Ma petite Ferrari
Yves Montmartin
Berthon m'avait prévenue
- Les voitures, mademoiselle Clémence c'est comme les animaux, il faut multiplier leur âge par sept. Donc votre voiture approche les cent ans ! Berthon, il manie l'humour aussi bien que la clef de douze. Il a réfléchi deux secondes et il a fini par lâcher le morceau.
- Par conséquent, il faudrait envisager de la mettre dans une maison de retraite, enfin je veux dire à la casse. Berthon, je le connais depuis 15 ans quand j'ai eu ma première voiture, une Simca 1100 orange il était carrossier dans le seul garage de Keravan. C'est lui qui m'a trouvé ma C2 d'occasion quand la Simca a rendu l'âme. Aujourd'hui, il est le patron. J'ai une confiance absolue dans son jugement, il s'applique à toujours vouloir m'expliquer toutes les réparations qu'il effectue, mais moi, en mécanique, je n'y connais rien. Il a vu mon embarras alors il a tenté de me rassurer.
- Bon, disons que si vous n'accélérez pas comme une malade et que vous ne dépassez pas le 110, vous pouvez peut-être la garder un an ou deux. Mais pas question de faire des longs trajets, il va falloir la ménager. Il a passé la main dans ses cheveux.
- Vous comprenez, mademoiselle Clémence, moi je ne vous garantis rien, vous avez une petite fuite d'huile, il y a de la mayonnaise dans le bocal comme on dit. Alors si ça s'aggrave adieu le joint de culasse et adieu le moteur. Si un jour en roulant vous voyez une fumée blanche dans votre rétroviseur, arrêtez-vous immédiatement et appelez une ambulance, enfin je veux dire une dépanneuse.
Je l'ai laissé à son oraison funèbre, et je suis repartie au volant de ma petite Ferrari. Il m'a fait un signe de la main, qui signifiait, « à bientôt », tant il devait être persuadé de la fin prochaine de ma voiture. Je ne suis pas du tout attachée aux objets, une voiture c'est simplement un moyen pratique de locomotion, mais ma petite Ferrari, quand même, je l'aime bien.