Lueur éphémère

Je me souviendrais toujours du premier instant où mon regard s'est posé sur elle. La pluie régnait au dehors et venait doucement se poser sur les vitres de la boutique atypique au coin de ma rue, dessinant des lignes en pointillés de gouttelettes scintillantes. Elle était là, attendant patiemment dans un coin que quelqu'un vienne la cueillir. Sa beauté n'effaçait pas celles des autres, mais elle avait cet éclat singulier qui m'a attiré, intrigué. Je me suis dit que ce serait elle et pas une autre. Lorsque je m'en suis approché, j'ai pu entrevoir certains détails qui m'avaient alors échappé. Son odeur délicate faisait voyager mes sens, les couleurs qu'elle portait savaient si bien la mettre en valeur, ses formes me séduisaient. Dès lors, j'ai su qu'il me la fallait, que je la possèderais, qu'elle embellirait mon quotidien. Nous avons quitté la boutique ensemble, et j'ai parcouru les quelques mètres qui me conduisaient jusque chez moi avec une curieuse joie au fond du cœur, emporté par cette magie pétillante d'avoir été au bon endroit, au bon moment.

Nous avons vécu quelques mois ensemble. Elle a facilement trouvé sa place, c'était comme si elle avait toujours été là. Chaque jour, je souhaitais voir sa flamme renaitre, alors je portais sur elle une attention particulière. Elle n'était pas la seule à faire briller ma vie, mais elle avait ma préférence. Je faisais en sorte que les autres ne prennent pas trop de place, je ne les mélangeais pas et savait retrouver chacune d'entre elle avec un sentiment différent. Mes amis la trouvaient trop discrète, mais j'aimais cette façon qu'elle avait de se fondre dans l'espace tout en le valorisant. Lors des soirées, elle nous accompagnait et sa présence était si chaleureuse que l'ambiance s'adoucissait. Nous ne parlions que très rarement d'elle, mais elle assistait quand même à nos discussions, forcée de transparaitre. Je l'invitais surtout à nous rejoindre à la tombée de la nuit, si bien que le jour elle flottait comme une ombre délaissée. Il était alors tentant de l'oublier en attendant le moment où elle redeviendrait une compagne lumineuse.

Un matin, elle s'est consumée, lassée de mes absences et blessée par mes silences. Je l'ai regardé s'évaporer, sans rien pouvoir y faire. Je n'avais plus de ressources pour lui permettre d'étinceler, d'embaumer l'espace. Je connaissais mes tords, je n'avais pas su en prendre bien soin et elle avait fini par s'évanouir, se heurter contre les murs avant de disparaitre. J'ai rapidement songé à lui trouver une remplaçante pour réchauffer mes nuits. Elle me fut indispensable pendant un temps, sans être une flamme éternelle. Je me doutais bien que cela arriverait. J'ai jeté un œil vers la poubelle, sans trouver d'élan. J'ai toujours eu du mal à me débarrasser de ces précieuses confidentes, de ces si belles bougies.