'est toi qui me l'as dit.
- Sébastien, ce sont de vieilles histoires sans intérêt, ça n'a rien à voir avec la disparition de Mélanie. Tu as appelé la police ?
- Non, pas encore. Je veux d'abord que tu me racontes toi ce qui s'est passé, je ne veux pas l'apprendre par la police. Pourquoi Mamie a-t-elle dit que tu ne pouvais pas épouser Marie, hier, quand elle nous a confondus ?
Je me plante en face de lui, les poings sur les hanches, il ne lève pas les yeux sur moi. Soudain il a l'air fatigué, sa lèvre inférieure tremble légèrement, j'approche de la vérité.
- Je t'assure que ça n'a aucun lien avec toi et Mélanie.
- Je m'en fiche, dis quand même.
Mon père se tourne vers la fenêtre, comme pour y chercher une explication, ou un souvenir :
- Je suppose que ça a un lien avec notre enfance… Quand nous étions jeunes Marie est longtemps sortie avec mon frère aîné, Dominique, ça a beaucoup fait jaser à l'époque, surtout qu'elle l'a quitté brusquement. Alors hier, Mamie a cru que Mélanie –qu'elle a prise pour Marie - voulait se marier avec moi après avoir quitté Dominique et ça l'a choquée. Tu comprends ?
- Et c'est tout ?
- C'est tout ? C'est déjà beaucoup, pour elle, je t'assure.
- C'est juste une histoire de jalousie entre toi, Marie et Dominique ? D'ailleurs pourquoi mes oncles ne sont-ils pas venus au mariage ?
D'un coup un pli amer apparaît à nouveau sur ses lèvres, son regard se durcit :
- Si tu t'étais marié à l'église on les aurait fait venir, mais là…
- Notre mariage n'était pas assez bien pour eux, c'est ça ? Je ne te crois pas, papa. Je ne crois pas à cette histoire de confusion avec mon oncle. Tu as tout de suite détesté Mélanie, dès que tu as su qui elle était. Il y a autre chose, et tu vas me le dire…
- Non, dit-il en se levant et en quittant la pièce. Je suis désolé, il n'y a rien d'autre.
Je me retrouve seul au milieu de la pièce, je n'en sais pas beaucoup plus et je sens que je n'apprendrai rien du côté de ma grand-mère. Une nouvelle vague d'angoisse me submerge, je regarde à nouveau mon portable, pas de nouveau message.
En dégringolant les escaliers j'essaie d'analyser ce que mon père vient de me révéler. Et si Marie, la mère de Mel, était effectivement sortie avec mon père ? Ça pourrait expliquer la haine entre les deux familles, et les tensions entre eux. Mais ça n'explique pas le départ de Mélanie…
Après être repassé à l'hôtel et avoir interrogé le personnel, mi-surpris mi-goguenard, je décide d'aller voir Marie, ma belle-mère. Après tout les femmes retournent souvent chez leurs mères, pas vrai ?
Tout semble calme dans la petite villa, les volets des chambres sont fermés mais il me semble apercevoir une silhouette à travers les rideaux de la cuisine. A bout de souffle je sonne à la porte, Marie apparaît dans l'encadrement, surprise :
- Sébastien ? Tu es tout seul ?
- Mélanie n'est pas là ?
- Mais non. Vous deviez seulement passer ce soir avant de partir à Venise, non ?
Merde. Le voyage à Venise. Je l'avais oublié. En plus c'est elle qui a les billets, mais de toute façon comment partir sans elle ?
- Mel a… disparu, dis-je piteusement.
- Quoi ? Tu plaisantes ? Depuis quand ?
- Ce matin elle n'était pas là quand je me suis levé, depuis je n'ai pas de nouvelles.
- Mais vous vous êtes disputés ?
- Non, pas du tout !
- Elle a emporté ses affaires ?
- Non, je ne crois pas, non. Merde, il va être midi, il faut libérer la chambre. Je… je peux amener nos affaires chez vous ?
- Oui, bien sûr. Tu veux de l'aide ?
- Je vais prendre un taxi. La voiture de votre mari n'est plus là, il est parti ?
- Je suppose, oui. Je ne sais pas. Je ne l'ai pas entendu.
