Ma Vérité
Dominique Capo
Bonjour, c'est Vanessa. Je n'ai pas l'habitude de prendre la plume pour écrire ce genre de texte. Mais celui que vous tenez actuellement entre les mains me tient particulièrement à cœur. Il y a longtemps que je souhaitais consigner dans une lettre ce que je vis depuis plus de dix ans maintenant.
Ainsi que vous vous en rendez compte par son nombre de pages, le récit que vous avez reçu est assez long. Il m'a fallu plus de trois mois pour le réaliser ; sans compter l'aide de Dominique quant à ses corrections orthographiques et grammaticales. Malgré tout, j'en suis l'unique auteur, ne vous y trompez pas. J'y ai mis tout mon cœur, et ai fait beaucoup d'efforts pour y retranscrire ma vérité. J'espère donc que vous prendrez le temps de m'écouter.
Les événements que je détaille ici reviennent sur un certain nombre de faits à l'origine de ma rupture actuelle d'avec Papa et Maman. De fait, nul ne pourras dire que je ne me suis pas exprimé ouvertement sur cette déchirure. Et nul ne pourra s'exclamer qu'il n'était pas au courant de ma version des faits.
Ce texte se décompose en plusieurs parties : la première évoque certains des événements les plus marquants avant la découverte de ma sclérose en plaques. Ils expliquent quelques uns des agissements de Papa et de Maman à mon encontre, à l'encontre de Dominique, et à l'encontre de notre vie de couple. La seconde détaille les événements, qui ont lieu de mon hospitalisation à l'Hôpital Pasteur jusqu'à assez récemment. Ils montrent de quelle manière Papa et Maman ont tenté de profiter de la situation pour me soumettre à leurs volontés. La troisième rend compte de ce que je vis à l'heure actuelle en ce qui les concerne.
Je commencerai donc par le commencement : lorsque Dominique et moi avons emménagé ensemble, Papa et Maman ont tout de suite voulu se mêler de la gestion de notre quotidien. Ils ont entrepris de mettre leur nez dans l'organisation de notre cadre de vie. Et Dominique et moi avons immédiatement eu l'impression que rien ne leur convenait. Nous avions le sentiment que c'était leur propre mode de vie, leur propre manière de fonctionner, etc. qui était directement concerné. Tout était prétexte à imposer leurs jugements sur l'organisation de notre quotidien. Et, évidemment, tout était déjà de la faute de Dominique. Je dois d'ailleurs ajouter qu'ils se sont mis à imaginer des choses qui n'existaient que dans leur imagination concernant notre mode de vie. Or, paradoxalement, c'est que, dès cette époque, ils ne s'y sont jamais intéressés. Cela n'a pas changé depuis d'ailleurs…
Il est vrai, je dois bien l'admettre, que le jour où j'ai emménagé à l'appartement que nous occupons aujourd'hui, je ne possédais que très peu d'affaires personnelles. Dominique, lui, avait quitté sa famille pour vivre seul depuis une quinzaine d'années. Durant tout ce temps, il avait accumulé nombre d'équipements de toute sorte : mobilier pour la cuisine, pour la chambre, pour la salle de bain, étagères, matériel vidéo, livres, DVD, etc. Et il est exact de dire que tout ceci a pris énormément de place, comparé aux quelques objets personnels ou vêtements que j'y ai amené.
Cela n'a pas raté, Papa et Maman ont dès lors immédiatement estimé que celui-ci ne me laissait aucune place au sein de notre domicile. Ils ont estimé que ma participation à son aménagement n'y apparaissait pas. Ils ont considérer qu'il ne reflétait qu'il ne me ressemblait pas. Je me souviens, en particulier, du jour de notre pendaison crémaillère. Papa y a raillé les centaines de livres nous entourant, avant de demander à Dominique sur le même ton s'il les avait tous lu. Il a aussi jugé que ces « bouquins » y avaient une place trop importante et inutile. Et il a poursuivi, en expliquant aux gens qui étaient autour de lui, que le fait que les livres aient une telle importance dans son mode de vie était une aberration.
Bien qu'il ne l'ait pas montré sur le moment, Dominique a profondément été blessé par cette réflexion. Elle lui est, depuis, resté comme une cicatrice : de quel droit Papa s'était t'il permit de juger son mode de vie alors qu'il le découvrait à peine. Il est vrai que les objets éparpillés dans l'appartement reflétaient sa personnalité ; c'est un amoureux des livres, de l'écrit, de la pensée, et un intellectuel pour qui tout cela a beaucoup d'importance. Ce n'est pas le cas pour Papa et Maman, c'est une évidence de l'admettre. Et je suis sûre que leurs liens ont commencé à se fissurer à ce moment là.
