Ma Dame

Gunther Hermann

Un brouillon de lettre griffonné sur un bloc-note

Ma Dame,

Jamais n'aurais-je osé de vous prier de bien vouloir me pardonner pour ce qui se révèlera, au mieux, à vos yeux banal, au pire une anecdote tantôt risible, si, vous revoir, l'autre jour, n'avait eut comme conséquence de m'y contraindre, je vous l'assure, bien malgré moi.


Le coeur a paraît-il ses raisons, moi, ce sont les tréfonds de mon âme que vous bousculâtes, mon oreille ici la coupable. Coupable, deux fois.


Car, trop enivrée du son de votre voix, j'aurai tant peiné à saisir, pourtant avide de la suite et déjà désespéré de votre inéluctable départ, chaque mot que vous disiez: tendresse infinie.


De cet exercice je ne suis habitué, pas tant à défaut de vouloir, mais c'est le stigmate social qui tâchera de m'interdir l'expression des sentiments, si soudains soient-ils, même jamais choisis.


Si peu à offrir et ne cherchant plus vraiment: encore eût-il fallu savoir qu'offrir? Ca ne sera des mots, rien que des mots: s'il vous plaît, ne craignez, dans me démarche, aucune entreprise autre que l'expression de la franchise d'un vieux loup, trop solitaire, trop franc pour mentir, trop esseulé pour savoir faire preuve, encore, de patience.


De votre existence, être témoin ce matin-là? Ce fut mourir un peu; chaque mot: cette délicate souffrance de savoir par ailleurs l'instant si unique qui ne saurait être vécu de nouveau.


S'il vous paît, comprenez l'horreur de ma position, me retrouvant  avec un souvenir intolérable d'imprécisions là il serait probablement possible de vous écouter, je crois, tant que Dieu m'y prêtera vie.


Bien que cet honneur s'avère parfaitement enviable, pour vivre, de mon coeur j'aurai besoin, si vous ne sauriez en avoir usage, auriez vous la délicatesse vous me le rendre? C'est avec le peu de dignité qu'il me reste que je crois l'avoir oublié dans votre sillage.


Me rappeler à la beauté, à qui je fus, à qui j'espère être alors même  que le public que nous fûmes, ne vous méritant pas une seconde, aura été témoin de ce qui aura su rendre, à mon humble opinion, le monde meilleur l'espace d'un instant.


J'ignore s'il y aura suite, flamboyance, mais, peut-être, vous recroiser, et le reste importerait si peu.

H.

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