- Vous pensez que… Mel aurait pu partir avec lui ?
- Franchement non, dit-elle après un temps d'hésitation. Ils n'ont jamais été proches. Je n'ai pas le portable de Julien, je vais interroger Emmanuel. Entre, en attendant…
Je jette un coup d'œil dans la cuisine et le salon, au cas où, mais je ne trouve pas de trace de ma femme. Ma femme, épousée hier et déjà partie. Sous le coup de l'émotion je me laisse tomber sur le canapé, épuisé. Tout est propre et bien rangé, nous avions tout bien nettoyé, juste avant. Juste avant. Tant pis pour la chambre d'hôtel, je n'ai plus envie de courir, c'est trop. Je rappelle Mel machinalement, les doigts crispés sur le téléphone. Rien. Personne.
Emmanuel apparaît en pyjama, les cheveux en pétard, l'oreille collée au portable :
- Non, papa, elle n'a pas laissé de mot. Oui, je te tiens au courant. Bon, qu'est-ce qu'on fait, on appelle la police ? nous demande-t-il après avoir raccroché. C'est un peu tôt, non ? Et puis elle est majeure…
- Mon dieu, c'est pas possible, souffle Marie livide. Où est-ce qu'elle est ? Qu'est-ce qu'on va faire ?
On se regarde tous les trois, désemparés, cherchant une explication plausible à une situation absurde.
- Elle disparaît, parfois ? interroge Emmanuel en me fixant.
- Non, jamais. C'est pas du tout son genre. J'y comprends rien. Rien.
- Bon, je vais m'habiller et on va fouiller la chambre et les environs. Elle ne doit pas être bien loin, reprend son frère en se levant. Attendez-moi, j'arrive.
Nous partons pour l'hôtel, désorientés, je n'ose demander des comptes à Marie en présence de son fils, il faudrait que je la voie seul à seule, et encore, je ne suis pas sûr d'arriver à mes fins. La réception nous accueille avec une franche hostilité, nous reprochant l'heure tardive de libération de la chambre et prenant à la légère notre angoisse, pourtant visible. Nous rangeons les affaires à la va-vite, j'ai un peu honte de tout ramasser, nos sous vêtements sales et abandonnés ça et là, le bouquet du mariage qui part à la poubelle, je me sens presque fautif, comme un mauvais mari.
Je jette un coup d'œil à la plage, en face, serait-il possible que… ? Non, bien sûr que non. Marie et Emmanuel interrogent à nouveau le personnel, je préfère me tenir à distance, fixant avec insistance la mer, au loin. Tout est rapidement bouclé et nous retournons dans la petite maison, j'ai un sentiment d'irréalité qui m'étreint, je dois être en train de rêver, il n'y a pas d'autre explication.
Nous nous installons à la cuisine, déconfits. Tout en faisant du café Marie me pose quelques questions gênées sur la nuit de noces, je prends sur moi de répondre calmement, non, il ne s'est rien passé de particulier, oui, tout allait bien de ce côté-là. La menace de recourir à la police nous effraie tous, la culpabilité flotte au-dessus de nos têtes, immatérielle mais bien présente. Je me demande combien de temps je vais tenir sans exploser et crier : « Mais pourquoi vous ne me dites pas ce qui s'est passé, exactement, dans votre jeunesse ? C'est votre fille, non ? Qu'est-ce qu'elle paie ? Qu'est-ce qu'on paie ? »
Emmanuel reçoit un appel et sort de la pièce, j'en profite rapidement :
- J'ai une question à vous poser, c'est un peu délicat…
- Oui ?
- J'ai l'impression que… que Mélanie me cachait quelque chose, quelque chose qui avait un rapport avec votre passé, et avec ma famille. Elle n'a pas eu le temps de m'en parler, mais vous, vous pourriez me dire ?
- Comment ? Je ne comprends pas du tout ce que tu dis, répond-elle en se raidissant.
- Si, bien sûr. Je vous en prie, dites-moi tout, j'ai besoin de savoir, sinon je vais devenir fou. Ça peut me donner une indication pour la retrouver… S'il vous plaît.