Quelques temps plus tard, Dominique a suggéré que Papa et Maman nous téléphonent avant de nous rendre visite. Pour lui, il ne s'agissait qu'une marque de politesse de leur part. Mais, surtout, c'était pour qu'ils ne viennent pas pour rien, au cas où nous serions sortis. Nous ne sommes pas censés être chez nous en permanence. Par ailleurs, depuis toujours, dans la famille de Dominique, c'est l'usage de téléphoner avant de se rendre chez quelqu'un pour l'informer du jour ou de l'heure de son passage. Il s'agit encore d'une marque de respect ; le but étant de ne pas s'imposer dans la vie privée des uns et des autres.
Que n'a-t-il pas dit là !!! Dominique s'est aussitôt fait incendier de la part de Papa et de Maman. En colère, ceux-ci lui ont expliqué que ce n'était pas dans leurs habitudes de téléphoner avant afin de prévenir quiconque de l'heure de leur passage. Ils ne changeraient pas pour lui faire plaisir. Ils viendraient me rendre visite quand bon leur semblerait. Dominique a pris sur lui : il s'est donc amendé ; il s'est platement excusé de les avoir froissés. « Telle n'était pas mon intention, leur a-t-il dit ; il s'agissait juste d'une manière de procéder à laquelle je suis habitué depuis mon enfance. » Il leur a ensuite affirmé qu'ils pouvaient venir nous voir quand ils le voulaient. Il leur a dit qu'il s'adapterait à leur façon de fonctionner. Mais Papa et Maman n'en n'ont jamais tenu compte, ni de son repentir, ni de sa bonne volonté. Ils sont restés braqués sur ses paroles malencontreuses. Et par la suite, ils ne sont rendus chez nous que pour des occasions exceptionnelles, arguant du fait qu'ils n'y étaient pas les bienvenus.
Dès ce jour, lorsque Maman venait nous chercher pour les fêtes de famille – à l'époque où Dominique s'y rendait encore -, elle sonnait à l'interphone. Puis, elle attendait dans la voiture que nous descendions. Pareil, quand elle nous ramenait le soir. Pareil encore lorsqu'elle nous accompagnait au supermarché afin que nous fassions nos courses mensuelles. Au retour, elle nous aidait à les déposer dans le hall de l'immeuble, près de l'ascenseur. Mais, jamais elle ne mettait les pieds dans l'appartement. Et souvent, lorsque je téléphonais à Papa et Maman pour prendre des nouvelles de la famille, Dominique essayais de dire que nous espérions qu'ils nous rendent visite bientôt. Il leur expliquait que cela nous ferait plaisir ; et en particulier à moi. Mais rien, aucune réponse : Dominique, comme moi, nous sentions donc méprisés, insultés, par leurs évitements perpétuels.
Les relations entre Dominique, Papa et Maman ne pouvaient pas plus mal débuter, c'est certain. Et, au fil des années suivantes, la situation n'a fait qu'empirer. Car, non seulement, ils ne désiraient pas mettre les pieds dans notre appartement, mais ils n'ont jamais voulu se rendre compte par eux mêmes de quelle manière nous vivions au quotidien. Ils souhaitaient uniquement s'en tenir à leurs préjugés, à leurs idées préconçues, à leurs opinions arrêtées.
Ils ne se sont d'ailleurs pas contenté de cela : au début de ma relation avec Dominique, ses grands-parents ont invité Papa et Maman à leur anniversaire de mariage ; leurs soixante ans, pour être exact. Il était convenu qu'ils restent sur place la nuit suivant cette fête, et qu'ils repartent le lendemain. Une chambre leur avait été préparée au domicile de Véronique, la sœur cadette de Dominique. Or, à la fin de la réception, il a pratiquement fallu les supplier afin qu'ils acceptent d'y loger. Ils auraient préféré dormir dans leur voiture pour ne rien avoir à devoir. Et j'avoue que j'ai été particulièrement gênée par leur attitude.
Un autre exemple caractéristique de leur état d'esprit : ainsi, depuis que Déborah ne vit plus en permanence chez Papa et Maman, ceux-ci sont libres de se rendre à des invitations de toutes sortes ; et ils ont raison. Quand j'ai organisé la réception pour le premier anniversaire du PACS qui me lie à Dominique, la grande majorité des affiliés au clan familial a répondu présent. Tous, sauf Papa, Maman, Matthieu et Barbara. Alors, pourquoi pas quand moi je mets en œuvre quelque chose du même genre ?
On dirait mes parents, en plus cools (pas les miens...)
· Il y a plus de 7 ans ·petisaintleu
j'en suis navré pour toi, mon ami. Je sais combien c'est dur de porter ce genre de croix sur ses épaules quand notre famille nous inflige ce genre de souffrance. Tu as toute mon amitié...
· Il y a plus de 7 ans ·Dominique Capo