Luxembourg

Catherine Manuel Lamarque

Luxembourg 

Au Luxembourg, ils ont sortis les orangers. Je ne veux plus être une biche, je veux chasser, j’ai 8 ans. 368 drapeaux rouges, maman me dit que c’est beaucoup. Je m’ennuie alors je m’invente des histoires où je suis reine. Marguerite de Navarre m’impressionne, elle est dure et méchante mais sa robe est belle. Les poissons rouges. Le plus excitant, c’est explorer le sol sous les chaises vertes, les messieurs avec leurs poches en biais laissent tomber des sous alors je les ramasse et cours m’acheter des bonbons. Le temps des rendez-vous, est-il déjà là ? Près de la fontaine. Passer derrière les cupidons sans se faire voir des gardiens. Une fois je suis tombée dans le grand bassin. Annoncer sa mort à Emmanuelle, tango. Jamais je n’ai de bateaux à pousser, c’est pour les riches. Un tour en âne ? La province est à Paris. Le tennis du Sénat, un balle, pas cher, passe-droit, chic, jouer, oui. Pari, se laisser enfermer une nuit et trouver une entrée aux catacombes. En amoureux, c’est mieux. Ne pas oser cueillir une fleur mais arracher dans un grand cri le panneau pelouse interdite. Ils arrivent par milliers. Au printemps, il y a de la musique dans les kiosques, des fanfares, du jazz, des orchestres symphoniques. Faire pipi dans les fourrés. Vite, vite, faire des bombes à eau, c’est rigolo. Je tombe, les lanières de mes patins à roulettes sont trop longs. L’odeur des citronniers est celle que je préfère. Orangeraie, parfois un joueur d’échec veut m’apprendre les règles. Pas pour moi, me disais-je, pourquoi ? Je ne veux pas retrouver les rues sans arbre, les voitures, les marches à monter. Attraper un pigeon, impossible, j’ai tout essayé même le lance-pierres, chut. 17 ans et me prendre pour Simone en lisant le deuxième sexe. Adolescence, absolu. Le monde, le Monde, je n’oublie pas le cri du marchand de journaux, je l’entends, là, maintenant, « le Monde », « le Monde », je l’entends, j’ai une jupe verte, des souliers bleus. Les marrons, ça fait mal. Les garçons sont des cons. J’ai 33 ans, mon amour est mort. Emmanuelle se tait.

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