Elle parait fragile soudain, plus jeune qu'avant. Les yeux fixés sur ses mains qu'elle tord, elle murmure « Le passé n'a rien à voir là dedans, Sébastien. Le passé est le passé, ça ne vous concerne pas ». Je me retiens de me lever et de la secouer, je respire un grand coup pour garder mon calme, puis je pose ma main sur son bras :
- Le passé a forcément un lien avec ce qui se passe. Vous avez vu la réaction de ma grand-mère, hier ? D'accord, elle n'a plus toute sa tête mais elle se souvient parfaitement du passé. Je ne peux pas croire que ça n'ait pas eu d'influence sur Mélanie. Dites-moi ce qui est arrivé, faites-moi confiance.
- C'est si loin, Sébastien, dit-elle au bord des larmes.
- Oui, je sais.
Elle se tait à nouveau, se mordillant la lèvre, il me semble entendre son combat intérieur, elle ne trouve pas les mots. Toutes les minutes je recompose le numéro de Mel sans même regarder mon portable, c'est devenu un réflexe. Emmanuel ne va pas tarder à revenir, je me lance à l'eau :
- Vous… vous avez eu une liaison avec mon père, c'est ça ?
- Qui t'a raconté ça ?
- Mon père, dis-je pour simplifier.
- Quoi ? Tu plaisantes ? Mais pourquoi est-ce qu'il t'a dit ça ?
- Mais…
- C'est faux.
Emmanuel entre à nouveau dans la pièce, je me tais devant le regard d'avertissement de ma belle-mère, il nous fixe tour à tour, surpris :
- Vous en faites une tête ! Il y a du nouveau ?
- Non, non.
- Je vous gêne ? Je peux sortir si vous voulez.
- C'est inutile, Emmanuel, déclare Marie d'un ton ferme. Il n'y a rien à dire de plus. N'est-ce pas Sébastien ?
Je voudrais rester, tirer cette affaire au clair mais elle s'est redressée et rembrunie, sa bouche est close, je reconnais le pli amer des lèvres de mon père, parfois. Je n'en saurai pas plus. Pas aujourd'hui.
- Je… je vais retourner chez moi, je crois. Appelez-moi si vous avez du neuf. Surtout vous, Marie, si vous vous souvenez de quelque chose…
- Je… d'accord, fait-elle en soupirant. J'y réfléchirai.
Je me lève et m'éloigne avec réticence, complètement perdu. J'étais si proche de la vérité, cette fois, et pourtant… Avant de sortir je me retourne une dernière fois vers Marie : « J'espère que vous savez ce que vous faites. J'espère que vous ne le regretterez pas. » Un frisson la secoue, elle me ferait presque pitié. Elle frotte furieusement la table avec son éponge, essayant d'effacer je ne sais quelle tache imaginaire, je referme la porte sur cette image.
Arrivés à la porte d'entrée Emmanuel me tape doucement dans le dos, plein de sollicitude :
- Tiens au fait, il y avait ça collé sous la valise, me dit-il en me tendant une lettre froissée, un peu gêné.
Je la déplie mais ce n'est pas l'écriture de Mélanie, c'est une écriture qui m'est vaguement familière, visiblement c'est une lettre d'amour, mon cœur s'accélère. Je lève les yeux sur Emmanuel mais il les garde obstinément baissés, sans doute il a déjà tout lu, il sait.
- Je… je… Merci.
Je ne trouve pas les mots, je fourre la lettre dans ma poche, je la lirai tout à l'heure, chez moi. Je m'enfuis presque en en courant, tout cela est un cauchemar. Un vrai cauchemar.
Sans prêter attention aux cris de joie de Manon je monte dans ma chambre d'adolescent, si rassurante. Tout est encore en place, les posters, les bouquins, les jeux. Je pourrais me réinstaller et reprendre ma vie d'ado, si un tsunami n'avait pas tout dévasté. Je me laisse tomber sur le lit, le cœur battant au maximum, les yeux rivés au vieux mobile suspendu au dessus de mon lit depuis toujours, qui carillonne au vent. La lettre est dans ma poche, bombe à retardement. Je ferme les yeux avec force pour chasser les images qui me viennent. Peut-être que si je me concentre assez fort elle disparaîtra et Mélanie reviendra, c'est juste une question de timing…
Mais la lettre est là, dans ma poche, et c'est une lettre d'amour. Je la déplie doucement, en tremblant, puis je la parcours rapidement du regard, c'est trop fort, ça fait trop mal.
