Ma croix
hieros
Ma croix
Le prêtre m'avait dit : regarde la croix. L'homme de bois dormait tranquille au milieu des épines. Ses yeux morts fixaient le sud. J'ai suivi la route qui n'existait pas.
Au premier carrefour, je me suis arrêté. Sous ma peau s'agitait un vers qui remontait le long de mon bras. J'ai tourné ma main vers la croix dans un silence de neige.
Le feu est venu. Loin sur l'horizon rouge, sa clameur est montée comme le vers. Le feu et le vers ont avalé mon cœur.
Elle était là. Ma croix. Blanche. Christa. Et des yeux sans fond comme un océan d'étoiles bleues. Je lui ai donné ma foi, elle a pris mon cœur et les démons sont venus.
Sur la croix, j'ai eu si mal. Les clous tenaient mes poignets et asphyxiaient mon corps. Au début était mon hurlement. Puis j'ai perdu la voix.
Sur la croix, un valet ricanant a incisé mon ventre et tiré mon intestin avec un hameçon de fer rouge. Il a enroulé ce que j'étais sur un bâton de bois. J'ai voulu fermer les yeux.
D'autres hameçons sont venus, en haut, en bas, pour garder mes paupières ouvertes, pour que je vois bien. J'ai tout vu, tout vomi sans ouvrir la bouche.
Elle qui tenait mon cœur, elle que tenait un vers, un grand vers blanc plein de sueur qui pissait son désir dans sa bouche. C'était le maître des valets, l'effaceur de mon nom. Elle que saillaient des hommes blancs et rieurs, elle dont le ventre avait volé mon cœur. Je l'ai vue suer et jouir, éventrée sous les coups.
Sur la croix, j'ai hurlé si fort qu'aucun son n'est venu.
Sur ma croix, je suis mort et je ne me souviens de rien.
Hier, on m'a dit que je guérirai.
Aujourd'hui, je sais bien que je suis déjà mort.