lundi 12 janvier 2015

Emmanuelle Grangé




La stupeur

Les larmes

La peur

La pas peur

Parce qu'ailleurs

On reste d'ailleurs

Devant la supérette Hyper Cacher samedi soir on était copains comme soçons (cochons, c'est plus tard, c'est déformé, tu peux vérifier), la pluie s'était arrêtée, exit les parapluies, on était tête-à-tête, les cheveux raides raides, les cheveux bouclés encore plus bouclés, il y avait une odeur de cuisine d'ail, de raifort à la betterave, de cacahuète, de sumac, de purée de patates douces au gingembre, de poissons que je ne connais pas, d'asado, de cari, de harengs, de beurre guérandais sur les patates, d'œufs tout pourris de bien plus que ton âge tout noirs, d'anguilles frétillantes que t'as beau tronçonner elles se dandinent encore, de coriandre, d'estragon, d'aneth, etc. car t'imagines bien que devant la supérette samedi, et dimanche dans les rues d'ici et d'ailleurs, on n'avait pas qu'un seul nez dans un bouillon unique, on pensait là et ailleurs, on cherchait la blague, on avait un gros nez épaté rouge qui crachouillait là derrière le cordon de sécurité avec tout un avant, c'est sûr, avec toute l'espérance d'après à envisager, c'est pas gagné, c'est à usiner d'après là-bas, ailleurs, ici déjà.

C'est ce que j'écris, c'est imagé, ça n'engage pas on, je ne sais pas dessiner. J'habite Vincennes à quelques mètres de la supérette. Je suis née ailleurs.

Ce matin : les lycéens terminale, option théâtre, n'ont toujours pas tous leur texte Les Bacchantes d'Euripide, c'est le troisième cours – il en reste six ; sauf une jeune fille, ils semblent très fatigués, bâillent, ne font aucune proposition, s'ennuient, ils ont dû beaucoup marcher dimanche, on va dire ça.



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