…
Non, non, ce n'est pas possible. Pas Mélanie. Manon pousse des cris de joie dehors en jouant à la marelle avec ses copines, c'est un beau dimanche.
Non, non, ce n'est pas possible. C'est une farce de mes copains, forcément. Une blague débile. Ils vont surgir de derrière la porte et crier « surprise ! », Mélanie sera là, nous en rirons ensemble.
Je me rends compte que je tremble comme une feuille, sur ce lit, au point de ne plus pouvoir déchiffrer les mots pourtant simples. Un poignard s'est planté dans ma poitrine, un étau me serre la gorge, je tombe à l'infini dans un puits sans fond, je tombe, je tombe…
Les murs tanguent, le lit tangue, je suis ballotté comme en pleine mer, je vais me noyer et ce sera très bien. Je chiffonne la lettre entre mes mains, elle n'existe plus, elle n'a jamais existé et pourtant j'ai les mots gravés dans les pupilles, ils sont toujours là, des mots qui dégoulinent en lettres de sang, même quand je ferme les yeux. Surtout quand je ferme les yeux.
Ce n'est pas une lettre adressée à mon amour, ma chérie, ma Mélanie.
Et ce n'est pas l'écriture de mon père, c'est impossible, ce serait trop immonde.
A cette pensée je me lève d'un bond, je rentre comme un fou dans son bureau, il a à peine le temps de lever les yeux sur moi que je lui flanque un coup de poing, le faisant saigner à la lèvre.
- Mais t'es malade, Sébastien ! Qu'est-ce qui te prend ?
- Ce qui me prend ? Tu baises ma femme et tu demandes ce qui me prend ?
- Quoi ?
- Ça fait longtemps que vous couchez ensemble ? Depuis le début je parie. Il te les faut toutes, hein ? Il n'y en a pas une qui te résiste ! T'es un belle ordure, sous tes airs de curé.
- Je ne comprends rien à ce que tu dis, maugrée-t-il en s'essuyant la lèvre du rebord de son costume. Tu es devenu complètement fou…
- Ben voyons. Prends-moi pour un idiot, en plus. T'as dû bien te marrer, hier à la mairie. Ton petit con de fils qui épouse ta chérie, ça dû te plaire, hein ? Vous vous voyez quand, où ? A Paris ? Ici ?
Je tourne en rond autour de lui, il me regarde éberlué, à moitié sonné. Il se lève difficilement, le sang coule sur sa belle chemise blanche et son costume gris, je m'en fiche. Une boule de rage brûle dans mon estomac, d'un revers de main je fais tout valser sur son bureau, les livres, les résultats d'analyses, le beau stylo Mont Blanc, tout tombe dans un fracas effrayant, ça me fait du bien.
- Et elle est où, maintenant ? Où tu la caches ? C'est quoi le plan ?
- Arrête maintenant, fait-il en m'attrapant douloureusement par le bras. Calme-toi. C'est quoi ces histoires ? Pourquoi veux-tu que je couche avec ta copine ?
- A cause de ça ! dis-je en lui mettant la lettre sous le nez.
Il fronce les sourcils, la reconnaît puis me lâche et recule d'un pas, blême :
- Où est-ce que tu as trouvé ça ?
- Sous la valise de Mélanie. C'est à cause de ça qu'elle est partie, de ce torchon ! Et ne dis pas que ce n'est pas toi qui l'as écrite, je reconnais ton écriture…
Mon père titube et retombe sur sa chaise, sidéré :
- D'où ça vient ?
- Je te l'ai dit, bordel !
- Non, non. Ce n'est pas possible. Cette lettre est… enfin elle n'était pas adressée à Mélanie. Crois-moi je t'en supplie, cette lettre est ancienne, elle n'était pas adressée à Mélanie.
- Je ne te crois pas ! ! Tu mens, comme d'habitude. C'est pour ça que tu ne voulais pas qu'on se marie, hein ? Salaud !
- Sébastien, je te jure que cette lettre n'est pas pour Mélanie.
Son ton froid et son assurance sèment le doute en moi, je demande :
- Mais pourquoi elle l'aurait eue, alors ?
