Love sucks

Jerry Milan

J'étais en train de rouler peinard dans ma Blazer automatique en direction des montagnes pour aller ramasser quelques champignons, cèpes et girolles. Le vieux poste à cassettes de la Chevrolet crachait du garage rock de Doctor Feelgood dans un épais nuage de fumée se dégageant de mon cendrier plein à ras bord, dans lequel j'ai cru écraser ma dernière clope. Elle a mis le feu aux surplus de mégots.
''Il faut que je pense à le vider un jour, avant que tout crame'', pensais-je en ouvrant toutes les fenêtres et en balançant une giclée d'eau d'une mini-bouteille que j'avais toujours dans le porte-godets à porté de ma main.
''Back to the night'' s'époumonait Lee Brilleaux...le seul et unique. Ca faisait un moment déjà qu'il était parti du coté obscur de la nuit rejoindre d'autres légendes du rock. Lui, n'en faisait pas partie, alors qu'il l'aurait mérité bien plus que d'autres, à mon avis. Le crabe l'a réduit au silence pour l'éternité et a coupé le souffle de son harmonica magique. Il y a des destins comme ça. En ce moment, c'est son pote des débuts, Wilko Johnson qui, en phase terminale, a pris l'option d'aller jusqu'au bout tout en se produisant sur scène ignorant la maladie tant qu'il tenait débout et arrivait a frapper les cordes de sa Telecaster. Les deux membres fondateurs pour qui le Docteur Feelgood n'a pas pu grand chose...
Ce qui étai drôle, c'est que juste avant d'avoir poussé la cassette dans le poste, le temps de fouiller dans la boite de l'accoudoir central à le recherche d'un groupe à écouter, je suis tombé sur une émission de radio, je ne sais plus laquelle, où un certain Mathieu Ricard était en train de parler de la mort et du passage dans l'au-delà ou dans une autre vie. Du coup, j'ai écouté un moment. C'était intéressant, mais je ne croyais pas un instant à ces conneries. Ils citaient un type, un docteur je crois, qui, soi-disant, a été déclaré mort cliniquement et puis est revenu à lui tout en étant conscient de tout ce qui se passait pendant et autour. J'avais lu des expériences de ce genre, en particulier une, dans laquelle, un inconscient, un toubib aussi, c'est injecté une dose de curare et a confié une pompe avec du sérum anti-poison à un collègue à lui, pour qu'il le pique dès qu'il le croit en train de se barrer.
Primo, il faut être complètement con pour faire confiance à un collègue dans des circonstances pareilles et secundo, il faut être encore plus con pour avoir envie de tenter une telle expérience. Ca me botterait bien, le curare, le jour ou je décide de faire un pied de nez à la vie, mais ça me ferait bien chier qu'un connard m'en empêche au dernier moment. C'est pour ça que j'ai toujours eu une préférence pour l'acier trempé d'un calibre 45 crachant des balles à la vitesse de 380 mètres/seconde. Puis, on n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Enfin, tout ça pour tenter une expérience et ensuite la raconter dans un bouquin et dans le poste ?
J'ai vécu ces états à plusieurs reprises, la première fois, lors d'un coma éthylique quand j'avais dix huit ans et, ensuite, en me faisant souffler la poudre de perlimpinpin dans le nez par un chaman au fin fond de la jungle amazonienne, puis en échappant plus tard à deux belles overdoses de came , une chute d'un DC8 et un accident de bécane. Je ne me rappelle plus du tout d'avoir eu ce genre des ressentis comme les racontait Ricard pendant l'émission. Sauf, avec cette fameuse poudre de perlimpinpin, mais là, il n'était pas question de mort physique, mais d'un état de mort psychique. Ricard... avec un nom pareil, le mec a bien le droit à un coma.
''I jump into the late bus'' chanta Lee...
En tous cas, quand on est mort, on l'est bien et définitivement. C'est ce que je crois personnellement. La mort est un état définitif et même si quelques chanceux dont je fais partie en sont revenus par le plus grand hasard et concours de circonstances, le jour, où on a poussé le cercueil de mon paternel dans les flammes et qu'on a remis ses cendres à ma mère, il n'est jamais revenu lui rouler une pelle depuis, à ce que je sache. Même si tout les soirs, avant d'aller se coucher elle passe par sa chambre pour souhaiter une bonne nuit à son urne et pour lui parler de sa journée, lui, il ne lui raconte jamais la sienne.
Il ne m'a jamais conté non plus le tunnel de lumière, le flash, l'accélération et l'élévation de l'âme au dessus du corps et tout ce bourrier. Encore, l'âme qui quitte le corps au dernier soupir, ça à la limite, je pourrais l'admettre si on peut la matérialiser dans un nuage de gaz ou l'embrun d'un dernier souffle, mais un corps dont on a transformé la matière, là, j'ai du mal.
J'aurais voulu savoir ce que le mec aurait raconté si jamais son pote avait oublié de lui injecter le sérum ou qu'il aurait brulé son corps sur un bûcher. Demandez donc à Jeanne d'Arc ce qu'elle pense de son coup de chaleur...
