Ma Femme Bijou
gillesdelatourette
Ne touchez ni mon samedi ni mon dimanche matins car ils sont sacrés. La terre peut bien s'écrouler. Moi je dors jusqu'à midi.
Ce matin, enfin je veux dire à midi un peu dépassé, je décoince tranquille du grand lit. Comme un chat. Ma femme doit encore s'activer à passer le balai. Du ménage, toujours du ménage ! Il est vrai qu'encore hier vendredi soir, nous avons reçu des copains. Nous avons tous à peine trop bu. Mais nous nous sommes bien marrés. Et puis les weekends, faut bien s'détendre et s'lâcher.
En mâchant péniblement ma salive collée au palais, je me lève pour aller pisser. Ben oui, j'suis Monsieur tout le monde, je commence toujours ma journée ainsi. Et excusez-moi Mesdemoiselles, si je vous choque mais je touche aussi d'abord ma virilité noyée dans le pyjama pour la réveiller, la calmer aussi. L'important, c'est de bien s'étirer le matin, me dit toujours ma femme qui enseigne le hatha yoga.
Ma main rangée sous ma ceinture, à pas menu, j'accède près de la salle de bain. Et là, mes oreilles se déplient au ralenti. La voix de ma femme derrière la porte envahit mes neurones aplatis et mes yeux s'arrondissent au fur et à mesure de ses mots qui s'échappent dans un son de voiture qu'on fait pétarader en plein hiver. Voilà qu'elle chante à tue-tête maintenant ma femme bijou, devant son miroir sûrement :
- Oh comme je suis gentille ! Oh comme je suis généreuse ! Oh comme je suis bonne, si boooonne ! Oh comme je suis belle ! Oh coooomme je suis douce ! Aimante, siiiii brillante, siiiii patiente !
J'attendrais donc exceptionnellement de la laisser faire ses nouvelles vocalises avant de faire pleurer l'gamin, vu que les WC sont dans la salle de bains. C'est un peu mal fichu chez elle. Bah, pour une fois, je saurai patienter, sans trop m'énerver. Ceci pensé, je me demande, vu qu'elle émet des drôles d'airs incontrôlés dans sa gorge feu follet, si sa bougie intérieure ne serait pas dérangée. Les femmes, dans leur corps, sont si surprenantes. M'enfin, celle-ci, je l'aime, depuis 6 mois déjà. J'y tiens beaucoup. Vraiment beaucoup. Hâte de lui faire un bisou, un long bisou. Volant dans mes songes amoureux, traînant mes savates dans le couloir et me grattant le ventre, j'ai pas pu m'empêcher d'élever brusquement ma voix :
- Eeeeeeeh Bébé, il reste du café ? Eeeh mon trésor, tu m'entends ?