- Je ne sais pas. C'est une vieille lettre, je ne comprends pas d'où elle vient.
- Et elle était adressée à qui ?
Il secoue la tête, visage fermé, et se retourne vers la fenêtre :
- Je suis désolé, c'est ma vie privée.
- Tu plaisantes, avec ce qui se passe tu oses me dire que c'est ta vie privée ? Mais c'est ma femme qui a disparu !
- Ça n'a rien à voir avec ça, je t'assure… Rien du tout.
- Tu parles ! C'est donc bien vrai, hein ? Tu as couché avec la mère de Mélanie ? Tu me dégoûtes. Cette lettre écœurante, quand je pense que tu me faisais la morale ! Et tout ce cinéma autour de la mort de ma mère...
- Sébastien, calme–toi. Ce n'est pas ce que tu crois. Je te jure.
- Alors dis-moi… Tu écrivais à qui ?
- Je ne peux rien dire, je suis désolé, dit-il d'un ton définitif. Mais ça rien à voir avec ton mariage. Rien. C'est un malentendu.
- Tu me dégoûtes, papa.
Et je sors en claquant la porte, écœuré.
oOo oOo oOo
MELANIE
Mon amour, ma vie, mon sang, ma chair…
Je ne vis plus sans toi, je n'ai plus de vie, plus d'espoir, plus rien.
J'ai passé la nuit à me souvenir de toi, de nous, après avoir reçu ta lettre. Je la connais par cœur tu sais, chaque, mot, chaque virgule, chaque pensée, chaque intention. J'ai deviné chacune de tes pensées, tout ce que tu me caches mais que je comprends, derrière l'encre. J'ai passé la nuit à revivre notre aventure, minute après minute, tes hésitations, ton abandon, ma folie, il reste le soupçon de l'odeur de ta peau sur ce pull bleu que tu portais à même la peau, cet été. Un merveilleux été, et je ne le savais pas.
Tu sais, je comprends ta gêne, ton besoin de t'éloigner, je comprends que l'arrivée du bébé te force à te recentrer sur ta vie, ton couple, même s'il n'est que simulacre. Ta vie dont je ne ferai jamais partie, plus jamais. Bien sûr que c'est de la folie de rêver au passé quand une nouvelle vie s'offre à toi, tu dois vivre pour toi, ta famille, le bébé qui va arriver. Aime le, comme je t'aime, moi.
Je ne suis rien, je ne serai jamais rien, je le sais.
Je te souhaite beaucoup de bonheur mon amour, tout le bonheur du monde…
Je vais essayer de t'oublier, de vous oublier, même si j'en crève.
Une pierre vient de me tomber sur la poitrine, d'un coup.
Ce bébé, c'était moi, c'est sûr.
Et si… ? Non, non, ce n'est pas possible. Pas du tout. Jamais. Non…
Je me lève et cours vers la porte, le jardin, la rue, les pins et les cyprès passent à toute allure, je ne trouve plus mon souffle mais je ne peux pas m'arrêter, c'est impossible. Impossible. Sébastien dort encore dans notre chambre nuptiale mais je ne peux rien lui dire. Comment lui raconter ça ? Comment expliquer que je me suis tue si longtemps ? Cette histoire me pèse depuis des mois mais jamais je n'aurais pu imaginer que…
Je dépasse le carrefour, je coupe à travers les dunes et mes pieds s'enfoncent dans le sable, au jour tombant. Je cours pour oublier de réfléchir, de compter, je cours pour fuir, sauver ma peau, ma santé mentale. Je me tords les chevilles dans le sable humide, ma respiration est si forte qu'elle résonne à mes oreilles, mes mollets brûlent, une vague de douleur me transperce, je tombe à genoux devant la mer, je voudrais redevenir un poisson, une amibe, une bactérie, rien…
A suivre…
BISOUS A TOUS
C'est bien ce que je pense depuis le début ...je ne vais pas le dévoiler pour les futurs lecteurs. Bravo, Nathalie, je suis avec un très grand intérêt tellement c'est passionnant !!
· Il y a plus de 8 ans ·Louve
Hé hé ! Tu es futée, dis donc... Bravo et merci pour ta fidélité !!
· Il y a plus de 8 ans ·Nathalie Bleger