Tout ça c'est des conneries philosophiques pour éviter à l'homme d'avoir peur de la mort et de l'accepter plus facilement. Comme toutes les religions sont l'opium du peuple et, le rempart contre la peur et les phénomènes inexplicables par l'homme, la philosophie de l'au-delà et de l'incarnation fait partie d'une association des malfaiteurs avec la faucheuse. Quand elle vous tombe dessus par surprise en forme d'un avion qui se crache en quelques secondes ou d'une bagnole qui s'en prend une autre de face en pleine poire, je suis persuadé qu'on a pas trop le temps de réfléchir à ce qu'il vous arrive. Alors un tunnel de lumière ou un flashback dans lequel on voit défiler toute sa vie en quelques centièmes de seconde... Quoique. Quand j'ai eu mon coma éthylique, j'étais trop bourré et trop mal pour me rappeler autre chose que le goût âcre du vomi et lors des overdoses, c'est le flash qu'était fameux, après, je ne me rappelle de rien. Quand je suis passé sous la bagnole, j'étais conscient un moment avant de tomber dans le coma et je n'avais rien senti. Aucune douleur. Je ne pouvais juste pas me relever, alors que j'en avais envie. Par contre, lors des soufflettes du chaman ou la prise des champignons, du peyotl ou d'acides divers, selon l'état dans lequel on se trouve ou selon le chemin sur lequel on vous dirige en vous assistant dans votre délire et le contrôle de vos émotions, l'expérience peut être tout à fait intéressante, concluante et extraordinaire. Le conscient et l'inconscient se mélangent de telle manière, qu'il arrive un moment où on ne sait plus de quelle coté on se trouve. Tout peux basculer d'une manière définitive et je connais des personnes qui sont resté à jamais collés par des psychotropes du coté de la folie permanente. Donc déclarés morts d'une certaine manière.
La mort, a frappé maintes fois à ma porte, mais n'a jamais réussi à l'enfoncer. Mais j'y ai laissé quelques plumes, c'est certain. C'est pour cela que les philosophies bouddhistes d'un Mathieu Ricard me parlent, finalement. Ainsi que la sérénité d'un temple sur les bords du Chao Phraya à Bangkok. C'est peut-être de ça dont on a besoin à un moment ou un autre de la vie ou au moment précis, lorsqu'on y retourne. Je me rappellerais toujours de cette magnifique lourde paire des nichons bien ronds et pleins qui se sont penchés sur moi au moment où j'ai ouvert mes yeux pile dessus, sur mon lit de l'hôpital, au retour du coma. Ca vous donne envie de revivre et ça vous donne aussi envie de mourir quand on les a perdu. Les bonheurs sont souvent de courte durée et les jouissances sont juste associés à une libération instantanée de dopamine ou des endorphines lors d'orgasmes, de flashes ou de la peur lâchant une décharge d'adrénaline. Ces drogues produites par nôtre propre organisme sont aussi capables de nous tuer instantanément ou d'une mort lente. Je suis en état de survie depuis des mois à cause de ce que mon corps à fabriqué comme produits toxiques lors de mon dernier stress amoureux. Dirigé par mon cerveau à la limite de la folie, de l'obsession, du breakdown, de la dépression, mon corps est devenu qu'une douleur permanente. Et même si le psychique a repris le dessus, le physique ne suit pas toujours car il y a eu beaucoup de dégâts irréparables. J'ai des rechutes comme lors d'une désintoxication. Aujourd'hui, les états amoureux me font peur car associés à peu de plaisir par rapport à la souffrance provoqué. Je ne suis pas malheureux, non, je m'adapte et surtout, je surveille mes émotions. Je les dompte dès leur apparition comme le dompteur le fait avec un félin imprévisible ou avec un serpent mortel, sentant le danger permanent d'une seconde d'inattention. J'ai un ange gardien mais aussi un escadron de diables sentant le soufre qui me suivent.
Alors que choisir ? Des paradis artificiels ou l'amour ? Amour physique et mental ou l'amour fraternel et amical ? Ne vaut-il pas mieux d'avoir une amitié forte, éternelle, dépourvue de tout sentiment amoureux, donc du rapport de force et domination permanente ? Peut-on être en amitié avec une personne du sexe opposé ? Est-ce qu'une relation installée dans la durée ne se transforme finalement pas en amour durable et vice versa ? Pour le sexe primaire dépourvu des sentiments, nous, les hommes, nous avons nos infirmières quand il y a urgence. C'est pratiquement toujours bien exécuté et avec l'application, à partir du moment où on sait réveiller la professionnelle avec le tintement de quelques pièces....
Je me posais toutes ces questions pendant que le sound-system de la Chevrolet crachait un : ''Down to the Doctors'' endiablé.
J'allais aux champignons, donc j'ai appuyé dessus...les vallées défilaient dans les reflets des rayons de soleil jouant avec les feuilles d'arbres colorés par une flamboyante palette d'automne .
J'ai allumé une Benson, bu une gorgé d'eau de ma mini-bouteille et changé la cassette dans le poste.
Un ''I Hate Myself for Loving You'' a retenti des hauts parleurs dont les membranes transmettaient les vibrations dans toute la carcasse du vieux Blazer.
''Il faut que je pense à vider le cendrier'' me disais-je tout en tapant avec mes doigts sur la bordure du volant.
J'ai toujours bien aimé Joan Jett !

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