MA VIE AU PLACARD
suemai
J'ai mis ma vie au placard… Vous ne m'avez pas dit, que dehors s'élançaient les lys des champs. Que la terre tournait toute affolée. Que d'autres femmes vivaient parfois heureuses, que des enfants criaient et pleuraient à la fois, qu'on pouvait y voir quelque chose, même dans les grands brouillards et que les cris de la solitude, sous un souffle amical, pouvait se taire…
J'ai mis ma vie au placard... Vous ne m'avez pas dit qu'elle rêvait de moi, qu'elle me tendait la main, que son cœur grelottait, que sa langue s'entortillait, que ma natte lui plaisait, que ses yeux de bulles s'éclataient, qu'elle désirait m'étreindre, me caresser, me bercer et m'endormir comme on le fait aux toutes petites, et parfois aussi aux plus grandes.
J'ai mis ma vie au placard... Vous ne m'avez pas dit pour la terre, la lune, les astres, pour les champs labourés qu'avale le soleil, pour ce goût de miel, les papillons caméléons, les blés tendres et dorés, le chant de petits oiseaux piailleurs et rieurs, le ronronnement des chats, les nuages tout blancs, tout gris et parfois tout noirs. De l'eau du ciel, comme une pluie du paradis, des frissons d'automne, de l'âge de la pierre, du jeu des sauterelles, de la lenteur des escargots, de l'éclat de l'éclair, du grand tam-tam, celui de la danse des vivants et de la lumière.
J'ai mis ma vie au placard. .. Vous ne m'avez pas dit pour les neuf mois, les petits cris qui hantent les ventres, pour les sœurs, les frères, les mamans, les papas, toutes les familles, les beaux escaliers de bois de chêne, les magnifiques robes, les bijoux aveuglants, les marionnettes qui s'engueulent, le couinement du cochon qu'on abat, le lait des chèvres et des vaches, les colombes aux trois couleurs, les glaces à la pistache, Le vert de mes yeux, couleur tessons de bouteilles, polis par d'anciens et lointains océans…
Vous ne m'avez pas dit tous les dangers de se planquer dans ce placard, cette tristesse qui vous blafarde, toute cette noirceur qui chaparde, ces délires et ces gestes fous qui, souvent, si souvent, se hasardent, trop souvent cafardent … et brutalement canardent.
*
Et maintenant, rendez-moi silence… J'ai sommeil
Si longtemps… Si longtemps que mes yeux veillent
Pardonnez-moi tout ceci
Mais vous ne m'aviez pas dit
*
Tell me why...?
Why should we believe in yesterday...
*
Tell me why !